L’offre de pétrole est surabondante et la demande ne suit pas. Tous les experts annoncent que le prix de l’or noir va baisser dans les mois à venir. Donc celui de l’essence et du mazout aussi.
Vladimir Poutine a supplié les pays de l’Opep+, soit l’Opep élargie à dix autres producteurs majeurs dont la Russie, de ne pas accroître leur production. Le dirigeant russe a besoin d’un pétrole fort pour financer son économie de guerre. Mais ses associés ne l’ont pas écouté. L’Opep+ vient de décider de gonfler sa production d’or noir. En clair, elle choisit de supprimer complètement d’ici septembre ses restrictions volontaires de production. Dans son dernier rapport, elle table sur une croissance d’1,3 million de barils par jour (mbj) en 2025 et un mbj en 2026. Cela a directement entraîné une baisse du prix de référence du brut. A cette annonce s’est ajoutée celle d’une hausse surprise des stocks hebdomadaires de pétrole aux Etats-Unis dont les réserves commerciales ont augmenté de trois millions de barils la première semaine du mois d’août, alors que les analystes s’attendaient à une baisse de 275.000 barils. Le «drill baby drill» lancé par Donald Trump lors de la campagne présidentielle US semble porter ses fruits…
La demande de pétrole, elle, ne suit pas la même courbe ascendante. Dans son dernier rapport prévisionnel, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) déclare que «la croissance de la demande mondiale de pétrole a plusieurs fois été revue à la baisse depuis le début de l’année». Elle explique: «Les dernières données montrent une demande morose dans les principales économies et, la confiance des consommateurs étant toujours déprimée, un fort rebond semble lointain». Et encore: «Le ralentissement de la croissance économique est sur le point de modérer la demande».
Cette récession est notamment due aux tarifs douaniers imposés par Washington. De la même manière, l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) a publié un rapport peu avant celui de l’AIE, dans lequel elle «prévoit une baisse significative du prix du pétrole, car la croissance de l’offre mondiale dépasse largement la croissance de la demande de produits pétroliers». L’administrateur de cette agence a ajouté que, par le passé, des baisses importantes du prix du pétrole ont pu être constatées lorsque les stocks augmentaient de façon aussi rapide qu’on peut le prévoir pour les mois à venir.
Les pays producteurs tablent-ils sur une hausse de la consommation de pétrole si les prix diminuent? Sans doute. L’Opep se montre d’ailleurs plus optimiste que les deux agences susmentionnées à ce sujet et table sur un ralentissement à long terme de la transition énergétique.
Ces derniers mois pourtant, alors que le prix du pétrole ne cesse de baisser (il est un tiers moins cher aujourd’hui qu’il y a un an à la même période), la demande a déjà été plus faible que prévu sur des marchés décisifs comme la Chine, l’Inde et le Brésil. L’AIE prévoit une augmentation de 700.000 barils par jour cette année, soit l’augmentation la plus faible depuis 2020, l’année du Covid. En 2024, la Chine, où le développement des énergies renouvelables est très rapide, a généré moins de 20% de l’augmentation de la demande mondiale de pétrole, contre plus de 60% entre 2013 et 2023. L’adoption massive de véhicules électriques dans ce pays d’1,4 milliard de consommateurs explique également ce changement de la demande, note l’économiste Marie Owens Thomsen, sur le site d’Agefi, la lettre d’information économique suisse.
Influence de Trump et Poutine sur le cours du pétrole
L’AIE souligne, elle aussi, que la consommation dans les économies émergentes, surtout celles d’acteurs majeurs comme la Chine, l’Inde, le Brésil, a été plus faible que prévue, ces derniers temps. La seule grosse exception concernant la demande de pétrole est le fait de l’aviation, le secteur du tourisme connaissant une saison exceptionnelle. Comme le note L’Echo, TUI, premier tour opérateur européen, a relevé ses prévisions de bénéfice annuel après avoir enregistré ses meilleurs résultats trimestriels depuis plus de dix ans. Tout le secteur se frotte les mains, en retrouvant le niveau d’avant le Covid. Résultat, selon l’AIE: «Les voyages estivaux robustes ont propulsé la demande mondiale de kérosène qui devrait augmenter de 2,1% cette année». Mais cela ne suffira pas à booster la demande globale.
Au niveau de l’offre, il faudra tout de même suivre attentivement l’attitude de l’Iran et de la Russie, respectivement cinquième et troisième producteur mondial, qui font l’objet de sanctions internationales renforcées. Décrétées par les Américains pour Téhéran et les Européens pour Moscou, ces sanctions renforcées pourraient contraindre les deux pays à réduire les approvisionnements en pétrole et gaz.
Le sommet Trump-Poutine de ce vendredi en Alaska, très attendu, pourrait aussi influencer les marchés. Les investisseurs sont impatients de voir quelle issue aura la discussion entre les deux leaders. «Une absence de progrès devrait entraîner un rebond des prix du pétrole, explique à l’AFP l’analyste chez Swissquote Bank Ipek Ozkardeskaya. Les risques géopolitiques restent orientés à la hausse.» Par contre, un assouplissement des sanctions contre la Russie pourrait contribuer à l’augmentation de l’offre mondiale et donc peser sur les prix à la baisse.
Une diminution des prix du brut aura inévitablement des conséquences sur la facture de mazout et de carburant des ménages. C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs. Pour les entreprises aussi. Par contre, l’intérêt économique de transiter vers des énergies propres risque de s’amoindrir avec la baisse des prix pétroliers. C’est une mauvaise nouvelle pour la planète, d’autant que les négociations sur l’avenir du plastique ont, une nouvelle fois, capoté à Genève, ce 15 août, vu la réticence des producteurs pétroliers à s’engager dans un traité ambitieux. La production de plastique à base de produits pétroliers ne devrait pas se restreindre, au contraire. En Chine d’ailleurs, la faible augmentation de la demande totale de pétrole sera principalement soutenue par les produits pétrochimiques qui sont transformés en plastique, en fibre synthétique et divers matériaux d’emballage. Eloquent: le chiffre d’affaires des plateformes Temu et Shein, très gourmands en polyester et emballages plastiques, est en constante croissance.
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