Encouragés par des régimes préférentiels promis depuis longtemps, les fonctionnaires sont les travailleurs belges qui prennent leur pension le plus tôt. L’Arizona espère un changement, mais cela pourrait ne toucher que les plus précaires d’entre eux.
Près de 70% des fonctionnaires ont pris leur retraite avant 65 ans, apprenait-on dans De Standaard (qui s’est procuré les chiffres auprès du SPF Pensions), ce jeudi. Comparativement, 46% des employés optent pour une pension anticipée et 23% des indépendants s’arrêtent également avant l’âge légal. «Pour les fonctionnaires, on parle surtout des professeurs, dévoile Michel Wuyts, directeur de Fediplus, une asbl spécialisée dans les systèmes de retraites. Certains fonctionnaires bénéficient d’un calcul avantageux dans lequel 40 années de service reviennent à 42 années comptées pour la pension.»
Ce sont justement tous ces systèmes avantageux que l’Arizona entend uniformiser en supprimant ces avantages, ce qui devrait inciter à travailler plus longtemps. Ces dernières années, les pensions minimales ont été généralement rehaussées, mais il fallait que les fonctionnaires travaillent plus longtemps pour y prétendre. «Pour avoir 75% du salaire perçu des dernières années, il faut une carrière de 45 ans, ce qui est tout de même long», constate Michel Wuyts. Conséquence: le taux de pensions anticipées dans la fonction publique est passé de 74 à 70% entre 2019 et 2024, tandis qu’il a augmenté de 41 à 46% chez les employés et de 19 à 23% chez les indépendants.
Pour leur retraite, les fonctionnaires ont peur de l’avenir
Cette instabilité légale concernant la pension inquiète, présume le directeur de Fediplus. «J’observe une sorte de phénomène: beaucoup de gens –contents ou non de leur statut– prennent leur pension surtout parce qu’ils ne savent pas de quoi demain sera fait. Ils préfèrent ne pas prendre de risque.» Là encore, en (ré)instaurant de sérieux malus-pension (de 2 à 5% en moins par année non prestée), l’Arizona espère allonger les carrières des fonctionnaires (et des autres). Avec quel effet? «Cela va dépendre, répond Michel Wuyts. Pour certains, la pension, c’est un peu de l’argent de poche; ils ne sentiront pas la différence. Pour ceux qui n’ont que ça comme revenus, 200 euros de moins, c’est dissuasif.»
L’introduction in extremis d’un malus calculé sur l’âge du pensionné en complément du nombre d’années prestées aura également des conséquences sérieuses pour les pensionnés de la fonction publique qui, pour rappel, touchent un salaire différé et non une pension. «Pour les personnes nées entre 1961 et 1965, pénalisées de 2% par année non prestée, ça ne devrait pas trop se sentir, commente Michel Wuyts. Pour ceux nés entre 1966 et 1974, pénalisés de 4% par an, ça va commencer à peser. Mais imaginez quelqu’un né après 1975 qui voulait s’arrêter deux ans avant l’âge légal, ça fait 10% en moins, et ça, c’est vraiment dissuasif.»
