Les travailleurs qui ont été malade de longue durée durant leur carrière pourraient bientôt se voir infliger un malus-pension en cas de retraite anticipée. «C’est un manque total de prise en compte des plus vulnérables», dénonce la FGTB.
Les personnes qui ont été malades pendant de longues périodes durant leur carrière et qui décident de partir à la pension de manière anticipée continueront à voir ces jours de maladie les pénaliser fortement dans le calcul de leur pension. C’est en tous les cas ce qui ressort du projet que le ministre des Pensions, Jan Jambon (N-VA), a présenté aux partenaires sociaux la semaine passée et qu’évoquent lundi les journaux flamands De Morgen et Het Laatste Nieuws.
Le calcul utilisé pour les malades de longue durée consiste à diviser le nombre d’années de maladie par le nombre d’années de carrière, puis à multiplier le résultat par le nombre de mois supplémentaires qu’ils devraient travailler pour éviter un malus-pension. Une personne qui a commencé à travailler à 18 ans et qui a été malade pendant 12 ans peut prendre sa retraite à 61 ans après une carrière de 43 ans, dont un an de chômage. Pour éviter le malus, elle devra cependant continuer à travailler jusqu’à 66 ans.
Le gouvernement n’a pas caché sa volonté de désormais sanctionner financièrement ceux qui prennent une retraite anticipée alors qu’ils n’ont pas suffisamment d’années de service. Juste avant l’été, il avait ainsi donné son feu vert à l’introduction d’un système de bonus-malus, c’est-à-dire une réduction ou une augmentation du montant de la pension par année prestée en plus ou en moins par rapport à l’âge légal de la pension.
Il subsistait toutefois une incertitude quant à l’impact d’une maladie de longue durée sur le calcul des années travaillées et donc sur ce malus, sachant que les personnes dans ce cas de figure n’étaient pas pénalisées jusqu’à présent. Afin de tenir compte de leur situation particulière, le ministre propose d’introduire une « correction » pour atténuer le malus qui devrait normalement s’appliquer.
Ces derniers mois, Vooruit, le CD&V et Les Engagés ont plaidé pour que les personnes ayant été longtemps malades ne soient pas pénalisées dans leur pension.
«Personne ne choisit d’être malade»
Les syndicats ont d’ores et déjà réagi avec colère et déception au projet du ministre Jambon. Du côté de la CSC, sa présidente Ann Vermorgen estime que « le problème reste entier », puisque les jours de maladie seront tout de même fortement pris en compte, là où ils ne le sont pas actuellement. Elle regrette que « les personnes qui ont connu des interruptions de carrière ou des périodes de maladie risquent de ne pas pouvoir prendre leur retraite plus tôt, ou très difficilement, sans en payer le prix le reste de leur vie. »
« J’ai le sentiment que c’est de la poudre aux yeux », estime Selena Carbonero, secrétaire fédérale de la FGTB, pour qualifier la « correction » que propose le ministre des Pensions. « Il y a vraiment un risque important de double peine », avertit-elle. « Lorsque l’on tombe malade de longue durée, c’est involontaire. Or, même si l’on se retrouve dans ce cas de figure à cause du travail, par exemple pour des douleurs au dos, ça ne changera rien. »
« Les gens ne peuvent rien faire contre la maladie. Personne ne choisit d’être malade. Personne ne choisit d’avoir un cancer », abonde Bert Engelaar, secrétaire général de la FGTB. « Il s’agit là d’une énième mesure d’économie bon marché qui touche ceux qui sont déjà en difficulté. »
« La responsabilité individuelle a été amplifiée à son paroxysme », résume encore Selena Carbonero. « Tout comme pour les chômeurs et la fin de leurs allocations après deux ans, on est dans une logique d’économies pures, peu importe le sort des personnes. C’est un manque total de prise en compte des plus vulnérables. On franchit les limites de l’inacceptable! », fustige-t-elle.
Un automne et un hiver syndicaux «chauds»
Après un printemps marqué par des actions et des manifestations contre la politique du gouvernement, les syndicats entendent bien continuer à mettre la pression. Une manifestation nationale est d’ailleurs prévue le 14 octobre à Bruxelles.
« La participation sera massive », selon Bert Engelaar. La CSC compte profiter de cette date pour faire évoluer la politique. « La seule lueur d’espoir, c’est que cela n’a pas encore été voté au Parlement. Ces projets particulièrement injustes peuvent et doivent encore être modifiés. Nous allons tout mettre en œuvre pour augmenter la pression sur le gouvernement », promet la présidente du syndicat chrétien à propos du projet sur les malades de longue durée.
Et même après le 14 octobre, des actions suivront, assure-t-on du côté de la FGTB. Le 21 octobre, une réunion du comité fédéral du syndicat socialiste est prévue pour discuter de la suite à donner, ce qui promet, d’après son secrétaire général, un automne et un hiver syndicaux « chauds ».