Le rapport annuel du Comité d’étude sur le vieillissement a mesuré l’impact social des réformes de Jan Jambon sur les pensions moyennes des fonctionnaires, des salariés et des indépendants. Il confirme que les futurs pensionnés devront bien travailler plus longtemps pour une pension moyenne plus faible.
Le Comité d’études sur le vieillissement (CEV), réuni sous l’égide du Conseil supérieur des Finances et qui rassemble plusieurs hauts fonctionnaires, publie chaque année en juillet un rapport sur les conséquences budgétaires et sociales du vieillissement de la population. La livraison de cette année était particulièrement attendue, et fut doublement célébrée par le nouveau ministre fédéral des Pensions Jan Jambon (N-VA).
D’une part parce que le rapport de cette année calculait les conséquences des réformes prévues par l’accord de gouvernement. D’autre part, parce que l’effet de celles-ci était bénéfique pour les finances publiques. A politique inchangée en effet, les dépenses sociales seraient passées de 25,8% du PIB en 2024 à 29,4% du PIB en 2070. Et avec les dispositions contenues dans l’accord de gouvernement, ces dépenses sociales ne devraient augmenter que d’1,7 point de pourcentage d’ici à 2070, pour se fixer à 27,5% du PIB. Elles auraient même tendance à diminuer après 2050, surtout par le fait de la réforme des pensions.
Juste avant que le vice-Premier ne s’engage, avec ses collègues, dans les difficiles négociations de l’accord d’été, cette présentation servait remarquablement la position de Jan Jambon, qui a pu faire valider sa mise en œuvre des bonus et de malus, en première lecture à tout le moins, par le kern. Il souhaite, après une deuxième lecture à la rentrée, faire voter tous les textes avant la fin de l’année, afin que les nouveaux régimes de pension entrent en application dès l’année prochaine.
En revanche, l’impact social de la réforme, lui aussi calculé dans le rapport, a moins été mis en avant dans la communication du ministre, et en conséquence dans les médias. Les estimations dans ces –plus courts– chapitres sociaux du rapport confirment en effet les craintes de l’opposition fédérale, qui répète depuis des mois que les Belges devront à l’avenir travailler plus longtemps pour un plus petite pension de retraite.
Deux indicateurs en particulier sont utilisés par les experts pour évaluer cet impact: le benefit ratio, soit le rapport entre la pension moyenne et le revenu professionnel moyen, et le taux de remplacement, qui est «le rapport entre la pension moyenne des nouveaux pensionnés et leur dernier revenu professionnel moyen».
L’évolution du premier, le benefit ratio, a particulièrement attiré l’attention d’Olivier Pintelon, conseiller pensions au service d’études de la FGTB, parce qu’elle permet de comparer le niveau général des pensions à long terme. «En comparaison avec leurs revenus du travail, tous les futurs retraités toucheront une pension moyenne plus maigre que ceux qui se trouvent dans le système actuel, quel que soit leur régime, fonctionnaire, salarié, ou indépendant», affirme-t-il. Cette dégradation relative de leur pouvoir d’achat est plus importante dans les deux premiers systèmes que dans le troisième, et elle augmente, en toute logique, au fil du temps.
«Si on veut calculer cet impact concrètement, on peut partir de la pension moyenne actuelle, et postuler que les salaires resteront constants. Cela n’arrivera évidemment pas, mais c’est pour simplifier le calcul, pose Olivier Pintelon. Je mets de côté les carrières mixtes, ici aussi pour faciliter l’estimation. Pour un fonctionnaire, la pension moyenne s’élève aujourd’hui à 3.397 euros brut mensuels, elle est de 1.673 euros pour un salarié, et de 1.135 euros pour un indépendant. Une baisse du ratio de 11,9% d’ici à 2070 correspondrait alors à une baisse de 404 euros brut de la pension moyenne d’un fonctionnaire. Pour un salarié, la baisse, à 8,1%, serait de 135 euros par mois. Et pour un indépendant, dont le benefit ratio baissera de 3,1% d’ici à 2070, la baisse moyenne devrait s’élever à 52 euros par mois à cette date», avance-t-il.
Que le niveau moyen de la pension des fonctionnaires baisse à ce point n’est pas surprenant, puisque les gouvernements successifs ont voulu faire converger les régimes de retraite, et que l’Arizona s’y attèle tout spécialement. Mais la diminution du revenu moyen des futurs pensionnés d’une carrière de salarié a de quoi étonner, alors que l’exécutif De Wever s’est donné comme leitmotiv de mieux valoriser le travail. «L’introduction du malus va beaucop peser sur le revenu de ces pensionnés-là, tout comme la réduction des périodes assimilées», jauge Olivier Pintelon.
Même les indépendants, pourtant particulièrement choyés par les précédentes réformes des retraites, et peu concernés par la réforme Jambon, y perdront donc un petit morceau de pension. «C’est probablement à cause de la suppression de l’enveloppe bien-être, car la grande majorité des indépendants retraités perçoivent la pension minimum, et l’enveloppe bien-être servait notamment à l’augmenter», postule le syndicaliste, qui estime que ces chiffres «démontrent la vraie intention derrière cette réforme des pensions. L’Arizona ne veut pas revaloriser le travail, mais bien faire des économies sur le dos des travailleurs et des pensionnés», conclut-il.
C’est peut-être pour éviter de donner aux observateurs une raison de partager cette hypothèse syndicale que les chapitres sociaux du rapport 2025 du Comité d’études sur le vieillissement ont été beaucoup moins mis en avant par Jan Jambon que ceux consacrés aux conséquences budgétaires de sa grande réforme des pensions.