Le ministre Jan Jambon NVA lors de la session plénière de la Chambre au Parlement fédéral, à Bruxelles, Belgique, jeudi 17 juillet 2025 Photo Werner Lerooy

Accord de l’été : «L’Arizona décide de faire porter l’effort sur les pensionnés»

Sylvain Anciaux

En matière de pensions, le gouvernement fédéral a abouti à une «costaude» réforme, selon l’économiste Maxime Fontaine. Selon lui, l’Arizona manque de clarté, ou de transparence, ou des deux.

Présentée comme un grand chantier de cet accord d’été, la réforme des pensions dégainée par l’Arizona à l’issue du kern de ce week-end de fête nationale pourrait être totalement dénaturée d’ici quelques semaines. Les Engagés y ont inscrit une clause de rendez-vous, écrit Le Soir, ce qui indique que le texte pourrait être modifié en deuxième lecture, et que l’accord politique est plus un compromis suspendu à demain. «Cela veut dire que l’on peut revenir sur tout, juge l’économiste en finances publiques de l’ULB, Maxime Fontaine. Il reste un certain flou dans la communication de l’Arizona sur la réforme des pensions. Il faut absolument avoir les chiffres de leurs simulations, on ne sait pas si les économies seront faites sur les hommes ou sur les femmes, sur les indépendants ou les salariés, sur les pauvres ou sur les riches…»

Néanmoins, il existe tout de même certains éléments qui donnent des indices. Pour le personnel roulant de la SNCB et les militaires, il en est donc fini de partir à 55 et 56 ans. Les régimes spéciaux qui permettent une pension complète après 36 ans ne seront disponibles qu’après 45 ans de carrière. La pension des fonctionnaires sera calculée sur leurs 45 années de carrières et non quatre (ou dix) comme c’était le cas pour certains. Pour les fonctionnaires, les pré-pensions pour cause de maladie ne seront plus acceptées telles quelles. «La réforme des pensions est indispensable pour garantir la viabilité et la pérennité de notre régime de pensions dans une société qui vieillit, commente le ministre Jan Jambon (N-VA). En outre, à politique inchangée, il existe un risque élevé de rupture du contrat social intergénérationnel.»

«On vise les fonctionnaires en premier, les chômeurs ensuite»

Pour Maxime Fontaine, il s’agit justement de choix très politiques. «On vise les fonctionnaires en premier, et puis les chômeurs», pointant du doigt la suppression des avantages aux travailleurs de la fonction publique et des métiers pénibles. «Alors que notre système visait justement à différencier les métiers pénibles des autres. Toutes ces réformes sont en fait pensées pour diminuer les dépenses de l’Etat, et l’on décide de tout faire porter aux pensionnés.» Puisque en nivelant les pensions vers le bas, le gouvernement choisit de ne pas imposer ailleurs, comme le travail, par exemple.

L’Arizona ne s’est cependant jamais cachée de vouloir favoriser ceux qui travaillent. Et particulièrement ceux qui travaillent tard avec le système de bonus-malus. La pension est diminuée pour chaque année où elle est prise avant 66 ans, et augmentée pour chaque année où elle est prise après 66 ans. Pour les personnes proches de la retraite, ce malus ou bonus s’élève à 2 % par année d’anticipation ou de report. Pour les générations plus jeunes, ce taux sera de 4 %, puis de 5 %. «Ce n’est pas la première fois que ce bonus-malus apparaît dans des politiques gouvernementales, note l’économiste. On peut se demander si ce n’est pas un peu hypocrite, car il n’y a quasiment personne qui acceptait de continuer sa carrière pour ce bonus, à part chez les professions qui ne sont pas pénibles, comme des cadres par exemple. J’ai l’impression que l’Arizona compte peu sur le bonus.»

Si Maxime Fontaine dit que les chômeurs sont les seconds visés, c’est parce que la réforme des pensions ne permettra plus à ceux qui ont eu des carrières incomplètes d’activer leur droit à la pension comme avant. Pour pouvoir prendre une retraite anticipée aujourd’hui, il faut déjà prouver 42 années de carrière. Pour éviter le malus, il faudra veiller à ce que, dans ces 42 années, au moins 35 aient été travaillées à mi-temps. «Déjà, on compte deux fois plus de femmes concernées par des périodes assimilées que les hommes, l’Arizona dit que les périodes de congés maternités ne seront pas comprises dans le calcul, mais ce n’est déjà pas le cas. Et puis, les périodes assimilées représentent souvent un tiers du temps de carrière. Tout cela veut dire que pour une personne qui a été éloignée du travail pendant quatre ans à cause d’un cancer, et qui a chômé trois ans et demi en plus de cela, par exemple, elle devra travailler jusqu’à un départ à l’âge légal de la pension, minimum.»

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