taxe sur les plus-values
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La taxe sur les plus-values dégage une étrange odeur: «Elle ne rapporte que 1/600e du budget de l’Etat!»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

La taxe sur les plus-values rapportera une recette presque anecdotique pour l’Etat. Contrastant, face au bruit politique qu’elle produit. Le professeur en finances publiques Wim Moesen (KU Leuven) déplore une mesure «mal gérée depuis le début», qui «montre déjà des signes de moisissure» et plaide pour un élargissement de la base imposable plutôt qu’une politique faite de symboles et de niches fiscales. «Il convient de charpenter une taxe sur tous les revenus du patrimoine», dit-il. Objectif final: réduire la pression fiscale sur le travail.

A vitesse de croisière, d’ici 2029, la taxe sur les plus-values pourrait rapporter 500 millions d’euros de recettes à l’Etat, selon les ambitions du gouvernement fédéral. Cette somme peut paraître conséquente. En réalité, elle est plutôt anecdotique face au budget public total (300 milliards d’euros). «La taxe ne représente qu’un sixième de 1% des recettes de l’Etat… soit 1/600e», calcule Wim Moesen, professeur honoraire en finances publiques à la KU Leuven.

Taxe sur les plus-values: un bruit politique démesuré

Ce «bruit politique est démesuré» par rapport à l’apport financier réel de la taxe, qui, ab initio, «est très mal gérée, tant au niveau du contenu que de la procédure utilisée pour la mettre en place, tacle le professeur. Cette taxe voit à peine le jour qu’elle montre déjà des signes des moisissure et dégage une petite odeur étrange. C’est du bricolage teigneux.»

En plus de produire un revenu non-substantiel pour l’Etat, la taxe sur les plus-values s’avère très complexe au niveau technique: elle intègre de nouvelles exceptions, ce dont le système fiscal belge se serait bien passé et, sur plusieurs aspects, elle déborde totalement du cadre économique. «On a sorti intentionnellement une taxe très discutable politiquement pour en faire un symbole». Les socialistes flamands de Vooruit ont en effet fait de la taxe sur les plus-values leur cheval de bataille au sein de l’Arizona, avec l’objectif initial (mais raté) de faire «contribuer les épaules les plus larges». Une montagne politique qui accouche d’une souris budgétaire.

Taxe sur les plus-values: d’autres mesures aux revenus identiques

D’autant plus que d’autres nouvelles mesures fiscales arizoniennes ambitionnent de rapporter un montant… identique que celui potentiellement perçu par la taxe sur les plus-values. Mais elles passent entièrement sous les radars politico-médiatiques. C’est le cas, par exemple, de la facturation digitalisée de la TVA en temps réel. Son introduction détient l’avantage de voir les paiements de la TVA «précipités» dans le budget de l’Etat. Une manière de remplir les caisses le plus tôt possible dans l’agenda. Du front loading, dans le jargon budgétaire. Aussi, elle permet, sur papier, d’entraver la fraude fiscale. «Les documents gouvernementaux chiffrent les revenus de cette taxe à… 500 millions à l’horizon 2029, soit exactement le même montant que la taxe sur les plus-values. Or, personne n’en parle!, s’étonne Wim Moesen. Simplement parce que la portée est beaucoup moins symbolique et peu propice à la bataille politique.»

En finir avec les one shot et la politique de niches

Selon le professeur, d’autres manières existent, beaucoup plus appropriées que le one shot des plus-values, pour produire des revenus supplémentaires. «Il faut charpenter une taxe sur tous les revenus du patrimoine, plaide-t-il, notamment le patrimoine immobilier, qui doit être davantage inclus dans la base imposable. A cet égard, les loyers réels nets doivent rentrer dans la danse.»

Idéalement, la taxe sur les plus-values est donc censée être un des éléments d’une construction plus large et fondée. Et pas la composante star, telle que présentée actuellement. «Il aurait donc fallu l’introduire dans un contexte plus rationnalisé, plus harmonisé, de façon à réduire les niches fiscales. La taxe sur les plus-values telle que présentée fait tout l’inverse.»

Pour espérer une taxation adéquate sur les revenus du patrimoine, Wim Moesen estime que la taxe sur les revenus réels de l’immobilier et sur le patrimoine financier (les intérêts sur les comptes d’épargne, les obligations, les dividendes et plus-values sur actions,…) sont autant d’éléments qui devraient intégrer la base imposable. Mais qui n’en font pas partie actuellement. «Contrairement à la plupart des pays voisins, la Belgique exclut ces revenus de l’impôt, ce qui en fait une exception. Nous devons simplement raisonner sur base du système recommandé par l’Europe, ce que nous ne faisons pas», ajoute-t-il.

Base imposable: le modèle belge, trop étroit, trop élevé

L’Etat puise de fait ses recettes les plus importantes dans l’impôt sur les personnes physiques (IPP), rappelle Wim Moesen. Et, pour l’architecture de ce dernier, deux schémas s’offrent aux politiques. Le premier: mettre en place une base imposable très vaste. Cette option permet des taux de taxation modérés mais qui touchent un large panel de domaines. Le second: mettre en place une base imposable très étroite. «En Belgique, le deuxième système est en vigueur. Avec la conséquence directe qu’elle doit appliquer des taux de taxation très élevés pour s’assurer suffisamment de recettes.»

Or, l’IPP belge, avec ses 700 codes, est truffé de déductions, d’exceptions, de régimes privilégiés qui réduisent la base imposable de 2,4% du PIB, «à savoir quinze milliards d’euros de revenus potentiels qui n’entrent pas dans les caisses de l’Etat.» Elargir le champ de la base imposable aiderait indéniablement à réduire les charges sur le travail. «Nous avons donc besoin d’un tax-shift, neutre d’un point de vue budgétaire, qui s’ancre dans la lignée des ambitions européennes.»

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