Rétablir les finances wallonnes passera-t-il par un retour sur la promesse, de réduire les droits de succession? Adrien Dolimont a laissé une porte entrouverte.
Une première marche est franchie mais les suivantes seront plus hautes à grimper. L’image utilisée par Adrien Dolimont pour présenter les grandes lignes du budget wallon rappelle en version régionale le «col hors catégorie» annoncé par Bart De Wever pour évoquer le douloureux assainissement fédéral à venir. Pour la coalition Azur, les mesures prises en début de semaine ne constituent donc que le premier des exercices budgétaires compliqués. Car si entre 2025 et 2026, le déficit passera de 2,287 milliards à 2,015 milliards d’euros, ce sont ensuite 1,124 milliard en 2027 et 600 millions en 2028 qui sont inscrits sur les feuilles de route avant le retour à l’équilibre en 2029.
L’effort ira donc crescendo, même si le duo MR-Les Engagés table sur une série de mesures d’économies qui devraient structurellement soutenir les finances publiques. Du long terme, de la méthode et du courage politique, assène le ministre-président wallon.
Et une question commence à poindre: ce courage politique se traduira-t-il par un retour sur une promesse électorale, celle de réduire la fiscalité sur les droits de succession? Car le discours officiel, «cette réforme reste comprise dans les projections budgétaires», se nuance désormais d’un «à moins que des externalités nous obligent à faire des choix».
Devant le coût de la réforme, suspendre le projet pourrait s’avérer tentant pour offrir une bouffée d’air bienvenue aux caisses wallonnes. D’autant qu’économistes et fiscalistes se rejoignent sur un point. Si un mécanisme adéquat est mis en place pour éviter que les plus grosses fortunes ne parviennent à éluder l’impôt, la taxation de la succession est celle qui introduit le plus de justice fiscale. Elle impose celui qui hérite plutôt que celui qui travaille. Elle fait davantage contribuer le «bien né» que le plus précarisé. Elle soumet à l’impôt des biens que le bénéficiaire n’a contribué ni à créer ni à faire fructifier. Elle n’affecte le train de vie ni du défunt ni de ses héritiers. Quant au projet en gestation au sein de la Région wallonne, il ne protège en rien les plus petits patrimoines puisque la réduction des taux d’imposition ne concernerait que les tranches supérieures à 50.000 euros.
La taxe la plus juste donc, mais aussi la plus impopulaire. Un peu parce qu’elle est régionalisée et qu’aucun héritier wallon n’a envie de payer une «taxe sur la mort» plus élevée qu’un bénéficiaire flamand. Un peu, aussi, parce qu’elle intervient à un moment de vulnérabilité émotionnelle. Mais surtout, parce que même si c’est la transmission des richesses d’une génération à l’autre qui est taxée, le patrimoine familial est généralement appréhendé dans une dimension collective. Que le patrimoine d’un parent ou d’un époux est perçu comme une extension en devenir de ses propres avoirs. Et que cette conception est profondément ancrée au sein des familles.
Fin 2021, en cherchant à encadrer le système des donations, Jean-Luc Crucke y a laissé son poste. Son projet de décret pour un impôt plus juste s’inscrivait également dans un contexte d’équilibre budgétaire.
Fiscalement plus juste, foncièrement impopulaire, la «taxe sur la mort» est surtout politiquement périlleuse.
Rétablir les finances wallonnes passera-t-il par un retour sur la promesse, de réduire les droits de succession?