Acheter un bien immobilier avec une partie des revenus provenant du chômage, c’est compliqué mais pas impossible, sous certaines conditions. La durée maximale fixée pour les allocations et les exclusions des chômeurs de longue durée met fin à l’idée que ces revenus pouvaient perdurer. Avec un impact sur l’octroi des crédits? Léger, probablement, tant les paramètres influençant le marché sont nombreux.
Un prêt immobilier accordé à un chômeur? Ce n’est pas la norme, mais c’est possible. Un dossier de crédit hypothécaire s’examine avec la prise en compte de la globalité des revenus du ménage, ceux issus du chômage en ce compris. Le montant des allocations perçues ne fera évidemment que l’appoint et d’autres rentrées financières seront nécessaires pour rassurer la banque sollicitée. Des garanties ou des coemprunteurs seront exigés, afin de vérifier la possibilité de rembourser l’emprunt en temps et en heure.
Avec l’exclusion progressive des chômeurs de longue durée et le resserrement de la durée d’octroi des allocations de chômage, ces revenus, aussi faibles qu’ils puissent parfois être, perdent donc leur caractère durable et prévisible. De quoi rendre les banques encore plus frileuses? Pas forcément, tant elles l’étaient déjà. «Avec uniquement des revenus liés au chômage, pour une personne seule ou un ménage, un dossier de crédit pour l’achat d’une habitation n’avait déjà aucune chance de passer, clarifie Arnaud Cleda, courtier à la Centrale du crédit hypothécaire. Pour ces cas-là, la réforme de la durée du chômage n’aura donc aucun impact concret dans l’analyse de leur dossier. En revanche, pour les ménages avec des revenus multiples, dont un salaire, d’éventuels revenus locatifs, et un chômage comme complément, oui, cela peut se ressentir. Cela va encore resserrer les possibilités pour l’octroi d’un crédit.»
«Un dossier avec une partie des revenus provenant d’allocations de chômage ne va pas forcément être balayé, mais forcément, c’est compliqué, ajoute Patrick Cauwert, CEO de Feprabel (fédération des courtiers en assurances et des intermédiaires financiers). L’idée, quand on accompagne la recherche d’un bien immobilier, c’est aussi parfois d’ouvrir les yeux sur certaines choses et d’être réaliste. Un dossier de crédit, tout le monde a intérêt à ce qu’il se passe bien.»
Le plus de certitudes possibles
Les banques doivent en effet juger de la capacité de remboursement dans le futur, sachant que l’achat d’un bien immobilier ne signe pas la fin des dépenses pour ce même bien. Travaux, rénovation et entretien rythment le quotidien des propriétaires. Un projet d’achat doit se faire avec le plus de certitudes possibles, insistent plusieurs établissements bancaires.
«L’octroi de crédit se fait toujours sur base de la capacité de remboursement du client, démontrée sur base de revenus qui doivent être pérennes. Un crédit ne s’accorde jamais sur base des garanties constituées mais prioritairement sur base de la croyance que la banque a de la capacité du client à lui rembourser son crédit dans le futur», précise Gwendoline Hendrick, porte-parole de CBC.
Même son de cloche chez ING: «Le montant des revenus, dont par exemple ceux du chômage, joue évidemment un rôle important dans l’ensemble de la décision de crédit. Si la capacité de remboursement diminue en raison d’une baisse de revenus, il est possible qu’un crédit ne soit pas accordé en raison d’une capacité de remboursement insuffisante.»
Un impact sur le marché des biens modestes?
Sans affirmer directement que les conditions d’octroi vont se resserrer, la prudence des banques reste bien palpable. Mais davantage que la fin des allocations de chômage, d’autres éléments plus macroéconomiques semblent souffler le froid sur le marché des crédits hypothécaires. L’année qui arrive verra les moyens financiers des Belges impactés sur plusieurs fronts.
«La fin des allocations de chômage représente bien un choc négatif pour le pouvoir d’achat, mais ce n’est pas le seul élément. Nous anticipons, pour 2026, une diminution globale des revenus de l’ensemble des Belges, à plusieurs égards: il y a la limitation de l’indexation des salaires décidée par le gouvernement, la taxe sur les plus-values, le ralentissement du marché du travail… ce sont autant d’éléments qui vont diminuer les moyens de la population, donc impacter les achats immobiliers. Si la demande diminue, cela pourrait se répercuter sur les prix», analyse Charlotte de Montpellier, économiste chez ING.
La dynamique de marché pour les biens plus modestes, parfois visés par les ménages aux revenus plus faibles, pourrait également se voir impactée en raison de décisions politiques. La Flandre a notamment assoupli l’obligation de rénovation énergétique. «Cela pourrait rendre la demande plus dynamique sur ce type de biens, car les gens n’auront plus cette obligation de rénover urgemment un bien avec un mauvais score PEB, (NDLR: performance énergétique du bâtiment). Il pourrait retrouver un certain attrait, poussant les prix un peu à la hausse. Mais cela primera-t-il face à la diminution de pouvoir d’achat que l’on prévoit? Difficile à dire à ce stade», complète l’économiste.
Les taux, l’autre frein pour le marché immobilier
Enfin, en matière d’emprunt pour un achat immobilier, le taux reste déterminant et influence la décision de nombreux ménages. Et donc directement leur capacité de remboursement, peu importe d’où ils tirent leurs revenus. «La tendance pressentie va vers une hausse. La dynamique des taux d’intérêt sur les crédits hypothécaires dépend de ceux sur la dette belge. Et il y a une probabilité plus forte que cela augmente un peu l’année prochaine. Emprunter sera donc plus cher. Cela représentera clairement un frein sur la demande des ménages, notamment les plus modestes, pour le marché immobilier», prévoit Charlotte de Montpellier.
Reste aussi, côté wallon, à digérer totalement la réforme des droits d’enregistrement, abaissés de 12,5% à 3% le 1er janvier 2025. Un élément qui devait favoriser l’accès à la propriété, mais qui a tiré vers le haut les prix de l’immobilier, autour duquel majorité et opposition se sont déchirés au sein du parlement de Wallonie.
L’effet exact de la réforme sur les allocations de chômage reste donc à ressentir sur le marché immobilier. Mais il s’ajoutera aux multiples vents contraires qui continuent de souffler sur le secteur.