Après Telenet il y a quelques mois, Orange et Proximus vont aussi augmenter certains de leurs tarifs. Dans un secteur peu concurrentiel, les consommateurs vont devoir remettre la main à la poche, comme chaque année ou presque.
Il va être difficile de passer entre les gouttes. Orange et Proximus ont coup sur coup annoncé une augmentation de certains de leurs tarifs pour le mois de janvier 2026. Des abonnements VOO et Scarlet seront également concernés par cette nouvelle hausse, qui s’ajoute à celle de Telenet en avril dernier. Chez Proximus, les packs Flex, Tuttimus, Familus ou Epic vont voir leur prix grimper de deux à quatre euros, et les formules mobiles Mobile XS et Mobilus S vont augmenter d’un euro, par exemple. La formule Flex+, lancée en mars dernier, est épargnée par cette hausse, au contraire des offres plus anciennes qui, même si elles ne sont parfois plus commercialisées, sont toujours utilisées par de nombreuses personnes.
Du côté d’Orange, il faudra compter jusqu’à quatre euros supplémentaires par mois pour certains packs, tandis que les forfaits avec offres mobiles actuelles et les offres Internet Orange ou VOO seront deux à trois euros plus chers. Le nombre de clients concernés ici n’a pas été communiqué par les deux opérateurs.
Jusqu’à +70% en douze ans
Ces augmentations tarifaires dans ce secteur sont malheureusement une habitude en Belgique. Selon Testachats, depuis 2014, le prix «standard 3play» (TV/Téléphone/Internet) a explosé chez les trois principaux opérateurs: +50% chez Telenet (qui a annoncé une augmentation de ses tarifs de 2,9% en mars dernier), +49% chez Orange et +29% chez Proximus. VOO (+70%) et à un degré moindre Scarlet (+15%) sont également concernés. Cela correspond à une augmentation moyenne d’une vingtaine d’euros par mois, en douze ans.
Orange et Proximus ont notamment invoqué l’inflation pour justifier les hausses à venir. «La révision tient compte de l’augmentation continue des coûts, avec notamment les salaires: l’indice pivot qui déclenche l’indexation a été dépassé en janvier 2025 et devrait l’être encore en janvier 2026, fait savoir Haroun Fenaux, porte-parole de Proximus. L’augmentation de prix des matériaux et des équipements technologiques nous impacte également fortement. De plus, nous continuons à réaliser des investissements importants dans les réseaux, avec la fibre et la 5G mises en place petit à petit partout dans le territoire: c’est plutôt bénéfique pour la Belgique, la compétitivité des entreprises ou monsieur Tout-le-monde.»
Orange ajoute également que «le contexte économique actuel, marqué par la hausse des prix de l’énergie, l’augmentation des tarifs de gros et la hausse des coûts d’opération et d’investissement, continue d’affecter l’ensemble de notre secteur». «En 2024, les opérateurs belges ont investi un total de 2,74 milliards d’euros dans les télécommunications et la télévision. Cela représente 32% de leur chiffre d’affaires –un niveau record– et environ 30% de plus que la moyenne européenne. Rares sont les autres secteurs qui (ré)investissent à une telle échelle.»
Abonnement télécom: une maigre compensation
Pour Nicolas Neysen, professeur de stratégie digitale à HEC Liège, ces augmentations tarifaires peuvent «se défendre»: «Les opérateurs ne vivent pas de leurs rentes. Ils ont besoin d’investir, que ce soit en matière de réseau ou d’infrastructures, pour augmenter leur niveau de couverture ou améliorer leurs services. L’augmentation des coûts est répercutée sur le prix pour le consommateur, ce n’est pas juste pour augmenter leurs marges». Histoire de faire passer la pilule, Orange a de son côté annoncé une augmentation du volume de données dans ses abonnements mobiles, pouvant aller jusqu’à +80 Go par mois pour le forfait Go Intense, par exemple.
Une maigre compensation alors que les Belges consomment en moyenne 10 Go par mois, selon l’Institut belge des services postaux et des télécommunications (IBPT): une grande partie des consommateurs n’auront aucune utilité de ces datas supplémentaires, mais paieront tout de même plus cher. «C’est une technique marketing comme une autre, qui n’est pas utilisée seulement en Belgique», analyse Antoine Destrument, spécialiste en télécommunications chez Selectra. «Il y a clairement un décalage entre ce qui est proposé et ce qui est consommé, même si cela est potentiellement utile pour certaines personnes», ajoute-t-il.
Pas assez de concurrence ?
Pour Testsachats, ces augmentations quasi annuelles des tarifs peuvent aussi s’expliquer par le manque de concurrence dans ce secteur. Pour rappel, Proximus possède les opérateurs Scarlet et Mobile Vikings, Telenet a Base, tandis que VOO et hey!telecom appartiennent à Orange. Ces opérateurs à prix cassés permettent à ces grandes marques de se partager le marché. Car DIGI, quatrième acteur récemment entré dans la danse, a quelques difficultés à se faire une place malgré des tarifs défiant toute concurrence: l’opérateur compte environ 78.000 clients, seulement pour son réseau mobile, avec une nette augmentation entre juillet et septembre (+16 000 clients).
«Les prix sont fixés librement par le marché»
L’Autorité de la Concurrence
«On pouvait imaginer un impact plus conséquent, admet Antoine Destrument. Mais DIGI n’est toujours pas un opérateur réseau en tant que tel, cela prendra du temps: il est imbattable sur le prix, mais est-ce que le consommateur belge ne va pas regarder autre chose, comme les services proposés, par exemple?» Les critiques ayant accompagné les débuts de l’opérateur et le fait qu’il ne soit pas disponible partout dans le pays ne sont pas des arguments en sa faveur. «Si l’offre de DIGI devenait largement accessible, alors cet opérateur pourrait réellement changer la donne sur le marché des télécoms, plaide de son côté Julie Frère, porte-parole de Testachats dans un communiqué. Il est donc essentiel qu’il dispose de toutes les possibilités techniques et réglementaires pour ce faire. A défaut, peu de choses changeront pour les consommateurs belges, et les hausses de prix continueront de se répéter inlassablement.»
L’organisation de consommateurs, qui rappelle que «la Belgique est l’un des pays les plus chers d’Europe en matière de télécom», explique avoir «exprimé ces préoccupations dans une consultation menée par l’Autorité de la Concurrence». Contactée, l’instance précise analyser seulement des dossiers sur le déploiement de la fibre en opéré conjointement par Telenet et Proximus en Flandre, et Proximus et Orange en Wallonie. «L’Autorité de la Concurrence et l’IBPT ne peuvent pas intervenir sur la régulation des prix: ils sont fixés librement par le marché. Nous sommes ici dans un marché concentré, avec trois principaux acteurs, donc les prix sont moins compétitifs», explique-t-on.
Comparateurs en ligne et changement d’opérateur
Reste alors au consommateur à se débrouiller pour s’abonner à l’offre qui lui convient le mieux. L’IBPT et Testachats proposent des comparateurs d’offres en ligne pour tenter de s’y retrouver au mieux. D’autres opérateurs, recensés par l’IBPT, proposent par exemple des offres mobiles. «Compte tenu de la tendance à la passivité des consommateurs belges, le meilleur message qu’on puisse leur adresser est de comparer régulièrement les offres sur www.meilleurtarif.be. Il est possible de réduire sensiblement sa facture par exemple en réévaluant ses besoins (TV, téléphonie fixe…), en envisageant d’acheter un abonnement mobile en dehors d’un pack ou en optant pour des marques moins connues», confirme l’IBPT.
Reste à savoir ensuite si les consommateurs seront enclins à franchir le cap et à changer d’opérateur. «Si le client est satisfait des services proposés, pas sûr qu’il prendra le risque de choisir une option moins chère de quelques euros, analyse Nicolas Neysen. Changer d’opérateur reste facile, mais cela demande du temps, avec des recherches, des comparaisons, des démarches administratives… Ce n’est pas rien, pour certains.»
Cette nouvelle augmentation des prix n’est en tout cas pas passée inaperçue du côté du gouverment. «Chaque consommateur connaît ce sentiment : on paie trop alors qu’il existe des options moins chères. C’est exactement ce que je veux combattre, nous explique Rob Beenders, ministre de la Protection des consommateurs. Nous misons pleinement sur une baisse des prix des télécoms, comme le prévoit l’accord de gouvernement. C’est pourquoi nous examinons actuellement s’il est possible d’obliger les opérateurs télécoms à basculer automatiquement les clients, avec leur consentement, vers le tarif le plus avantageux. C’est tout simplement juste: pas de tracas, pas de frais cachés, mais le meilleur prix pour chaque consommateur.»