«Je ne suis pas riche, les Kardashian sont riches»: pourquoi les superriches font si peu pour la société

Ils seraient peu enclins à partager leur argent, s’opposent à toute augmentation d’impôt et voudraient toujours plus. Les experts assimilent ce souhait de «jamais assez» à une addiction. Et ils seraient «gravement accros».

Bruno Fierens est coach média, et multimillionnaire. Un «pur coup de chance», admet-il. Il appartient en effet à la cinquième génération d’actionnaires du holding belge Ackermans & van Haaren, côté en Bourse. Jusqu’à présent, il est le seul Belge fortuné à avoir rejoint Millionaires for Humanity, un réseau mondial de fortunés qui réclament un impôt sur la fortune. Cette adhésion est la conclusion d’un parcours durant lequel Bruno Fierens s’est plongé dans les causes des inégalités croissantes entre et au sein des pays. Le déclic? Lorsqu’il a décidé de délaisser la voiture et a reçu, pour cela, la prime maximale de 900 euros de la part de la Région bruxelloise. «Seul mon revenu du travail a été pris en compte, pas ma fortune, je me suis dit « ce n’est pas possible »», s’insurge-t-il.

Les patrimoines, en Belgique, sont difficiles à estimer –il n’existe pas de cadastre des fortunes et les avoirs des ultrariches sont rarement connus. Pourtant, que ce soit chez nous ou à l’échelle mondiale, la richesse du pour cent des plus fortunés ne cesse d’augmenter. En 2024, le magazine économique Forbes recensait dix milliardaires belges, contre quatre en 2023. Le journaliste économique Ludwig Verduyn, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, en néerlandais et en français, en comptabilise 41 sur son site De Rijkste Belgen, en utilisant une autre méthode de calcul. Oxfam Belgique, elle, a calculé que le pour cent le plus riche des Belges détient environ 24% de la richesse nette totale, soit davantage que les 70% les moins riches réunis. Mais «ce pour cent paie deux fois moins d’impôts sur le revenu que le Belge moyen», ajoute le mouvement de lutte contre les inégalités.

Des disparités toujours plus grandes

Avant les élections fédérales du 9 juin dernier, 400 représentants d’entreprises belges et familiales, dont Luc Bertrand le CEO Ackermans & van Haaren, ont signé une lettre ouverte dans L’Echo et De Tijd contre l’introduction éventuelle d’un impôt sur le patrimoine qu’ils qualifient de «non sens», de «mauvaise idée».

Cet impôt ne verra finalement pas le jour. Le gouvernement fédéral espère mettre en place, non sans querelles, d’ici à l’été, un impôt sur les plus-values (y compris les crypto-actifs), et non sur la détention des actions en soi. Quant à savoir si les impôts sur le capital et les revenus du capital sont faibles ou moyens en Belgique, les avis divergent. La fiscalité belge est un enchevêtrement complexe d’exceptions dans lequel certaines formes de revenus du capital, comme les dividendes, sont bel et bien taxées, tandis que d’autres, comme les revenus locatifs, le sont à peine.

L’argent fonctionne comme une drogue. Il en faut toujours plus pour garantir le sentiment de bonheur.

«Il existe de nombreuses possibilités pour les très riches d’échapper à la taxation, concède Etienne de Callataÿ, économiste et gestionnaire de patrimoine chez Orcadia Asset Management. Si l’on compare avec les lourdes taxes sur le travail, les nantis paient des impôts relativement faibles.» Les familles aisées ont en effet tendance à recourir à des montages financiers légaux telles que les fondations privées ou les sociétés patrimoniales pour gérer leur fortune de manière fiscalement avantageuse.

Depuis le succès international de l’ouvrage de l’économiste français Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, une tendance émerge chez ses confrères partout dans le monde: ils sont de plus en plus nombreux à porter un regard critique sur la répartition inégale des richesses et le rôle joué par le capital. Thomas Piketty a démontré que le rendement du capital est bien supérieur à celui du travail. Par conséquent, les inégalités entre les détenteurs dudit capital et ceux qui ne disposent que d’un revenu du travail augmentent.

Dans Inégalités en Belgique. Un paradoxe?, le professeur d’économie André Decoster (KU Leuven) et ses coauteurs concluent, après une analyse de données approfondie, que l’inégalité en Belgique est bien plus grande que ce que pensent la plupart des gens, surtout si l’on tient compte du patrimoine. Au cours des dix dernières années, cette inégalité s’est également accentuée.

Chez les riches aussi, on aime se comparer: «Si l’un a un yacht de luxe, l’autre en voudra un, mais avec une piscine plus grande.» © GETTY

Le chercheur et fiscaliste néerlandais Reinier Kooiman propose, lui, une mesure radicale: remplacer tous les impôts par une taxe sur le patrimoine proportionnelle à la capacité contributive. «Jusqu’au XVIIIe siècle, il était tout à fait normal de partir du montant du patrimoine pour fixer un impôt équitable», fait-il remarquer. Selon lui, les systèmes fiscaux occidentaux actuels, qui épargnent le patrimoine accumulé, ne sont ni proportionnés ni justes.

«Nos impôts ne redistribuent pas les richesses des riches vers les pauvres, mais l’inverse. Ainsi, les 10% les plus riches s’enrichissent relativement après impôts, tandis que 50% de la population ne parvient jamais réellement à épargner ou à constituer un patrimoine», poursuit-il. Et le phénomène est bien plus prégnant aujourd’hui qu’auparavant, selon le chercheur.

Autre changement apparu au fil des siècles: la conception de l’impôt. «Aujourd’hui, l’impôt est perçu comme quelque chose entre l’individu et l’Etat, alors qu’historiquement il s’agissait d’une relation plus collective –l’argent était rassemblé collectivement et il était admis que si l’un payait moins, l’autre devait payer plus. C’est d’ailleurs toujours le cas. Si les riches déclarent: « Je me moque de cette taxe sur les plus-values, je vais faire du lobbying pour qu’elle ne passe pas ou qu’elle soit inefficace », quelqu’un d’autre devra payer davantage.»

L’opposition à une taxe sur les plus-values en Belgique fait sourire le Néerlandais: «Pratiquement tous les pays taxent les plus-values, très peu ne le font pas. Dès lors, si cela causait tant de tort à l’économie, la Belgique devrait être aujourd’hui, et de loin, le pays le plus riche du monde

«Gagner 100 milliards n’a pas à voir avec le fait d’être bon ou intelligent. C’est être né au bon endroit, au bon moment.»

Jamais assez

Peu de recherches sont menées sur les ressorts psychologiques des ultrariches. Pourquoi les très hauts revenus, qui baignent dans le luxe et ne manquent de rien, rechignent-ils souvent à partager leur richesse avec la communauté?

Morgan Housel, expert financier et journaliste au New York Times, souligne, dans The Pyschology of Money, l’effet addictif de l’argent, qui pousse des prodiges de la finance, avec 100 millions de dollars en banque, à continuer de prendre des risques inconsidérés, y compris dans des opérations illégales qui peuvent les mener en prison.

Le psychologue du travail néerlandais Arjan van Dam explore lui aussi depuis longtemps ce «besoin insatiable» d’avoir plus: plus d’argent, plus de biens. Il distingue trois processus qui alimentent cette soif inextinguible du «toujours plus, jamais assez».

Le premier est l’imitation. «Nous voulons ce que l’autre a, commente-t-il. Cela commence dès le bac à sable, et ça ne s’arrête jamais.» Le deuxième est la comparaison sociale. Les gens se sentent mieux quand ils possèdent un peu plus que leur groupe de référence, le groupe social auquel ils s’identifient. Cela vaut aussi pour les ultrariches. «Si l’un a un yacht de luxe, l’autre en voudra un aussi, mais avec une piscine plus grande», poursuit-il.

Enfin, le troisième processus est l’accoutumance. Il fait référence au vieil adage «la possession met fin au plaisir». Tout finit par lasser. L’argent fonctionne dès lors ici comme une drogue. Il en faut toujours plus pour garantir ce sentiment de bonheur.

Arjan van Dam cite aussi de nombreuses expériences et études psychologiques qui démontrent, entre autres, que l’argent rend égoïste et moins empathique. Inversement, ces traits de personnalité peuvent aussi aider à devenir riche. «Mère Teresa n’est jamais devenue millionnaire; nous ne vivons pas dans une économie qui récompense la douceur», ironise le psychologue.

Cependant, d’autres recherches ont abouti à la conclusion que donner de l’argent plutôt que de le dépenser pour soi rend les gens plus heureux –durablement heureux, sans effet d’accoutumance. «Je suis certain que Bill Gates, qui prévoit de donner quasi la totalité de ses 200 milliards de dollars, est un homme plus heureux qu’Elon Musk», ajoute Arjan van Dam.

Bien sûr, dans une certaine mesure, l’argent rend heureux. Il procure liberté, autonomie et sécurité. Mais lorsqu’on en possède déjà un peu, en engranger plus a peu d’effet sur le sentiment de bonheur. «C’est comme augmenter le chauffage à l’intérieur, porte ouverte, pour tenter de réchauffer la terrasse.» Avoir de bonnes relations sociales, notamment, rend bien plus heureux.

«Passé un certain montant, le capital devient simplement une plus-value sur une plus-value, de génération en génération.»

Pourtant, dans notre société de la performance, presque tout le monde est pris au piège du «jamais assez», analyse Arjan van Dam. Si l’argent et la quête de richesse peuvent être une addiction, alors les ultrariches en souffrent bien plus que Monsieur Tout-le-Monde. «Ils sont accros à cette came.»

Un mythe tenace

Mais pourquoi la plupart des riches refusent-ils de partager leur fortune? Parce qu’ils estiment, pense Arjan van Dam, qu’elle est le fruit de leur mérite personnel. «J’ai travaillé dur, c’est à moi, j’y ai droit.»

L’homme d’affaires américain Warren Buffett, dont la fortune est estimée à 168 milliards de dollars, a déclaré un jour qu’il ne serait jamais devenu milliardaire s’il était né dans un village africain. Il fait don de la majeure partie de sa fortune personnelle à des organisations caritatives et appelle le gouvernement américain à augmenter les impôts pour les très riches. Il souligne que l’extrême richesse est avant tout une question de chance. On peut avoir beaucoup de talent et un bon flair pour les affaires, mais gagner 100 milliards n’a plus grand-chose à voir avec le fait d’être bon ou intelligent. C’est être né au bon endroit, au bon moment, avoir reçu une bonne éducation, être entré par hasard dans la bonne entreprise –qui a peut-être pu voir le jour grâce à des subventions publiques, et ainsi de suite.

Mais le mythe du self-made man parmi les nantis est tenace, y compris chez les millionnaires belges, témoigne Bruno Fierens. Alors que les familles les plus riches du pays doivent souvent leur fortune à des héritages et des patrimoines familiaux, ensuite multipliés en Bourse.

«Notre image du superriche est fortement influencée par les capitaines d’industrie, qui réinvestissent leur fortune dans l’économie, note celui qui avoue avoir eu la chance d’être bien-né. Mais le grand capital est beaucoup plus diversifié. L’histoire self-made man ne tient plus, à un certain moment. Passé un certain montant, le capital devient simplement une plus-value sur une plus-value, de génération en génération, au point qu’on ne sait même plus comment tout cela a commencé. Et puisque le capital rapporte plus vite que la croissance économique, on assiste à un transfert de richesse de l’intérêt général vers les détenteurs de capital. Les personnes très fortunées peuvent en outre répartir les risques financiers à un point tel qu’elles ne perdent plus jamais. Elles ne jouent plus au casino, elles sont le casino

«Les fortunés peuvent répartir les risques financiers. Ils ne jouent plus au casino, ils sont le casino.»

L’économiste et philosophe Ingrid Robeyns, de l’université d’Utrecht, a écrit un plaidoyer enflammé (Limitarianism, disponible en anglais) pour fixer une limite à la richesse qu’un individu peut accumuler. Pour elle, le plafond s’élève à dix millions d’euros. La prospérité excessive d’un petit groupe de plus en plus fortunés, qui sont aussi de plus en plus éloignés de ceux qui doivent vivre sans patrimoine notable, est moralement condamnable et néfaste pour la démocratie et pour un avenir durable, estime-t-elle. L’argent excédentaire des plus riches doit revenir à la société –«car à terme, les superriches en bénéficieront aussi».

Beaucoup de riches vivent dans le déni et disent «les Kardashian, elles, sont vraiment riches!». © GETTY

Si les très riches ne sont guère enclins à partager, cela tient à notre culture néolibérale et aux valeurs des 50 dernières années, insiste Ingrid Robeyns. «Dans ce cadre, chacun est responsable de soi-même et le succès est un mérite personnel dont on peut et doit récolter les fruits. Ce n’est pas seulement les superriches qui y croient, mais aussi une grande partie de la population et des partis politiques.» C’est pourquoi, selon elle, la plupart des gens ne s’opposent pas ou pas encore au club des très riches, tout en haut de la pyramide.

Des superriches qui vivent par ailleurs souvent dans le déni, affirme Bruno Fierens. «Ils disent « je ne suis pas si riche que ça. Les vrais riches, eux, vivent à Dubaï ». Ou encore: « les Kardashian, elles, sont vraiment riches! »» Relativiser sa propre richesse est «psychologiquement très pratique», conclut-il.

Travailler d’arrache-pied

En général, les fortunés restent discrets et évitent de prendre position politiquement. Pour vivre heureux, vivons cachés. L’entrepreneur et capital-risqueur Jürgen Ingels fait exception à la règle. Il a amassé une fortune de plusieurs millions grâce à la vente de son entreprise de technologies financières Clear2Pay et a cosigné la lettre ouverte parue dans L’Echo. «Je n’ai aucun problème avec les impôts en soi, assure-t-il. Mais s’il vous plaît, simplifions tout cela! Instaurons une taxe unique de 20% ou 25%, mais sur tout. C’est cohérent, équitable et facile à percevoir. Que font les riches aujourd’hui? Ils créent des sociétés ou d’autres montages financiers. Plus vos conseillers fiscaux sont performants, moins vous payez d’impôts en Belgique. Voilà ce qui est vraiment injuste.»

Ce qui dérange Jürgen Ingels, c’est que l’Etat n’examine pas son propre fonctionnement. Il estime également que l’Etat devrait être géré davantage comme une entreprise. «Si votre société connaît des difficultés, vous commencez par réduire les coûts au maximum. C’est par là qu’il faut commencer. L’Etat, lui, cherche d’abord à augmenter les recettes

«Prélever 10% de notre plus-value, passe encore. Mais si le PS revient un jour au gouvernement, le taux pourrait aller jusqu’à 30%.»

Concernant le projet de taxation des plus-values, il s’inquiète surtout que les 10% annoncés ne soient qu’un début. «Prélever 10%, passe encore, même si ce n’est négligeable. Mais si le PS revient un jour au gouvernement, le taux pourrait passer à 20% voire 30%. Là, ce serait vraiment dommageable pour l’économie

Jürgen Ingels est en revanche un exemple type de «nouveau riche». «J’ai vendu mon entreprise, pour laquelle j’ai travaillé d’arrache-pied pendant 20 ans. Je réinjecte 90% à 95% de cet argent dans l’économie, dont 20% dans des investissements très risqués, notamment dans de jeunes entreprises. Si, à terme, l’Etat ponctionne 20% ou 30% de mes plus-values, ce portefeuille-là disparaîtra. Je ne miserai alors mon argent que sur des rendements sûrs

Déduire les moins-values

L’entrepreneur et ancien homme politique Roland Duchâtelet, dont la fortune est estimée à 1,5 milliard d’euros, n’est pas, en soi, totalement opposé à une taxe sur les plus-values –«Avec mon parti politique Vivant, j’avais d’ailleurs déjà plaidé pour une petite taxe sur toutes les transactions financières.» A condition, précise-t-il, que les investisseurs puissent également déduire de leurs impôts leurs pertes boursières, «les moins-values».

Il adresse lui aussi de vives critiques à l’appareil étatique belge, qu’il considère comme obèse, mal organisé et dépensier. «Beaucoup de mes amis entrepreneurs disent: « Il nous faut un Elon Musk ici aussi », et je suis d’accord avec eux. Nous devons sérieusement réfléchir aux missions de l’Etat et à une utilisation plus efficiente des technologies. Tout ce qui peut être externalisé, laissons-le aux entrepreneurs –y compris l’enseignement et les soins de santé.»

«Beaucoup de mes amis entrepreneurs disent: “Il nous faut un Elon Musk ici aussi”, et je suis d’accord avec eux.»

Ce raisonnement revient souvent chez les ultrariches: ils estiment pouvoir gérer les choses plus intelligemment et plus efficacement que l’Etat, lequel ne peut pas faire faillite comme une entreprise privée et jette donc l’argent par les fenêtres. C’est aussi pour cela que certains préfèrent se tourner vers la philanthropie plutôt que de payer des impôts. Mais les fondations philanthropiques ne relèvent pas toujours d’un pur don désintéressé. Il s’agit souvent aussi de prestige et de statut social. Parfois même d’un moyen d’optimisation fiscale –la charité servant alors de paravent pour protéger le patrimoine– ou d’un outil de reconversion professionnelle pour la descendance.

«Les millionnaires activistes ne sont généralement pas les plus riches. Plutôt des jeunes devenus aisés grâce à des héritages.»

Héritage de plusieurs millions

Les superriches constituent un groupe très hétérogène, avance Ingrid Robeyns, professeure d’éthique des institutions. «Parler d’eux comme d’un groupe homogène ne sert pas le débat sociétal sur la richesse extrême.»

Il existe, selon elle, un groupe qui s’investit effectivement dans le lobbying contre une hausse de la fiscalité, «et il a largement atteint ses objectifs». C’est à cette fin qu’un secteur très efficace s’est développé: celui de la «protection du patrimoine», qui regroupe des cabinets de conseil grassement rémunérés, des avocats et des lobbyistes, toujours à la recherche de moyens permettant aux détenteurs de capitaux de payer moins. A côté de cela émerge un large groupe intermédiaire de très riches, «qui souhaitent simplement continuer leur vie, mais reçoivent tous les mêmes conseils de leurs gestionnaires de fortune, formés à faire fructifier le capital par tous les moyens». A l’autre extrémité, on voit depuis quelques années apparaître un troisième petit groupe qu’Ingrid Robeyns qualifie de «millionnaires activistes». Ils se regroupent dans des clubs comme les Patriotic Millionaires aux Etats-Unis, Millionaires for Humanity, ou Taxmenow en Europe germanophone. Ils plaident pour une fiscalité plus élevée et plus progressive. Il ne s’agit en général pas des premières fortunes mondiales, plutôt de nantis relativement jeunes, souvent devenus aisés grâce à des héritages et des trusts familiaux. Dans ces milieux, le débat commence à s’ouvrir.

Un exemple bien connu est celui de Marlene Engelhorn, descendante de la dynastie BASF. Elle a hérité de plusieurs millions d’euros de sa grand-mère et n’a dû payer aucun impôt sur cet héritage en Autriche. Elle a fait don de l’intégralité du montant à un panel citoyen chargé de décider de son affectation. Même dans les milieux du conseil financier, les choses commencent à évoluer. Ainsi, au Royaume-Uni, le mouvement britannique The Good Ancestor Movement propose un accompagnement pour réfléchir à la manière dont les fortunés peuvent redistribuer une partie de leur fortune, et combien.

Impôt vs. foules en colère

Avec leur richesse démesurée, les ultrariches achètent également de l’influence politique –à l’instar du cabinet de milliardaires qui épaule le président américain Donald Trump. Beaucoup y voient une menace pour la démocratie, mais aussi pour la cohésion sociale, la stabilité et la sécurité. Les grosses fortunes risquent néanmoins de se tirer une balle dans le pied, affirme l’homme d’affaires et milliardaire américain Nick Hanauer. Dans sa désormais célèbre conférence TED Beware, fellow plutocrats, the pitchforks are coming, il avertit ses «coploutocrates» que les inégalités aux Etats-Unis deviennent intenables, et que les très riches doivent choisir entre des impôts plus élevés ou des «angry mobs with pitchforks» (des «foules en colère avec des fourches»).

Tout au long de l’histoire, les riches étaient tolérés parce qu’ils tendaient la main à la société en temps de grand péril, écrit le professeur d’histoire économique italien Guido Alfani. Ce n’est plus le cas. Ils sont aujourd’hui plus que jamais déconnectés de la société. Ils se retranchent dans des communautés closes et sur des îles privées, certains rêvent même de vivre sur Mars… Ils ne veulent plus jouer le rôle de sauveur en cas de crise, ce qui sape leur légitimité. Cela finira mal, pense Guido Alfani.

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