La Banque centrale européenne a décidé cette semaine de maintenir son taux directeur à 2%. La BCE brise ainsi une longue série de baisses consécutives. Ce statu quo n’est pas insignifiant: il en dit beaucoup sur l’état actuel de l’inflation dans la zone euro.
La Banque centrale européenne a décidé, pour la première fois depuis près d’un an, de maintenir ses taux directeurs à 2%. L’institution met de facto fin à un long cycle de baisses consécutives (de 0,25%) entamé l’été dernier, alors que les taux avaient atteint un sommet de 4%. L’inflation est-elle maîtrisée?
L’inflation sous contrôle?
Ce statu quo de la BCE peut paraître insignifiant à première vue. Il est pourtant révélateur à plus d’un titre, et pourrait laisser penser que l’inflation est davantage sous contrôle. «Elle a été comprimée en juin 2025 –comme au cours des mois qui ont précédé– par la baisse des prix de l’énergie dans la zone euro», remarque Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management. Et si l’inflation annuelle de la zone euro a très légèrement augmenté à 2% en juin 2025, (1,9% le mois précédent), «c’est plutôt insignifiant.»
Les prix de l’énergie, eux, le sont moins. Ils ont diminué de 2,7% par rapport au mois de juin de l’année dernière. Cette baisse a joué un véritable rôle de locomotive pour tirer l’inflation vers le bas. En réalité, cet élément, à lui seul, a permis à la BCE de marquer une pause.
L’inflation sous-jacente encore supérieure
De fait, hors énergie, les prix à la consommation de la zone euro ont poursuivi leurs hausses: +2,5% en un an. Ce qu’on appelle l’inflation sous-jacente «reste donc encore supérieure à l’objectif de 2% de la BCE», rappelle Eric Dor.
Certaines catégories de prix contribuent fortement à maintenir l’inflation hors énergie supérieure à la cible de la BCE. Les prix des services, du tabac, des boissons sans alcool, du café (+20,3% en un an!) ou encore du chocolat en poudre (+17,2%), pour ne citer qu’eux, ont tous connu une forte croissance. «La poursuite d’une tendance désinflationniste dépendra donc d’une stabilisation des prix de l’énergie accompagnée d’une modération des hausses salariales, afin que les prix des services décélèrent», schématise Eric Dor.
Disparités entre pays
Cette impression d’inflation sous contrôle cache aussi de grosses disparités entre pays européens, de 0,5% à Chypre à 5,2% en Estonie. La France a la deuxième inflation la moins forte des pays de la zone euro: 0,9%. La Belgique pointe à 2,9%.
«Si l’inflation moyenne de la zone euro est déjà de retour à 2%, c’est grâce au poids de la France, de l’Italie et de l’Allemagne, poursuit Eric Dor. Beaucoup de pays de l’Union monétaire ont encore une inflation supérieure à l’objectif. Pour ces pays, une poursuite de la baisse des taux directeurs de la BCE est moins appropriée.» D’où la décision de ce jeudi, donc. «La BCE a jugé qu’il fallait attendre une convergence des pays à forte inflation résiduelle vers la moyenne avant de poursuivre la baisse des taux.»
Les coûts salariaux toujours problématiques
Le taux de croissance annuel du coût salarial de la zone euro, essentiel pour déterminer les charges des entreprises et donc la formation de leurs prix de vente, a encore diminué à 3,1% en juin, après 3,6% en mai. Une tendance baissière marquée. «Cette moindre croissance des coûts salariaux confirme la tendance désinflationniste et représente un argument de taille pour une poursuite de la baisse des taux de la BCE», explique l’économiste.
Appréciation de l’euro contre le dollar
En parallèle, l’euro s’est apprécié de presque 12% contre le dollar depuis le début de l’année. Avec pour conséquence concrète de réduire le coût en euros des biens importés à un prix déterminé initialement en dollars. Cet effet désinflationniste «présente un argument de plus en faveur d’une poursuite de la baisse des taux de la BCE.»
Aussi, des droits de douane importants pèseraient sur les exportations de l’UE vers les Etats-Unis, et donc la croissance de la zone euro, «ce qui renforcerait les forces désinflationnistes, au risque que l’inflation soit inférieure à l’objectif, ce qui nécessiterait une poursuite de la baisse des taux.»
Pouvoir d’achat, épargne, immobilier: quel impact?
Le constat macroéconomique étant posé, quel impact ce stand-by de la BCE pourrait-il avoir sur le pouvoir d’achat? Des taux maintenus peuvent freiner une remontée des prix, soutenant ainsi le pouvoir d’achat. En revanche, comme les taux ne baissent plus (pour le moment), le coût de la vie ne va pas non plus diminuer drastiquement.
Quant à l’épargne, l’impact est légèrement positif. Des taux directeurs maintenus à 2% «empêchent» les banques de s’appuyer sur une tendance à la baisse. En d’autres termes, elles seront donc moins à même de justifier une nouvelle baisse des taux sur l’épargne, déjà largement entamée, mais aussi sur les comptes à terme.
Pour l’immobilier, à l’inverse, l’impact de ce statu quo est légèrement négatif. Le maintien des taux signifie que les crédits hypothécaires ne baisseront pas significativement pour l’instant. Cette pause pourrait directement ou indirectement ralentir certains projets immobiliers, même si la situation sur le marché est moins tendue qu’en 2023, où les taux fixes avaient atteint un maximum de 4%, contre 3,25% actuellement.