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Comment va la santé financière des Belges: «La prochaine crise risque d’annuler les gains actuels» © Getty Images

Comment va la santé financière des Belges? «La prochaine crise risque d’annuler les gains actuels»

La santé financière progresse en Belgique. Près d’un ménage sur deux se situe désormais en situation équilibrée ou en bonne santé, mais une majorité reste vulnérable ou en difficulté.

La santé financière des Belges s’améliore, mais cette progression reste fragile. Selon l’étude Financial Health 2025 menée par Deloitte avec Argenta auprès de 3.000 personnes, 46% des ménages se trouvent désormais en situation équilibrée ou en bonne santé, contre 36% en 2022. Plus d’un ménage sur deux demeure cependant vulnérable ou en difficulté.

L’étude repose sur un indicateur, le score de santé financière. Chaque ménage obtient une note sur 100, construite à partir de six dimensions qui couvrent l’ensemble des comportements liés à l’argent. Les revenus, les dépenses, l’épargne, les dettes, la planification et les compétences financières. Quatre catégories structurent cette échelle:

De 0 à 43, le ménage est en mauvaise santé;

– de 43 à 59, il est considéré comme vulnérable;

– de 59 à 74, il est équilibré;

– de 74 à 100, il est jugé sain.

Entre 2022 et 2025, le score moyen est passé de 54 à 59. L’évolution refléterait donc une meilleure capacité des Belges à payer leurs factures, à mettre de côté et à absorber des dépenses imprévues. Mais, toujours selon l’étude, cette aptitude «reste trop limitée pour placer une majorité de Belges dans une zone de confort durable.»

«Les gains sont en grande partie dus à des facteurs économiques externes. 2022 a été une année de chocs, notamment la guerre en Ukraine et la crise énergétique. En 2025, l’atténuation de l’inflation, l’indexation des salaires et la normalisation des prix de l’énergie ont permis d’améliorer les dépenses et le pouvoir d’achat des ménages. Les familles se sentent plus en sécurité, mais ces améliorations ne se traduisent pas encore par un changement de comportement durable. Pour garantir ces progrès, il est nécessaire d’accorder une attention supplémentaire aux six domaines de la santé financière: revenus, dépenses, épargne, dettes, planification et compétences financières», explique Kasper Peters, responsable des services financiers chez Deloitte Belgique.

Une épargne qui se redresse mais un patrimoine qui s’érode

Un signe positif ressort nettement de l’étude. Un ménage sur quatre épargne aujourd’hui au moins 500 euros par mois, contre moins d’un sur cinq en 2022. Dans le même temps, la proportion de ménages déclarant des difficultés à payer leurs factures a diminué de huit points. Les budgets respirent un peu mieux. Mais pour Kasper Peters, ce mouvement ne se traduit pas encore par un enrichissement global de la population.

Au premier trimestre 2025, la Banque nationale de Belgique (BNB) a constaté une baisse de huit milliards d’euros du patrimoine financier net des ménages, pour atteindre 1.256 milliards. La BNB estime que cette diminution s’explique par la perte de valeur de certains placements et par l’alourdissement des dettes, en particulier les crédits hypothécaires. «La capacité d’épargne mensuelle est repartie à la hausse, mais le patrimoine financier global reste sensible aux fluctuations du marché et au poids de l’endettement.»

L’évolution du taux d’épargne confirme cette fragilité. En Belgique, il s’établit autour de 11% du revenu disponible, un niveau nettement inférieur à la moyenne de la zone euro qui atteint 15,4% au premier trimestre 2025, selon Eurostat. Autrement dit, les ménages belges épargnent davantage qu’il y a trois ans, mais leur coussin reste plus mince que dans d’autres pays européens.

Des disparités qui persistent

Les écarts entre les sexes semblent se réduire: 44% des femmes belges obtiennent en 2025 un score suffisant pour être classées dans les catégories «équilibrées» ou «saines.» Contre 33% en 2022. La proportion de «mauvaise santé financière» chute de 32% à 22%. Chez les hommes, elle est de 20%. L’écart se limite à deux points, contre neuf trois ans plus tôt. Les femmes progressent donc plus vite en matière d’épargne et de gestion des dettes, mais elles obtiennent encore des résultats un peu moins bons sur les questions de «compétences financières».

Les différences entre générations sont également marquées. Les moins de 35 ans restent le groupe le plus exposé, malgré un léger mieux dans leur capacité d’épargne. Les 35-54 ans affichent au contraire les gains les plus nets dans presque toutes les dimensions. Selon l’étude, ce serait «l’effet d’une carrière plus stable et d’une vie familiale plus installée.» Les ménages d’une seule personne demeurent parmi les plus vulnérables, avec seulement 12% en bonne santé contre 22% pour les couples.

Le poids des origines sociales se confirme. Les personnes ayant grandi dans un foyer en difficulté progressent deux fois moins vite que la moyenne. Leur score ne gagne que deux points quand l’ensemble de la population en acquiert dix.

Une amélioration fragile et dépendante du contexte

D’après Kasper Peters, l’amélioration de la santé financière des Belges constatée entre 2022 et 2025 repose en grande partie sur la décrue de l’inflation et sur l’indexation des salaires. En juin 2025, les prix en Belgique étaient en moyenne 2,15% plus élevés que douze mois auparavant. C’est ce qu’on appelle l’inflation totale. Ce rythme reste «modéré», surtout lorsqu’on le compare aux hausses à deux chiffres observées en 2022. L’indice santé lissé, qui sert de base pour calculer l’indexation automatique des salaires et des allocations sociales, atteignait 132,36 points. Concrètement, cela signifie que depuis 2013, les prix des biens et services suivis par cet indice ont augmenté d’environ 32%.

Les prix restent élevés mais ne connaissent plus la même volatilité que lors de la crise énergétique. Cela donne aux ménages un peu de répit, sans effacer la vulnérabilité de fond.

Kasper Peters insiste sur cette fragilité: «Les familles ont retrouvé un peu de souffle grâce à la stabilisation de l’économie, mais il reste beaucoup à faire. Les progrès ne seront durables que si les ménages développent leurs compétences financières et leur capacité à planifier. Sans cela, la prochaine crise risque d’annuler les gains actuels».

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