Qui paie quoi, au sein d’un couple? Selon quelle répartition? Avec compte commun, comptes séparés ou tout à la fois? Ça fonctionne? D’ailleurs, parle-t-on argent avec son partenaire? Si oui, quand ? Sans gêne, sans tabou et sans dispute? Témoignages et expertises.
Marguerite et Armand sont mariés depuis 1959. Il a toujours travaillé. Elle s’est beaucoup occupée de leurs trois enfants. C’est lui qui a toujours géré et qui gère encore leur budget. C’est lui qui paie tout, avec leurs pensions et leur épargne: les factures, les vacances, les courses, la voiture, les frais médicaux, les imprévus. Pas sûr d’ailleurs que Marguerite sache effectuer un virement. «On a toujours parlé clairement d’argent, disent-ils, en chœur. Surtout dans les périodes difficiles. Combien on pouvait consacrer à quoi, combien on devait rembourser, combien on mettait de côté, combien pour maintenir aujourd’hui le niveau de vie d’avant.» Mais c’est lui qui sait combien il y a sur leur compte, commun. Qu’il est seul à utiliser. Pour eux deux.
Géraldine et Patrice vivent ensemble depuis 30 ans. Au début, elle galérait financièrement. Lui gagnait assez pour deux. Ils ont ouvert un compte commun au moment de l’emprunt pour la maison. Mais chacun a aussi le sien. Longtemps, Patrice a payé le plus: 70% du remboursement du prêt bancaire, l’électricité, le gaz, l’eau, les assurances, la voiture, les vacances. «Les dépenses du quotidien, c’était en fonction de qui avait le temps, rembobine-t-il. Comme je bossais beaucoup, Géraldine s’en est davantage chargée. Pareil pour la crèche, l’école, les vêtements. Entre-temps, elle a décroché un CDI, avec un salaire honorable. Mais on a continué comme on faisait avant.» L’argent était rarement abordé. «On avait fait nos calculs pour la maison, se souvient Géraldine, on épargnait chacun ce qu’on pouvait, sans se fixer d’objectifs ou de plancher, on discutait par exemple pour les vacances, mais ce n’était pas un sujet de réflexion. On n’est pas vraiment du genre à investir, à surveiller nos comptes, plutôt le genre cigales. Tant que la vie va…»
En 2019, elle allée moins bien pour Patrice: C4, à 54 ans. «Il n’a jamais retrouvé un emploi salarié. La balance s’est inversée: je gagne plus que lui, et plus qu’avant, et la maison est payée; donc j’assure la plus grande partie des factures et frais importants. Ce qu’il a du mal à accepter.» Patrice ne nie pas: «C’est une triple peine: viré, pas réembauché et désormais dépendant de Géraldine.» Alors, il arrive qu’il s’énerve. «Si je lui propose d’aller au resto, ou en week-end, sourit à moitié Géraldine, il me reproche parfois de ne pas prendre en compte sa situation. J’ai beau lui dire que, la mienne, ça va, elle nous le permet, que c’est un juste retour des choses, il a tendance à résister, refuser ou se considérer entretenu. Déclassé.»
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Nécessité peut faire loi
Francine et Bernard sont mariés depuis plus de 20 ans. Elle est technicienne de surface, il est employé. Ils n’ont qu’un seul compte, commun. «Nos salaires y sont versés et on paie tout moitié-moitié.» Même s’ils ne gagnent pas autant l’une que l’autre. «On n’a jamais calculé, on divise en deux. C’est budget pour nous, ensemble, point barre.» La place de l’argent dans leurs échanges? «Comme le reste: on en parle, quand on a une dépense imprévue, quand la fin du mois est plus difficile, quand on a une facture salée, quand on projette des rénovations, quand on choisit le lieu de vacances, quand on voit des promos.»
Sylvie et Eric sont mariés depuis une trentaine d’années et vivent dans une maison qui lui appartient, à lui, héritée de la famille. Elle est fonctionnaire, il est devenu salarié après des années comme indépendant. Là, çe fut longtemps un compte commun. Et la question de l’argent est délicate. «Il doit en avoir pas mal de son côté, parce que ses parents sont nantis, mais je n’ai pas de vue là-dessus, bouillonne Sylvie. Un jour, j’ai remarqué qu’il utilisait notre compte pour des dépenses à la con –une énième montre, un téléphone très cher, un quatrième aspirateur, des programmes pour son ordinateur, etc. Et comme je payais tout, pour les enfants, l’aménagement, les cadeaux, les vacances, et puis pour rembourser ses dettes d’indépendant, parce qu’il avait foiré, j’ai ouvert mon propre compte. Depuis, je constate qu’il fait toujours des bêtises, quand je consulte celui qu’on a en commun mais, au moins, une partie de mon traitement, donc de mon épargne, est sauve. Même si, en cas de séparation, outre la maison qui lui appartient, il n’aurait aucun souci et moi même pas de quoi m’acheter un studio. C’est pour ça que je ne l’ai pas quitté. Je suis coincée. Et quand on évoque l’argent, celui qu’il jette par les fenêtres, celui qu’il conserve de son côté et celui qui me manque, il hausse les épaules et se ferme. Et moi, je pleure.»
«Quand tout va bien, on ne parle pas d’argent. Comme si ça revenait à le faire passer avant l’amour, comme si ça risquait de remettre en cause les ’’acquis’’ du couple. Et puis, puisqu’on s’aime, on considère qu’on ne se séparera pas et que tout se passera bien… »
Elsa et Martin vivent ensemble depuis cinq ans. Milieu de la trentaine, tous deux dans le secteur culturel, elle salariée, lui cumulant les contrats à durée déterminée. «On a chacun notre compte et on a directement décidé de se diviser à parts égales les gros postes: garantie locative, loyer, charges et voyages, détaille-t-elle. Tout le reste est réparti en fonction de notre situation financière perso périodique: je paie les courses, il offre le resto; il a pris en charge les cadeaux pour la famille, je m’occupe des extras; c’est son van, donc l’assurance est pour lui mais je paie un tiers lors des entretiens ou du contrôle technique et parfois le plein. Et on épargne chacun ce qu’on peut. On n’a jamais de dispute sur ce plan et on ne compte pas jusqu’au moindre centime, mais on utilise l’application Tricount pour que les dépenses communes soient réglos.»
Argent: aux gros salaires les grosses dépenses
Cinq réalités différentes. Et assez emblématiques des rapports couple/argent. Rapports qui s’inscrivent dans une situation générale assez claire:
– le premier poste (30,7%) des dépenses familiales est consacré au logement (loyer, eau, énergie, entretien, etc.), pointe la dernière «Enquête sur le Budget des Ménages» (EBM), portant sur 2022 et réalisée par Statbel;
– l’écart salarial entre homme et femme reste à l’avantage du premier: 0,7% de différence par heure travaillée en Belgique en 2023, rappelle le même Statbel, et 7% pour les salaires annuels bruts moyens, après correction en fonction du temps de travail, en 2022;
– en moyenne, au sein des couples hétérosexuels wallons et sur la base des revenus de 2023, «le revenu de la femme s’élevait à 39,1% du revenu du couple, contre 60,9% pour le revenu de l’homme», relevait le 1er juin dernier, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique (Iweps). Soit «une légère tendance à l’augmentation de la proportion des revenus féminins dans ceux du couple puisqu’on passe d’une part de l’ordre de 30% au milieu des années 2000 à une part de près de 40% aujourd’hui»;
– au sein des couples hétéros, sur une moyenne de 100 euros de revenus, 53 sont apportés par les hommes et 33 par les femmes, les quatorze euros restants constituant des montants perçus par l’ensemble du ménage (les allocations familiales, notamment), selon une étude, l’an dernier, de l’Observatoire français des inégalités.
Ce qui, résume Caroline Henchoz, docteure en sciences humaines et spécialiste suisse de l’économie du couple et de la famille, correspond à «la tendance majoritaire observée dans nos pays: les plus gros salaires, donc en général ceux des hommes, prennent en charge les plus grosses dépenses. C’est aussi lié à la persistance du modèle traditionnel qui impose aux femmes la plus grosse part des tâches domestiques. Mais lorsqu’il s’agit de bas revenus dans le chef des deux partenaires, il y a une tendance à les regrouper pour mieux faire face aux dépenses et avec une seule personne qui gère le budget. Et là, ce sont plutôt les femmes qui s’en chargent. Mais c’est davantage une corvée, une charge mentale supplémentaire, qu’un réel pouvoir. A l’inverse, plus les revenus sont élevés et moins il y a de problèmes financiers et de dettes, plus les hommes s’occupent de l’administratif et du budget, avec une répartition genrée des dépenses.»
Le plus juste: répartir l’argent au prorata des salaires
Et selon quelle organisation bancaire? Pas d’études précises récentes, en Belgique. Il faut remonter au sondage réalisé début 2015, il y a donc dix ans, par la société CheckMarket pour L’Echo, auprès de 518 personnes vivant en couple: il révélait que 44% d’entre elles possédaient uniquement un compte commun, 29% disposaient aussi de comptes séparés et 27% de leur seul propre compte. Par ailleurs, dans 65% des cas de détention d’un compte commun, «chacun contribue à proportion de son salaire» et dans 35% «nous y mettons chacun le même montant». La même enquête affirmait que 52% avaient discuté des questions d’argent avec le conjoint, afin d’organiser la gestion du budget du ménage, «dès le début de [leur] relation», 25% «uniquement quand la question se pose» et 23% continuaient «à improviser au cas par cas». Pour la répartition des dépenses du ménage, 29% optaient pour le 50/50, 20% pour l’apport proportionnel aux revenus de chaque conjoint et 37% n’avaient aucune organisation prédéfinie, les 14% restants répondant «je paie tout, mon conjoint n’a pas de revenus».
Autant de chiffres assurant que, finalement, quand on s’aime, on ne compte pas et c’est très bien comme ça. Sauf que les choses sont plus compliquées et peuvent l’être encore bien davantage quand on ne s’aime plus. Dans une newsletter de février 2023, Valentine Burguet, conseillère en gestion de patrimoine chez Epsor, fintech spécialisée en épargne salariale, rappelait que le mode de fonctionnement consistant à «diviser par deux les dépenses communes et à payer chacun une part égale n’est équitable que si les deux conjoints gagnent autant d’argent l’un que l’autre.
Dans le cas contraire, le partenaire dont les ressources sont les plus faibles sera désavantagé. Ce dernier devra en effet fournir un effort financier plus important que sa moitié et disposera in fine d’un budget moindre pour ses loisirs et son épargne.» Et donc, «lorsqu’un des concubins, partenaires ou époux dispose de revenus plus élevés que l’autre, l’option la plus juste est de répartir les dépenses au prorata des ressources de chacun. De cette façon, chaque conjoint contribue aux frais de la famille à la hauteur de ses moyens et aucun d’eux ne se trouve lésé.»
Comment calculer cette répartition équitable? D’abord, en faisant «la somme des revenus du couple (salaires, loyers, dividendes, etc.)»; ensuite, en déterminant «la portion apportée par chacun au total de ces ressources»; enfin, en appliquant «le pourcentage correspondant au budget du ménage». Autrement dit: «Alix et Camille vivent ensemble. Si Alix gagne 1.800 euros par mois et Camille 3.500, le couple génère un total de 5.300 euros mensuels. Les revenus de Camille représentent 66% de ce total, ceux d’Alix 34%. Camille prendra donc à sa charge 66% des dépenses communes et Alix 34%. Ainsi, si le budget mensuel d’Alix et Camille s’élève à 2.300 euros par mois, Camille paiera 1.518 euros et Alix 782. »
Les bons comptes et les pots de yaourt
S’agissant du type de comptes bancaires, Valentine Burguet conseille le modèle «compte joint + comptes personnels. Avec ce système, chaque conjoint vire le montant correspondant à sa participation aux dépenses familiales sur le compte partagé. La somme mise en commun peut être utilisée pour régler les charges du ménage ou économiser pour des projets de couple, tandis que l’argent conservé par chacun sur son compte individuel peut être utilisé de façon discrétionnaire. Cette solution simplifie la gestion budgétaire dans le couple et offre une certaine transparence, tout en permettant à chacun de préserver son autonomie financière».
«On a chacun notre compte et on divise à parts égales les gros postes. Tout le reste est réparti en fonction de notre situation financière perso. On utilise Tricount pour que les dépenses communes soient réglos. »
Mais, une fois ce système adopté, qui doit payer quoi? Dans son livre Le couple et l’argent – Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes, paru en 2022 aux éditions de L’Iconoclaste, la journaliste et essayiste française Titiou Lecocq met en garde contre la formule «dépenses du quotidien pour elle, gros postes pour lui», parce que les revenus sont inégaux, en exposant ce qu’elle appelle «la théorie du pot de yaourt»: en cas de séparation, chacun garde ce qu’il a financé; donc, à lui la maison, la voiture et les bénéfices des investissements effectués, à elle les pots de yaourt. Vides, de surcroît. Ou largement périmés.
Recommandation, dès lors, de Titiou Lecoq, dans son podcast Rends l’argent (sur Slate audio): «Le plus petit revenu a intérêt à épargner, à se faire du patrimoine et donc à participer au remboursement des grosses dépenses. Même si vous ne pouvez pas tout payer, mettez votre argent en priorité là-dedans, et le plus gros revenu peut participer davantage aux dépenses type courses et factures.»
Romantiser l’argent au sein du couple
D’autant, insiste Morgane Kubicky, coordinatrice communication de Financité, l’asbl citoyenne agissant pour une finance solidaire et responsable –et qui a publié en 2022 l’analyse Quand on s’aime on compte–, qu’«aujourd’hui, si le divorce est organisé de la façon le plus égalitaire possible, c’est en s’appuyant sur une situation inégalitaire. Parce que les notaires, les comptables, les fiscalistes et les banques sont très peu équipés pour intégrer une vision féministe dans leurs conseils sur la séparation ou la communauté de biens, sur les avantages fiscaux à être la personne en charge des enfants ou sur le compte commun mais qui n’est au nom que d’un seul des conjoints… Généralement, on va au plus simple: priorité au parent qui a un revenu stable, point. Donc, la plupart du temps: l’homme. On creuse dès lors encore les inégalités financières: en cas de séparation, si la femme n’a pas son propre compte, si ses revenus ont toujours été versés sur le compte commun, si ce compte est au nom de l’homme, elle ne peut même pas récupérer ses allocations ou aides financières.»
«Diviser par deux les dépenses communes et payer chacun une part égale n’est équitable que si les deux conjoints gagnent autant d’argent l’un que l’autre. Dans le cas contraire, le partenaire dont les ressources sont les plus faibles sera désavantagé.»
Confirmation par l’étude publiée l’an dernier par l’Observatoire français de l’émancipation économique des femmes: 20% d’entre elles basculent dans la pauvreté au moment du divorce contre 8% des hommes, en moyenne. L’enquête ajoute: «Choix des régimes matrimoniaux, partage des dépenses à 50-50, vision individualisée du patrimoine…: au sein du couple hétérosexuel, l’illusion d’égalité entre femmes et hommes expose les femmes à une fragilisation économique qui s’intensifie encore lorsque le couple a des enfants; 40% des familles monoparentales vivent en effet sous le seuil de pauvreté et 82% des chefs de familles monoparentales sont des femmes.»
C’est que, reprend Morgane Kubicky, «même si les intentions de départ n’étaient pas sournoises, la femme est souvent victime de violences économiques, depuis le début et sans l’avoir jamais réalisé. Elle n’en prend conscience qu’à la sortie du couple. Avant, on n’aborde pas la situation inégalitaire, parce qu’on ne parle pas d’argent, hors à quelques étapes clés de la vie. Comme si en discuter revenait à faire passer ces questions avant l’amour, comme si ça risquait de remettre en cause les « acquis » du couple. Et puis, puisqu’on s’aime, on considère qu’on ne se séparera pas et que tout se passera bien… C’est pour ça que, si Financité ne recommande pas telle ou telle répartition des dépenses ou tel ou tel système de comptes –les cas sont si différents que ce qui est favorable dans l’un peut être défavorable dans un autre–, nous plaidons pour réinventer le romantisme au sein du couple, évidemment épargné par la violence physique ou psychologique: parler d’argent quand on s’aime, se protéger financièrement quand on est ensemble, au cas où un jour on se déteste, c’est romantique.»
«En couple, les jeunes parlent plus facilement d’argent mais c’est toujours plus compliqué pour celui ou celle qui a le moins de revenus»
Au sein des couples tant hétéros que gays ou lesbiens, les questions financières restent difficiles à aborder et à vivre, relève Caroline Henchoz, spécialiste de l’économie conjugale. Même si les comportements évoluent.
Caroline Henchoz est docteure en sciences humaines, professeure à la haute école spécialisée de Lausanne, autrice notamment de Le Couple, l’amour et l’argent (L’Harmattan, 2008) et coautrice du rapport de recherche, cette année, Homoney. Les couples gays et lesbiens et l’argent.
Le rapport à l’argent au sein du couple a évolué ces dernières années?
Jusqu’aux années 1960, le modèle privilégié était la remise de paie: la femme restait à la maison et le mari lui remettait sa paie, pour les dépenses courantes. Ce n’est que lorsque les comptes en banque se sont généralisés que les femmes, même sans y avoir accès, se sont rendu compte de ce que gagnait leur mari. Et que, dans certains cas, il en gardait une partie. Ensuite, il y a eu un changement dans la perception de la conjugalité avec la valeur de compagnonnage, de solidarité et l’émergence du modèle de mise en commun des revenus, même s’il n’y en avait qu’un seul –celui de l’homme. Aujourd’hui, on est dans la tendance à l’individualisation des finances, rendue possible par le fait que les femmes, à l’arrivée des enfants, ne se retirent plus forcément du marché du travail. Elles conservent des revenus, avec l’idée d’en gérer une partie de façon autonome, à côté de la mise en commun et de la répartition des dépenses. La femme est devenue une partenaire financière au sein du couple. Sauf qu’elle ne parvient pas à disposer d’un budget ou d’une épargne personnel(le) puisqu’elle gagne généralement moins que l’homme. Ce qui peut produire les inégalités, typiquement en cas de grosse différence de revenus et de partage des dépenses, à 50-50 ou au prorata des salaires. Les femmes n’y voient pas nécessairement une privation parce qu’elles disposent du pouvoir de participation financière et donnent leur avis sur les dépenses avec autant de poids que leur partenaire.
Sauf en cas de séparation…
Oui, mais durant la relation, beaucoup sont conscientes de l’inégalité mais misent sur l’hypothèse qu’en cas de séparation, le partenaire étant soucieux de leur bien-être, ça va bien se passer. La séparation implique d’expliciter cette inégalité alors qu’elle n’a pas été exprimée ni discutée quand tout allait bien. Ce qui pose souvent problème. Parce qu’on n’est plus dans l’économie conjugale, on est dans l’économie de la séparation…
C’est si compliqué d’inscrire les questions financières dans le cadre amoureux?
Les choses évoluent: les jeunes générations, de milieux informés, où les questions d’égalité sont très importantes, en parlent plus facilement, sans que ce soit contradictoire avec les sentiments amoureux et le souci de bien-être du partenaire. Cela dit, j’observe que c’est toujours plus compliqué pour celui ou celle qui a le moins de revenus.
Quels enseignements salutaires tirer de la façon dont les questions d’argent sont abordées et vécues au sein des couples homos?
La sensibilité aux questions financières et économiques, à leurs enjeux et à la prise en considération de l’ensemble des dimensions de la vie quotidienne. Et la volonté d’être exemplaire sur ces points-là, parce qu’on doit déjà tellement lutter pour être reconnus, on est tellement sujet à jugements négatifs. Pour autant, souvent, là aussi, c’est le partenaire qui gagne plus qui assumera les plus grosses dépenses; à l’arrivée d’un enfant, c’est le parent biologique qui investit davantage dans les tâches domestiques; en cas d’adoption, c’est le parent qui gagne le moins… C’est difficile de sortir du modèle du couple hétéronormé.