Pension. Pour dégager un complément de revenus confortable pour la pension, il faut s’y prendre le plus tôt possible. Mais quel que soit l’âge, il est possible d’agir. © GETTY

Comment investir au mieux pour votre retraite: voici les stratégies à adopter selon votre âge

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

Pour dégager un complément de revenus confortable pour la pension, il faut s’y prendre le plus tôt possible. Mais quel que soit l’âge, il est possible d’agir.

Par où commencer? Où placer ses priorités et quelle stratégie adopter en fonction de son âge pour compenser l’inévitable baisse de pouvoir d’achat inhérente à la pension et disposer d’un complément de revenus ? Une chose est certaine, plus la question de la retraite est abordée tôt, plus les solutions sont variées.

Le «modèle» reste forcément théorique, et plusieurs critères peuvent décaler les paliers à franchir: le type de carrière (longue dans une seule entreprise ou diversifiée avec plusieurs métiers), le niveau de vie et la situation familiale (en couple ou seul, des enfants encore à charge au moment de la retraite, etc.)… Avec malgré tout, une évidence: le compte d’épargne est à éviter, son rendement ne protégeant plus les économies de la hausse des prix. Chaque année, l’épargne perd en effet de sa valeur, rongée par l’inflation. Même lorsqu’elle est modérée, à 2%, ses conséquences à long terme sur le pouvoir d’achat sont décisives: 10.000 euros vaudront 8.204 euros en 2035 et 6.730 ans dans 20 ans, alors que pas un euro n’aura été dépensé. «Investir, c’est faire croître son capital mais surtout se protéger de l’inflation», déclare Corentin Minne, fondateur associé chez Pareto, une société de conseil en placements et en assurances.

Evidemment, conserver une épargne de précaution, qui doit par définition être disponible, facilement récupérable et ne comporter aucun risque de perte de capital est primordial. Ce matelas, dans lequel piocher en cas de coup dur, doit idéalement représenter l’équivalent de trois à six mois de revenus. Au-delà de cette tirelire, aujourd’hui, il faut accepter et oser prendre des risques, sans quoi le rendement végète entre 0% et 1%.

Les versements mensuels programmés permettent de contourner la préférence innée de l’humain pour le présent.

A 25-35 ans

En début de vie active, les projets sont nombreux et les moyens financiers encore limités. Mais tant que les charges fixes ne sont pas encore trop lourdes, il faut en profiter pour mettre de l’argent de côté et se concentrer sur l’épargne fiscalisée. «Si vous disposez d’une petite capacité d’épargne de 1.000 euros ou de 1.500 euros par an, les placements fiscalement déductibles restent même la première étape», conseille Corentin Minne. A cet âge, la retraite est encore loin et une solide motivation est nécessaire pour l’anticiper. Il est possible de commencer dès 18 ans, jusqu’à 64 ans. La solution? Automatiser les processus. Les versements mensuels programmés permettent de contourner la préférence innée de l’humain pour le présent. Il est possible de les arrêter à tout moment, mais très peu le font, car cela requiert une démarche.

Prendre conscience du pouvoir du temps sur les rendements est également crucial pour se convaincre de l’intérêt de commencer tôt. Chaque année, les intérêts produisent des intérêts composés –qui s’ajoutent au capital initial et produisent à leur tour des intérêts. A rendement annuel égal, 4,5%, 30.000 euros placés dix ans généreront 16.500 euros d’intérêts, contre 82.500 euros en 30 ans. Cinq fois plus. «Le Belge épargne beaucoup mais il le fait mal: il est trop sur le court terme (carnet d’épargne, comptes courants remplis…), déplore Pierre Devolder, professeur de finances et d’actuariat à l’UCLouvain. Un des défis est de réorienter cette épargne vers une épargne plus longue.»

L’objectif étant de constituer un bas de laine pour la pension, des produits sont configurés dans ce but mais, attention, ils ne constituent pas un moyen de doper l’épargne dans l’espoir de l’utiliser plus tard, pour un achat immobilier, par exemple: le fisc retiendrait un tiers, voire davantage, du capital accumulé.

Il existe deux outils parmi ces «tirelires incassables». Un: l’assurance épargne-pension. C’est un produit d’assurance vie qui se présente sous trois formes: la branche 21 (capital et rendement garantis, sans risque donc), la branche 23 (pas de protection de capital, par conséquent à risque, mais rendement potentiel plus élevé). Ces deux produits peuvent se combiner pour former une formule mixte, la branche 44, associant au sein d’un même contrat la branche 21 et la branche 23. Son avantage est de permettre de passer d’un investissement à risque (branche 23) à un investissement sans risque (branche 21) sans se voir infliger d’amende fiscale. Deux: le fonds d’épargne-pension, un produit bancaire qui investit dans un panier diversifié d’actions et d’obligations. Il n’y a pas de protection de capital et, comme tout placement en Bourse, le rendement, en moyenne plus élevé, varie en fonction des performances de ces fonds sur le marché.

«Le critère clé pour faire un choix demeure l’horizon de placement. Dès qu’on a dix ans devant soi, on a intérêt à opter pour un fonds», préconisent les spécialistes. Placer 4.000 euros par an de 35 à 65 ans génère un capital de 165.000 euros selon une formule branche 21 et un rendement de 2%. Pour le même effort, en optant pour un fonds dynamique dégageant un rendement de 5% à 6%, le capital atteint 335.000 euros.

Mieux vaut payer 3% d’intérêt à sa banque pour devenir propriétaire que 4% de rendement brut moyen en tant que locataire à son propriétaire.»

En bonus, il y a évidemment l’abattement fiscal. Inutile d’investir des montants plus élevés que le maximum donnant droit à un allégement. Pour les deux outils, le plafond est, en 2025, de 1.050 euros (pour bénéficier de 30% de déduction fiscale, soit un avantage de 315 euros) ou de 1.350 euros (déduction de 25%, soit 338 euros).

Autre objectif: songer, même si ce n’est pas pour tout de suite, à l’acquisition de sa résidence principale, d’autant que c’est le seul investissement finançable à crédit. Tous ceux qui remboursent un prêt hypothécaire le savent: ils effectuent une épargne forcée pour en profiter plus tard comme on le souhaite: habiter son logement, le louer ou le revendre. Pour les experts, c’est même le premier investissement à effectuer, le premier pas vers la constitution d’un patrimoine. «Mieux vaut payer 3% d’intérêts à sa banque pour emprunter afin de devenir propriétaire que 4% de rendement brut moyen en tant que locataire à son propriétaire.» Et de conseiller de profiter des taux bas (NDLR: la moyenne à taux fixe sur 20 ans s’élevait à 3,26% en mai 2025, selon Immotheker Finotheker) et de la fiscalité avantageuse pour les primo-acquéreurs.

Vers 40 ans

La question de la pension complémentaire, celle du deuxième pilier financée par les entreprises pour leurs salariés ou leurs dirigeants doit émerger. A cet âge, il faut soit négocier une assurance groupe, si elle n’est pas prévue dans le paquet salarial, soit carrément aller voir ailleurs, estiment les experts. Pour Pierre Devolder, «dans un marché du travail tendu, où les départs à la pension sont plus nombreux que l’entrée des jeunes sur le marché du travail, une bonne assurance groupe dans l’enveloppe salariale est un incontournable, qui devrait même être obligatoire.»

Pour les indépendants, il existe d’autres options, comme la pension libre complémentaire (PLCI), payée avec ses fonds propres. Destinée aux indépendants en personne physique, elle permet de cotiser jusqu’à 8,7% de ses revenus net (4.044,44 euros pour 2025) ou 9,4% pour la PLCI sociale (qui sert à financer une indemnité en cas d’incapacité), avec un plafond de 4.602, 71 euros pour 2025. L’indépendant bénéficie également d’une déduction fiscale sur les montants qu’il cotise. En bref, elle permet de payer moins d’impôts et moins de cotisations sociales. Le versement du capital à l’échéance est imposé sous un système de rente fictive. Le pourcentage de cet impôt dépend de l’âge auquel est versé le capital: il varie de 3,5% à 5% (à 65 ans).

Citons aussi l’EIP (Engagement individuel de pension). Il s’agit d’un plan d’épargne directement financé avec sa société qui permet de maximiser l’épargne tout en respectant la règle des 80% (le montant des pensions légales et complémentaires ne peut dépasser 80% de la rémunération brute annuelle). L’indépendant reste bénéficiaire des sommes épargnées, même s’il quitte l’entreprise ou si elle fait faillite. A noter qu’une taxe sur les assurances (4,4%), une cotisation Inami (3,55%) et une cotisation de solidarité (entre 0% et 2%) sont retenues sur les primes, et que le capital est soumis à un taux d’imposition distinct (en général 16,5%). A long terme, l’EIP peut être plus intéressante financièrement en raison de rendements potentiellement plus élevés.

Une fois ces produits ouverts, difficile d’effectuer des retraits partiels : les sommes sont bloquées jusqu’au départ en retraite, sauf exceptions, comme un projet immobilier (lire par ailleurs).

A plus de 20 ans de l’échéance, il faut encore profiter de sa capacité d’endettement pour miser sur l’immobilier locatif. D’autant que si le rendement locatif net est supérieur aux intérêts payés sur le prêt, le candidat-acquéreur bénéficie d’un effet de levier financier. Et que l’inflation érode le remboursement du prêt. Une fois à la retraite, le loyer servira de revenus mensuels supplémentaires.

Pour s’assurer d’un investissement rentable, même dans quinze ans, il faut pouvoir attirer le bon locataire, choisir une ville où le marché locatif est en croissance, investir dans un logement proche des transports en commun et des centres d’animation, avec des charges peu élevées. Tout en ayant conscience du poids des charges (rénovations, entretien, assurances, taxe foncière, etc.) et des risques (vacance locative, loyers impayés, etc.). Celui qui maîtrise ces aspects peut espérer un rendement locatif de 3% à 5%. Seul inconvénient: l’investissement demeure hautement illiquide. Ici aussi, l’horizon temporel atteint vite cinq à sept ans.

A l’inverse, certains préféreront donner la priorité aux actifs mobiliers. Ceux qui sont prêts à prendre plus de risques peuvent atteindre, voire dépasser, les rendements locatifs. Les actions sont en effet l’une des rares options à l’inflation. Une inflation plus élevée signifie des bénéfices plus grands et souvent des dividendes plus importants. «Sur la durée, la Bourse dégage, en règle générale, de meilleurs rendements que les placements non risqués, note le spécialiste en planification. Un horizon temporel d’au moins sept ans est souhaitable.»

Ceux qui ne veulent pas s’exposer totalement aux marchés d’actions peuvent recourir à des fonds mixtes. Ceux-ci investissent dans des actions, mais aussi dans des obligations, des biens immobiliers et des matières premières. Il est ainsi possible de davantage diversifier ses placements. Les fonds mixtes défensifs se composent de beaucoup d’obligations et de liquidités (75% en moyenne). Or, les obligations sont très sensibles à la hausse de l’inflation. «Jusqu’à 45-50 ans, l’intérêt est d’opter pour un fonds mixte dynamique (NDLR: investi principalement en actions), puisque le risque est réparti sur un horizon très long», estime Corentin Minne.

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Vers 50 ans

Il s’agit d’un âge pivot: il faut à la fois se projeter dans l’avenir et anticiper la baisse de ses revenus futurs en préparant activement sa pension, tout en étant en mesure d’aider des enfants encore dépendants financièrement, voire parfois de soutenir des parents vieillissants moins autonomes.

A plus de quinze ans de la pension, il est encore temps de prendre du risque, à condition d’opter pour des produits qui permettent de basculer en fin de parcours vers des formules plus défensives (moins d’actions) et éviter le risque d’un couac majeur qui engloutirait une grosse partie du rendement à la veille de la pension. Il existe des outils souples, adaptables et peu coûteux. Une attention particulière doit être portée aux frais d’entrée qui rongent les premières années de rendement, sans aucune valeur ajoutée. Privilégier les plateformes en ligne et les petites banques qui, à cet égard, sont compétitives mais ne fournissent évidemment pas de conseil peut être une option.

A cinq ans de la retraite, l’échéance approchant, se pose la question de la réduction de la part de risque dans les placements. L’objectif étant de sécuriser la partie qui sera indispensable pour se dégager des revenus complémentaires afin de ne pas devoir baisser son train de vie.

Cela peut être le moment d’investir encore dans l’immobilier (une partie des 50-60 ans a fini de rembourser son crédit immobilier et bénéficie de ce fait d’une meilleure capacité d’épargne). Très concrètement, le capital d’une assurance groupe peut servir d’apport (jusqu’à 60%, en général, de ce qui a déjà été épargné). Des intérêts sont dus sur cette avance. Le décompte des intérêts intervient chaque année ou en une fois lors du paiement de la pension complémentaire. Le montant emprunté sera enfin déduit de la pension à terme.

A la pension

Pas besoin de récupérer la totalité des capitaux dès le départ à la retraite. Il est possible de prédire avec une relative certitude la somme nécessaire dans les cinq, dix et 20 prochaines années.

S’il reste des sommes à placer, il peut être pertinent de les verser sous la forme d’une rente différée. Ce produit financier génère un rendement récurrent et percevable à vie. Le capital non consommé sous forme de rente revient, après le décès du souscripteur, à ses bénéficiaires. Il n’y a donc jamais de perte de capital, quelle que soit la date du décès. Fiscalement, le dispositif est également intéressant: la rente versée n’est soumise à aucune taxation, à condition que les fonds restent bloqués pendant les huit premières années.

Mais quelle que soit la période, les préceptes de base restent identiques: ne pas miser tout sur le même cheval et diversifier les investissements.

S.G.

Vendre en viagerComment? A quel âge?

L’allongement de la durée de la vie, le risque de dépendance exigeant de financer des aides à domicile ou des institutions coûteuses, des montants de pension qui baissent, le désir d’aider ses enfants lorsqu’ils en ont besoin, etc. concourent au développement du viager. Un nombre grandissant de vendeurs y voient une solution à leur besoin d’argent. L’unique contrainte est d’être suffisamment âgé, sans quoi l’opération ne serait pas financièrement viable.

Le bon âge pour vendre en viager se situe ainsi entre 70 et 80 ans. Avant, la rente sera modeste et, au-delà, elle risque d’atteindre, tout comme le bouquet (l’apport initial apporté par l’acheteur à la signature), des montants bien trop élevés pour intéresser des acheteurs . Le plus souvent, la durée fixée par contrat oscille entre quinze et 20 ans, même si la loi n’impose pas de durée maximale ou minimale.

Le prix de vente est réparti entre un capital, le bouquet (équivalent à environ 20% à 30% de la valeur du bien), que le vendeur (le crédirentier) reçoit immédiatement, et une rente, en général mensuelle. Le calcul du bouquet et de la rente intègre la valeur du bien, l’âge et l’espérance de vie du crédirentier, le fait que le logement soit libre ou occupé, et le nombre de bénéficiaires. Un viager peut en effet être conclu «sur deux têtes», dans le cas d’un couple de pensionnés, par exemple.

L’avantage? En plus d’obtenir un revenu complémentaire grâce à la rente –indexée annuellement–, le vendeur occupe son bien et s’assure d’un apport supplémentaire sécurisant, puisque si l’acheteur (le débirentier) ne paie pas de rente durant deux mois, celui-ci perd tout. Fiscalement, la rente est également plus avantageuse qu’un loyer, puisqu’elle ne s’ajoute pas aux revenus imposables.

Si le crédirentier quitte son bien pour une maison de repos, le débirentier peut alors acheter l’usufruit. Il faut alors évaluer son montant, qui prend souvent la forme d’une rente mensuelle. En revanche, si le crédirentier a négocié une rente sur quinze ans et qu’il est en vie au bout de cette durée, il conserve l’usufruit mais ne touche plus de rente. Enfin, la vente en viager permet de protéger le conjoint survivant.

Demeure cette réserve encore forte auprès de potentiels vendeurs: vendre en viager équivaut à faire disparaître définitivement le bien du patrimoine et ne reviendra pas aux héritiers.

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