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Ce que le mystérieux Peppol va vraiment changer pour vos factures TVA: «Il reste 3 semaines pour agir»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

L’arrivée de Peppol rebat les cartes de la gestion fiscale des entreprises et des indépendants. Ne pas s’y préparer déclenchera des sanctions financières sévères. Le nouveau système effraie, mais il comporte aussi de nombreux avantages.

Monter dans le train Peppol ou… en subir les conséquences. L’arrivée en gare est imminente: au 1er janvier 2026, entreprises et indépendants assujettis à la TVA devront se caler sur les rails de la facturation électronique. La locomotive européenne ViDA (VAT in the Digital Age, ou la TVA à l’ère numérique) impose à chaque wagon-membre d’embrayer, et, en Belgique, la moitié des passagers ne sont pas encore à quai: selon les statistiques du SPF Finances, 515.000 entreprises assujetties à la TVA (sur 1,178 million) n’ont pas encore rejoint le réseau Peppol. Il leur reste trois petites semaines pour ne pas risquer de sérieux embarras financiers. Un «TGV de la TVA» dans lequel il vaut mieux monter. Passage à niveau des différents enjeux.  

Peppol: le cap psychologique à franchir

Peppol, c’est ce nouveau réseau européen standardisé pour l’échange électronique de documents commerciaux (factures, commandes, etc.) entre entreprises et administrations. Dès le 1er janvier 2026, son utilisation sera imposée à chaque entreprise ou indépendant assujetti à la TVA. Partie d’une directive européenne, cette transition numérique s’inscrit également dans la volonté du gouvernement fédéral de réduire la fraude fiscale. «Le changement s’attaque à la base du problème, à savoir la facture, élément le plus facile à falsifier. L’idée de base est de limiter la manipulation humaine du document», décrit Aurélie Soldai, avocate au Barreau du Brabant Wallon et fiscaliste experte en TVA.

L’indépendant qui souhaite résister à la transition ou qui postpose simplement cette mise à jour en subira les conséquences. En cas de non-respect du nouveau système, les sanctions seront en effet lourdes, presqu’immédiates, et dotée d’une notion de récidive. Et si l’administration prévoit bel et bien une période de tolérance de trois mois à compter du 1er janvier, elle n’est pas pour autant synonyme de report de l’entrée en vigueur de la directive, mais plutôt d’une possibilité de peaufiner les derniers réglages ou de finaliser les démarches.

En cas de non-accès d’une entreprise à Peppol entre janvier et mars, la première amende s’élèvera à 1.500 euros, la seconde à 3.000, la troisième à 5.000. L’entreprise se verra également rejeter ses déductions de TVA.

«La facturation électronique est une transition nécessaire. Elle permettra une centralisation des opérations, une réduction des erreurs manuelles, et une main d’œuvre moins lourde pour les entreprises. Pour les TPE, c’est un énorme avantage pour faciliter le traitement administratif des factures.»

La transition semble donc radicale, de prime abord. Mais «elle est nécessaire», assure Aurélie Soldai, qui y voit aussi plusieurs avantages, tels qu’une «centralisation des opérations, une réduction des erreurs manuelles, et une main d’œuvre moins lourde.» Pour les entreprises, même pour les TPE, Peppol ne doit donc pas spécialement être vu comme un nouveau gendarme, mais plutôt comme un énorme avantage pour faciliter le traitement des factures. «Elles sont émises électroniquement et directement encodées auprès du comptable.» Un gain de temps administratif important, en somme, qui promet conformité, automaticité et sécurité.

L’entreprise, concrètement, sera obligée de recevoir des factures électroniques structurées de la part de ses fournisseurs, et d’en émettre à ses clients. «C’est juste une question de mentalité, un cap psychologique à franchir, mais pas une complication, au contraire», appuie Aurélie Soldai.

Peppol dans la pratique

Les systèmes comptables, pour qu’ils soient valides, doivent disposer d’un point d’accès à Peppol. La notion est centrale: aucune entreprise ne devra utiliser Peppol directement. Il lui faudra, en revanche, disposer d’un autre logiciel (soit elle-même, soit via son comptable) qui détient le précieux point d’accès à Peppol.

«L’astuce, pour les petites entreprises, est d’utiliser le logiciel du comptable, qui détient un point d’accès à Peppol», conseille Aurélie Soldai. Ce qui nécessitera probablement une participation à l’abonnement, et donc des coûts supplémentaires facturés par le comptable à son client. Ces frais additionnels sont, à n’en pas douter, l’ombre au tableau des petits indépendants assujettis à la TVA.

Les plateformes les plus répandues en Belgique (Odoo, Horus, Vertuoza…) disposent déjà de ce point d’accès. Pour l’entreprise, il convient donc surtout de choisir le type de logiciel qui convient le mieux à son type d’activité. Peppol, lui, agit simplement comme un pont entre le logiciel du fournisseur et celui du client.

Report électronique immédiat

En 2028, le gouvernement fédéral vise en outre un report électronique immédiat auprès de l’administration fiscale. En d’autres termes: dès que la facture est transmise, une déclaration de la TVA existera de facto. Impossible, par après, de réaliser des modifications, même électroniquement, puisque la facture aura été déclarée.

En revanche, pour l’exigibilité de la TVA, c’est-à-dire le moment où elle est payée, le passage à l’électronique ne change rien. «On ne parle pas encore de payer la TVA immédiatement. L’idée de l’administration fiscale consiste surtout à figer la TVA due, précise Aurélie Soldai. L’objectif principal est d’obtenir une vue et une maîtrise totale des achats et des ventes de chaque entreprise.» En filigrane: contrer au maximum les fraudes et le travail au noir.  

Risques de décrochage

La transition comporte toutefois un risque connexe, celui de la fracture numérique. Pour les petits indépendants qui émettent peu de factures, rémunérer son comptable –afin d’avoir accès au système électronique– peut rebuter. «Certains, proches de la retraite, estiment déjà que la transition numérique signifie la fin de leurs activités», témoigne Aurélie Soldai.

«Peppol va surtout lisser le travail du comptable, lui permettre de se consacrer davantage au conseil fiscal, et harmoniser les pratiques dans la profession.»

Mais la question touche également les experts-comptables dont les méthodes de travail sont peu ou prou à la page des nouvelles évolutions. «Ceux-là risquent un décrochage, entraînant leurs clients dans la chute», alerte l’avocate-fiscaliste. En revanche, la transition électronique ne menace a priori pas directement leur profession. «Ils ont encore énormément de travail assuré au-delà de la partie TVA. Peppol va surtout lisser le travail du comptable, lui permettre de se consacrer davantage au conseil fiscal, et harmoniser les pratiques dans la profession.»

L’intracommunautaire pas encore concerné

Si la base Peppol existait déjà dans l’UE, janvier 2026 marquera l’arrivée de «Peppol bis», qui s’inscrit dans la fameuse directive européenne ViDA. Celle-ci vise, de plus, une harmonisation complète du système TVA en Europe à l’horizon 2035.

En attendant, les transactions intracommunautaires (entre entreprises qui ne sont pas du même pays), ne sont pas encore concernées. «Il faut d’abord que tous les Etats membres se mettent à la facturation électronique au niveau local. Seulement après, il sera possible d’harmoniser le système européen pour les opérations intracommunautaires», explique Aurélie Soldai.

Ce manquement favorise-t-il indirectement et temporairement les opérations frauduleuses avec des entreprises étrangères? Pas nécessairement, selon l’avocate fiscaliste, rappelant qu’il «existe déjà d’autres garde-fous, comme l’obligation de déposer un listing des opérations intracommunautaires, couplé avec le déclaration de TVA. Peppol, une fois étendu aux opérations étrangères, permettra d’éviter ces listings complémentaires. Automatisation et simplification, là aussi.

«Il faut démystifier cette transition, plaide enfin l’avocate-fiscaliste. Tout le monde gagne à la faire: elle facilitera grandement l’administratif, et évitera les retards ou les non-dépôts.» La voie électronique est donc fixée et le départ imminent. Manquer le train, c’est surtout s’assurer un trajet de rattrapage plus coûteux et cahoteux.

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