Le Belge sous-estime les revenus dont il aura besoin pour vivre confortablement à la retraite. Voici comment les évaluer.
Alors que la coalition Arizona amorce une réforme «XXL» des pensions, de quel montant un retraité a-t-il besoin pour vivre sans problèmes financiers? C’est la question à un million d’euros.
Ces chiffres, d’abord. En 2024, selon la plateforme pensionstat.be, un salarié percevait une pension légale nette moyenne de 1.523 euros. Celle d’un fonctionnaire est nettement plus élevée –2.437 euros– et surtout plus que celle d’un indépendant –1.199 euros. Ce qui représente environ la moitié du dernier salaire perçu. Ce taux de remplacement, soit la part de salaire maintenue à la pension, est variable selon les cas, mais, globalement, un salarié part avec un taux de remplacement de 60%, un fonctionnaire avec un taux de 75%, et un indépendant avec un taux de 40% à 60%.
S’ajoutent à cette baisse de revenus de nouvelles dépenses et la perte d’avantages. Pêle-mêle, il faudra éventuellement rendre la voiture de société, reprendre l’abonnement GSM ou la police d’une assurance hospitalisation, se passer de chèques-repas… Sans oublier ces futures années où la santé sera moins bonne et exigera peut-être de résider en maison de repos. Le coût moyen d’un séjour mensuel y atteint 1.989 euros (étude Solidaris, 2023).
En clair, la pension légale, celle du premier pilier versée par l’Etat, est trop maigre pour maintenir son niveau de vie à la retraite. La pension complémentaire, celle du deuxième pilier financée par les entreprises pour leurs salariés ou leurs dirigeants, suffit-elle à combler le fossé? Pas sûr du tout…
Pension: un calculateur pour savoir combien épargner
En 2024, 30% des salariés n’en bénéficiaient pas. La moyenne des réserves acquises s’élève à 24.664 euros. Mais, derrière cette somme, se cachent des disparités entre ceux qui partent avec un maigre bas de laine et ceux qui perçoivent un montant plus conséquent. Ainsi, chez les 54-65 ans, la tranche la plus proche de la pension, la réserve acquise, se chiffre à 61.790 euros brut. Mais une grande partie des bénéficiaires empochent un montant nettement moindre: les statistiques du SPF Pensions montrent que la moitié dispose d’une réserve à peine supérieure à 10.000 euros brut.
(Suite de l’article sous le calculateur)
En résumé, ces ressources sont trop faibles pour maintenir son pouvoir d’achat, sauf à réduire son train de vie. Or, les études montrent que les pensionnés conservent, en général, le niveau de dépenses auquel ils se sont habitués au cours des dernières années d’activité professionnelle. Il existe en effet plusieurs périodes. Durant les premières années de pension, les dépenses sont plus élevées et les besoins d’argent, plus importants. De fait, les pensionnés restent actifs, consomment des loisirs et des voyages. Durant la deuxième phase, ils consacrent leur budget à leur habitation et leur confort quotidien. La troisième voit les frais de santé augmenter et devenir conséquents.
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ne planifie rien pour préserver son confort et s’assurer une retraite sereine.
Ces constats, ensuite. Les Belges ont peu conscience des réalités financières après le départ à la pension. Interrogés par AG Insurance, leader sur le marché des assurances complémentaires, ils prévoient de consacrer un tiers de leur pension aux dépenses courantes, alors qu’en réalité, ce sera 50%. Ceux proches de la retraite estiment qu’ils auront besoin de 75% de leur dernier salaire pour vivre une retraite sereine, alors qu’un sur deux ne planifie rien. Enfin, deux tiers ignorent combien ils doivent épargner pour préserver leur confort après la pension.
Les Belges vivent plus longtemps et, surtout, plus longtemps qu’ils ne le pensent.
Alors, combien épargner pour sa pension? La réponse à cette question à un million d’euros demeure complexe. Car il existe une variable indéfinissable: la durée de vie, largement sous-estimée. Les Belges vivent en effet plus longtemps et, surtout, plus longtemps qu’ils ne le pensent.
Les trois étapes
La première étape consiste à mesurer les besoins futurs, c’est-à-dire comparer le niveau attendu des ressources avec le train de vie désiré à la pension. Sans négliger l’inflation, pour faire face à l’augmentation du coût de la vie.
Comment les estimer? Un pensionné salarié présentant 45 ans de carrière percevra une pension légale complète, soit 60% de son salaire brut moyen au cours de toutes ces années. Ainsi, pour un salaire brut moyen de 3.500 euros et en appliquant le pourcentage de 60%, la retraite se chiffre à 2.100 euros brut, soit 25.200 euros annuels.
Cependant, «on considère souvent qu’il faut 70% à 80% de ses revenus actuels pour conserver son niveau de vie», insiste Corentin Minne, associé fondateur chez Pareto, une société de conseils en placements et en assurances. Dans ce cas, pour conserver 80% de son salaire brut moyen, la pension devrait s’élever à 2.800 euros, c’est-à-dire 33.600 euros par an. Soit un écart de 700 euros par mois!
On peut également établir une estimation à partir d’un budget des dépenses prévues. Quels seront les frais de logement, d’alimentation, de santé, de loisirs, de voyages, etc., tout en tenant compte d’éventuelles charges supprimées (prêt immobilier remboursé, par exemple)?
Deuxième étape, calculer les revenus attendus. Quelles en seront les sources? Une pension légale, mais peut-être en sus une pension complémentaire, un revenu immobilier ou un autre placement. Un exemple minimal: une pension légale de 2.100 euros (25.200 euros par an) et une pension complémentaire de 326 euros (3.912 euros par an). Soit un total annuel de 29.112 euros –et 4.488 euros annuels à combler, par rapport aux 33.600 euros de dépenses.
Troisième étape, l’évaluation de l’espérance de vie. Selon les experts, il faut planifier un scénario qui va jusqu’à 90 à 95 ans. Des sites statistiques permettent une estimation selon son âge (et non à la naissance), davantage pertinente puisqu’elle tient compte des maladies et accidents auxquels le futur pensionné a échappé. A partir de cet indicateur, il convient de calculer le nombre de mois de vie après le départ à la retraite et de multiplier ensuite ce nombre de mois par l’écart obtenu lors du calcul des revenus attendus. Ainsi, dans notre exemple, une femme de 52 ans présentant une espérance de vie de 87 ans, retraitée à 67 ans et percevant ces revenus, devra avoir épargné 89.760 euros pour conserver son niveau de vie. Parmi les individus du même âge et du même sexe, 10% pourraient atteindre 98 ans. Ceux-là auront dû épargner 139.128 euros. Des montants qui ne tiennent pas compte de frais imprévus.