Dans les rayons des supermarchés belges, les produits issus des territoires palestiniens occupés par Israël ont déjà (presque) tous disparus. © Getty Images

Les produits issus des colonies israéliennes bientôt interdits en Belgique: ce que ça va changer dans les supermarchés

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Dans le cadre du conflit à Gaza, l’Arizona va interdire l’importation de produits issus des territoires palestiniens occupés par Israël. Un marché qui pesait pour 2,6 millions d’euros en 2024. Pour le consommateur belge lambda, l’impact devrait toutefois être anecdotique.

Une épine hors du pied de l’Arizona. Mardi à l’aube, la majorité fédérale a évité le blocage politique en accouchant d’un accord sur le conflit à Gaza. Le texte, subtilement rédigé pour répondre aux exigences de chaque formation, promet la reconnaissance (sous conditions) de l’Etat de Palestine. Le compromis arizonien est également assorti de sanctions économiques à l’égard de l’Etat hébreu, dont l’interdiction d’importation de produits issus des territoires palestiniens occupés par Israël.

Si les contours de la mesure doivent encore être précisés, elle devrait concerner les biens produits dans les territoires illégalement occupés par Israël selon le droit international, à savoir la bande de Gaza et la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est). Le communiqué publié par le ministre des Affaires étrangères Maxime Prévot (Les Engagés) évoque d’ailleurs un arrêt de la Cour internationale de Justice du 19 juillet 2024 pour motiver cette interdiction. «Par cette mesure, la Belgique met donc sa politique commerciale en conformité avec le droit international et les droits humains, ce qui est une très bonne chose», souligne Nathalie Janne d’Othée, chargée de recherche et de plaidoyer Moyen-Orient au CNCD-11.11.11.

2,6 millions en 2024

Dans le détail, l’interdiction devrait surtout viser des fruits et des légumes. Les produits végétaux représentent en effet plus de trois quarts des importations belges issues des territoires palestiniens occupés. D’après les données de l’Agence pour le Commerce extérieur, ils représentaient 2,1 millions d’euros sur les 2,6 millions importés de ces colonies illégales en 2024. Venaient ensuite les graisses et les huiles (0,2 million), et les textiles (0,2 million). Sur les cinq premiers mois de 2025, la Belgique a importé pour plus de 500.000 euros de produits végétaux issus de ces colonies, sur un montant total de 600.000 euros. Si ces volumes paraissent importants, ils sont toutefois bien inférieurs à ceux importés depuis l’Etat officiel d’Israël, qui s’élevaient à 1,2 milliard en 2024, tous biens confondus (423 millions sur les cinq premiers mois de 2025).

Si l’interdiction est saluée positivement par de nombreuses associations, sa mise en œuvre devrait toutefois se heurter à plusieurs défis, à commencer par des difficultés de traçabilité. Rappelons que, depuis 2019, les denrées alimentaires en provenance des colonies israéliennes doivent faire l’objet d’un étiquetage spécifique et explicite dans les commerces belges. Une manière de permettre au consommateur de poser un choix éclairé. Mais dans les faits, de nombreux produits passent encore entre les mailles du filet, déplore le CNCD-11.11.11. «La Vivaldi a fait des efforts pour mieux identifier ces denrées alimentaires notamment via davantage de contrôles, souligne Nathalie Janne d’Othée. Mais ces vérifications sont compliquées, car de nombreux producteurs et exportateurs israéliens, voire les douanes israéliennes elles-mêmes, ne jouent pas le jeu de la transparence.» Certains produits obtiennent donc le label «Made in Israël» et bénéficient d’un tarif préférentiel en vertu de l’accord d’association UE-Israël, alors qu’ils ont été fabriqués dans des colonies illégales. Erronément labellisés, ces produits resteront présents dans les commerces belges malgré l’interdiction décrétée par l’Arizona.

«Un pas symbolique»

Autre écueil de taille: l’absence de compromis à l’échelle européenne. Pour l’heure, seules l’Irlande et la Slovénie ont décrété l’interdiction d’importation de produits issus de colonies israéliennes sur leur territoire. La Belgique devient donc le troisième pays membre de l’UE à franchir ce cap. Mais dans un marché unique qui garantit la libre circulation des marchandises, comment s’assurer que ces produits n’entrent pas en Belgique via d’autres pays voisins qui, eux, n’ont pas acté la même sanction? Pour Michel Hermans, professeur de politique internationale à HEC Liège, la Belgique «fait un pas symbolique dans la bonne direction», mais va devoir «convaincre ses voisins de l’imiter», sans quoi la dissuasion économique risque de s’avérer nulle.

Un constat partagé par le CNCD-11.11.11, qui appelle à «créer une masse critique au sein de l’Union européenne». «Mais la Belgique, même isolée, peut quand même avoir un impact en raison de ses points d’entrée importants pour le commerce européen, comme le port d’Anvers ou l’aéroport de Bierset», souligne Nathalie Janne d’Othée. Globalement, la pression internationale a déjà démontré son efficacité à plusieurs reprises, insiste le CNCD. Plusieurs campagnes de lobbying ont déjà forcé des sociétés israéliennes à arrêter leurs activités en territoires occupés et à les délocaliser, à l’instar de la multinationale SodaStream, qui a déplacé son site de production principal dans le Néguev (sud d’Israël).

Pas d’impact dans les rayons

En Belgique, l’obligation d’étiquetage et plusieurs campagnes de sensibilisation ont également contraint certaines grandes surfaces à arrêter leurs collaborations avec des marques implantées dans les colonies israéliennes. L’interdiction décrétée par l’Arizona ne devrait donc pas peser sur la grande distribution, comme le confirme la fédération Comeos, qui représente le secteur du commerce et des services en Belgique. «Nous sommes en train d’interroger nos membres, mais jusqu’à présent, aucun ne semble vendre de produits issus de territoires occupés et ce depuis plusieurs années déjà, insiste la porte-parole, Lora Nivesse. S’il devait s’avérer que certains en vendent, ce serait sur un assortiment extrêmement limité. Nous ne prévoyons donc pas d’impact particulier.» En réalité, la majorité des produits visés par l’interdiction à venir sont commercialisés dans des enseignes spécialisées, comme les épiceries de cuisine du Moyen-Orient ou des revendeurs de vins casher.

Contacté, Colruyt Group confirme ne commercialiser aucun produit issu des colonies israéliennes. De son côté, Delhaize assure ne pas disposer de tels assortiments dans sa centrale de distribution, mais n’exclut pas leur livraison sporadique dans certains magasins locaux. «Mais cela concerne au maximum deux producteurs, actifs dans moins de dix magasins sur 809, insiste la porte-parole, Karima Ghozzi. Quoi qu’il en soit, nous appliquerons évidemment les directives gouvernementales.» Enfin, Carrefour Belgium n’était pas en mesure d’évaluer le nombre de produits potentiellement concernés par la mesure. Sur sa plateforme d’achats en ligne, l’enseigne propose toutefois plusieurs denrées alimentaires épinglées par des associations pro-palestiniennes comme émanant de colonies israéliennes illégales, telles que les barres de sésame de la marque Achva ou des dattes de la variété Medjoul. Des informations difficiles à vérifier de manière indépendante.

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