L’ancien vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI) était proposé comme administrateur indépendant chez Nyrstar, fleuron belge du zinc englué dans des procédures judiciaires suite à des soupçons de manipulation de cours. Le comité d’éthique de la banque ne s’était pas encore prononcé sur son cas.
Ce devait être une formalité. Ce mardi 24 juin, il était attendu que Kris Peeters, ex-ministre fédéral de l’emploi et de l’économie (2014-2019), ex-eurodéputé (CD&V) et, surtout, ex-vice-président de la Banque européenne d’investissement (BEI) entre 2021 et 2024, entre au conseil d’administration de Nyrstar, au terme de l’assemblée générale prévue ce jour-là. Une «pantouflage» qui a fait grincer quelques dents, l’entreprise étant considérée comme une coquille vide depuis que la multinationale Trafigura, basée à Singapour et en Suisse, en a pris le contrôle en 2019. Une opération sur laquelle planent des soupçons de manipulation de cours et de faux et usage de faux…
Situation connue
D’après nos informations, Kris Peeters aurait été mis au courant des procédures auxquelles Nyrstar est exposée. Sur le plan judiciaire, une enquête est toujours en cours, menée par le parquet d’Anvers, qui a diligenté des perquisitions chez Nyrstar fin 2024. Mais l’ancien ministre avait fait valoir sa volonté de siéger en toute indépendance, quitte à démissionner en cas de pression trop forte de l’actionnaire majoritaire.
«M. Kris Peeters a retiré sa candidature pour être nommé administrateur non exécutif indépendant de Nyrstar après réexamen de son ancien mandat à la Banque européenne d’investissement, dont M. Peeters a été vice-président entre 2021 et 2024.»
Du côté de la FSMA, le gendarme boursier belge, un long audit sur la prise de contrôle de Nyrstar par Trafigura avait accouché en 2022 d’une série de griefs, ce qui avait conduit l’institution à transmettre le dossier à la justice. Outre l’ancien CEO de Nyrstar Hilmar Rode, une brochette d’anciens (et parfois actuels) membres du conseil d’administration, tels Martyn Konig ou encore Carole Cable –qui quitte le conseil d’administration et que Kris Peeters devait remplacer– étaient eux aussi passibles d’une amende conséquente. Il est prévu que la FSMA se prononce prochainement sur leur cas.
Devoir de réserve
Finalement, Kris Peeters ne rejoindra pas Nyrstar, a annoncé l’entreprise ce jeudi, faisant état d’une décision prise par l’intéressé la veille au soir (le 18 juin), «après réexamen de son ancien mandat à la Banque européenne d’investissement, dont M. Peeters a été vice-président entre 2021 et 2024».
Quelques heures avant cette annonce, dans l’après-midi du 18 juin, Le Vif avait justement questionné la BEI sur une éventuelle décision du comité d’éthique concernant la nomination imminente de Kris Peeters au conseil d’administration de Nyrstar. En effet, alors qu’il a quitté son poste début 2024, M. Peeters devait théoriquement laisser passer une période de deux ans suite à son mandat auprès du principal «bras financier» de l’UE. Autrement, le comité d’éthique de la BEI peut rendre un avis et imposer certaines obligations visant à prévenir tout conflit d’intérêt.
Dans le cas présent, la BEI assure que «M. Peeters a effectivement informé le Comité d’éthique et de conformité de la BEI dans le cadre de ses obligations pendant la période de réflexion de deux ans suivant son départ», mais la banque n’avait pas encore rendu d’avis, ajoutant que «le Comité examinera cette demande en temps utile». La banque a par ailleurs précisé qu’elle n’est en affaires ni avec Nyrstar, ni avec Trafigura. Interrogée sur un éventuel échange avec son ancien vice-président suite à l’interpellation du Vif, la BEI confirme avoir reçu un message écrit de Kris Peeters lui demandant d’interrompre sa demande auprès du comité concernant sa candidature au conseil d’administration de Nyrstar. Mais que, en tout état de cause, aucun avis n’avait encore été rendu.
Un premier «pantouflage» embarrassant
Précédemment, le comité d’éthique s’était déjà prononcé sur un autre mandat de Kris Peeters, entré au conseil d’administration d’Aquafin, mastodonte spécialisé dans le traitement des eaux usées en Flandre, quelques mois seulement après que la BEI ait accordé un prêt de 200 millions d’euros à l’entreprise, en avril 2023. La «période de réflexion» de deux ans n’étant pas écoulée, Kris Peeters avait été enjoint de s’abstenir d’intervenir dans les dossiers concernant la BEI, au moins jusqu’à la fin de la période de «refroidissement» suite à son passage à la vice-présidence de la banque.
Du côté de Nyrstar, on fait savoir que l’on respecte le «choix personnel» de Kris Peeters et qu’il n’y aura pas d’autre commentaire.