La réforme des droits d’enregistrement, marquée par la baisse de 12,5 à 3% du taux pour l’acquisition d’une habitation propre et unique, a provoqué de vifs débats en commission du parlement wallon. Le ministre-président, Adrien Dolimont, évoqué un succès attendu», tandis que le PS dénonce des chiffres «faux».
La réforme des droits d’enregistrement, marquée par la baisse de 12,5 à 3% du taux en vigueur en cas d’achat d’une habitation unique et occupée par son propriétaire, «a majoritairement rencontré le succès attendu», a défendu le ministre-président wallon Adrien Dolimont, ce lundi, en commission du parlement wallon. Il y était interrogé par plusieurs députés de l’opposition qui n’ont pas manqué d’insister, à nouveau, sur les «effets pervers» de cette réforme, avec notamment une hausse marquée des prix de l’immobilier au sud du pays.
Ainsi, selon Statbel, le montant médian des transactions sur des maisons de type fermé ou demi-fermé (maisons mitoyennes ou trois façades) a connu une hausse de 12% au premier semestre de cette année par rapport à la même période un an plus tôt. Le baromètre des notaires, lui, fait état d’une augmentation, sur les neuf premiers mois de 2025, de 12,9% pour les maisons et de 5,8% pour les appartements, le tout en prix médians.
Immoweb et Realo plutôt que les notaires
S’il ne conteste pas ces chiffres, le ministre-président wallon en a avancé d’autres, basés sur le modèle qu’utilisent Immoweb et Realo –le partenaire de la Flandre pour l’estimation du prix des biens–, «deux organisations qui disposent d’une quantité importante de données, presque aussi complète que les notaires et plus précises quant à la nature des biens».
«Immoweb a récemment diffusé publiquement des statistiques sur l’évolution des prix au cours des trois premiers trimestres de l’année, mais en se basant sur une méthode hédonique qui leur permet de suivre l’évolution d’un même bien dans le temps. Selon cette source, la hausse réelle des prix des biens mêmes serait de 3,8% pour une maison en Wallonie et de 3,5% pour l’ensemble des maisons et appartements sur les neuf premiers mois de cette année», a indiqué Adrien Dolimont.
Quant à Realo, «son récent rapport constate une augmentation de 2,99% en Wallonie contre 2,80% en Flandre et 2,82% au niveau national, soit une différence minime. La voilà la réalité que vous ne voulez pas voir», a-t-il ajouté en soulignant également «le rebond important du nombre de transactions en Wallonie au premier semestre et qui s’est encore poursuivi au troisième trimestre».
Plus de transactions
D’après les chiffres de Statbel, le nombre de transactions a en effet augmenté en Wallonie de 23% au deuxième trimestre 2025 par rapport au même trimestre un an plus tôt; le baromètre des notaires évoquant pour sa part une progression de 17,2% au cours des neuf premiers mois de cette année.
«A noter que près de la moitié des transactions pour l’achat d’une maison sont effectuées par des jeunes acheteurs selon ce baromètre et près de quatre sur dix pour des appartements. Plus précisément pour les plus jeunes d’entre eux, la part des 18-25 ans représente 22% des opérations pour les maisons et 16% des opérations pour les appartements sur les trois premiers trimestres 2025, alors qu’ils ne représentaient respectivement que 8% et 6% en 2021», s’est encore félicité Adrien Dolimont.
«Ce dynamisme du marché immobilier wallon est par ailleurs confirmé par les dernières informations en provenance du secteur du crédit», la fédération sectorielle Febelfin relevant dans son dernier rapport «un redressement conséquent, et qui se poursuit, du marché des emprunts destinés à l’achat».
«Ce constat est important car il témoigne que la mesure, en permettant notamment de provisionner moins de fonds propres, a aussi favorisé l’accès au crédit, ce qui, pour l’immense majorité de nos concitoyens, reste la condition essentielle de l’accès à la propriété», a poursuivi le libéral.
Un prix toujours inférieur en Wallonie
«L’analyse de l’effet de notre réforme sur le prix de l’immobilier en Wallonie (NDLR: où les prix restent quoi qu’il en soit inférieurs à ceux constatés dans les deux autres régions du pays) doit être nuancée. Et il doit être rapporté aux effets positifs observés sur le dynamisme du marché, notamment pour les plus jeunes», a-t-il résumé.
Enfin, «s’il devait apparaître à la suite d’une évaluation plus poussée, qui ne pourrait de toute façon pas être réalisée avant de disposer de suffisamment de recul, que des adaptations s’avèrent nécessaires, tant pour des raisons budgétaires que pour limiter des abus éventuels non identifiés actuellement, le gouvernement se penchera sur la question. Mais à ce stade, ce n’est pas à l’ordre du jour», a conclu le ministre-président.
«Ces chiffres sont faux», fustige le PS
«Après le ministre Clarinval et sa confusion entre « étrangers » et « Belges d’origine étrangère », c’est désormais le ministre-président wallon qui s’essaie à la désinformation statistique. Pour faire croire que sa réforme des droits d’enregistrement donne des résultats, il invente une explosion des achats immobiliers chez les jeunes. Problème: ces chiffres sont faux!», assènent ainsi les socialistes dans un communiqué.
Ces derniers s’appuient sur le baromètre des notaires. Selon celui-ci, «la part des achats de maisons et d’appartements, en Wallonie, par tranche d’âge, entre 2021 et 2025 (première année d’application de la réforme) est assez stable, tant pour les maisons que pour les appartements, loin du boum immobilier chez les plus jeunes présenté par le ministre-président comme un des premiers résultats tangibles de sa réforme», rapporte le PS.
«Les données de ce baromètre montrent une stabilité dans la répartition des acheteurs, par tranche d’âge, entre 2024 et 2025, voire même un recul pour la tranche 18-25 ans. Aucune progression, donc, ni aucun effet visible de la réforme sur le public des 18-25 ans prétendument ciblé. Même stabilité pour la tranche des 25-35 ans. Et même stabilité pour les autres tranches d’ailleurs», ajoute le parti en pointant, parallèlement, la hausse des prix de l’immobilier et «le trou budgétaire de 245 millions d’euros» causés par cette réforme.
«Il n’est pas trop tard pour recalibrer cette réforme. Gérer en ingénieur, c’est aussi pouvoir reconnaître que l’on s’est trompé, et ne pas insister dans une politique qui ne fonctionne pas. Nous appelons donc le ministre-président à revoir sa copie et à proposer une réforme mieux ciblée et plus efficace», conclut le député Christophe Collignon.
MISE À JOUR (19h)
Interpellé par le député socialiste Christophe Collignon sur les chiffres du baromètre des notaires, Adrien Dolimont a corrigé ses propos. «Je veux être honnête intellectuellement. Il y a bien une erreur d’interprétation dans notre chef. La présentation du baromètre n’est pas correcte», a-t-il dit.
«Je veux ramener la sérénité dans le débat. Sur cet élément-là, vous avez raison. Mais ça n’enlève rien au reste de l’argumentaire qui a été développé», a ajouté le libéral.