immobilier flamands
Les achats immobiliers de résidents flamands en Wallonie, et inversement, mettent en évidence les communes les plus recherchées par-delà la frontière linguistique. © Belga

Les acheteurs flamands adorent l’Ardenne et cette commune du Hainaut: voici les lieux prisés pour l’immobilier (carte)

Thomas Bernard
Thomas Bernard Journaliste et éditeur multimédia au Vif

Les achats immobiliers «transrégionaux» peuvent avoir un impact important dans certaines communes, avec jusqu’à 50% de transactions d’acheteurs d’une autre région. Les Flamands préfèrent l’Ardenne, la Côte attire quelques francophones et les échanges sont plus marqués le long de la frontière linguistique. Le point en deux cartes.

Une seconde résidence à Marbella ou à Vresse-sur-Semois? Pour certains acheteurs belges, la balance penche du côté de la seconde option. Dans cette petite commune de 2.500 âmes, aux tréfonds de la province namuroise, douze villages et hameaux se rencontrent au fil de l’eau, dans un décor naturel préservé où il fait bon flâner.

C’est sans doute ce cadre de vie qui attire les amateurs de seconde résidence, flamands notamment. Au cours des six premiers mois de l’année, 38% des maisons achetées à Vresse-sur-Semois l’ont été par des résidents provenant de Flandre, détaille la Fédération des notaires dans son dernier baromètre. En 2020 et 2021, ce chiffre grimpait même à plus de 70%. Derrière les masques buccaux, le Covid a visiblement donné des envies d’air frais et de nature aux acheteurs.

Ces secondes résidences, ainsi que la multiplication des gîtes à Vresse, exercent une pression sur le marché immobilier et entraînent une diminution du nombre d’habitants permanents. Les jeunes s’installent ailleurs, la population vieillit et la commune se dépeuple petit à petit. Un casse-tête pour les élus locaux. Une preuve aussi que le marché immobilier cache d’autres phénomènes, avec des conséquences directes et concrètes sur la vie quotidienne.

L’immobilier se joue de la frontière linguistique

D’autres communes ardennaises aiguisent les appétits immobiliers flamands. Autour de Durbuy, Rendeux ou La Roche-en-Ardenne, notamment. Mais elles ne sont pas les seules. Le long de la frontière linguistique, les échanges sont également plus marqués. Si les Wallons semblent passer plus facilement au nord de la province de Liège, dans le Limbourg, les Flamands choisissent, eux, de descendre davantage dans le Hainaut.

Flobecq ou Ellezelles concentrent ainsi autour d’un tiers d’achats immobiliers par des résidents néerlandophones, mais c’est surtout à Mont-de-l’Enclus que le nombre détonne: chaque année, entre 2021 et 2024, autour de 50% des biens immobiliers y ont été achetés par des Flamands. Le premier semestre de 2025 confirme la tendance, avec 44% des maisons et appartements vendus à des acheteurs résidant en Flandre.

«Les prix jouent évidemment un rôle important dans ce choix. La Flandre est chère et il n’y a pas autant de terrains disponibles, commente Christel Verschuere (MR), première échevine, en charge notamment de l’urbanisme. Mais les gens qui s’installent ici cherchent aussi un certain cadre de vie, au calme. Ils apprécient la mentalité, l’environnement et c’est moins densément peuplé que dans certaines communes flamandes proches d’ici.»

L’influence de l’histoire belge

La proximité géographique de Mont-de-l’Enclus avec la Flandre offre aussi toutes les facilités nécessaires aux néerlandophones, tant au niveau de l’enseignement, avec des écoles et établissements pour les plus petits, que pour le travail, avec des zonings importants, à Courtrai notamment.

Mais il y a aussi une raison tout simplement historique au phénomène. «Nous sommes en Wallonie aujourd’hui, mais la commune était située en Flandre avant 1963, lors du tracé de la frontière linguistique. La présence néerlandophone n’a donc rien de vraiment neuf, elle poursuit des échanges qui ont toujours existé dans cette région», précise encore l’échevine.

Le faible nombre d’habitants de la commune, moins de 4.000, joue également sur les chiffres de l’immobilier. Un très petit nombre de transactions «flamandes» permet de peser sur la moyenne rapidement, alors que le même chiffre se retrouvera complètement dilué là où le marché immobilier est plus volumineux.

Moins de Wallons choisissent la mer

Les Wallons influencent à la marge le marché immobilier flamand, les chiffres sont globalement plus faibles. «Autant l’attrait des acheteurs flamands pour la Wallonie, et l’Ardenne en particulier, est bien connu, autant l’acheteur wallon cherche peu en Flandre, observe Sophie Maquet, notaire à Bruxelles. La période Covid a entraîné des achats à la Côte ou en Ardenne, à une époque où les voyages à l’étranger étaient impossibles, mais cela appartient désormais au passé. Et plus globalement, la génération des acheteurs wallons qui voulaient un appartement à la mer pour les vacances est bel et bien passée.»

Seule La Panne, où les prix sont parmi les plus faibles le long du littoral, affiche encore un certain taux marqué (20% d’achats par des résidents wallons), suivie par sa voisine Coxyde (13,5%) et enfin Knokke (5%). «Cette dernière ne joue clairement pas dans la même catégorie, c’est un monde et un marché à part, pour une clientèle extrêmement huppée. A l’autre extrémité de la Côte, il ne faut pas oublier, outre les prix, que La Panne et Coxyde sont proches de la frontière française. Cela peut avoir une influence lorsqu’on évoque des acheteurs francophones», poursuit la notaire.

Facilité et proximité

Pour trouver davantage de Wallons achetant en Flandre, il faut notamment regarder dans le sud de la province de Flandre-Occidentale, à Mesen (Messines en français) et Spiere-Helkijn (Espierres-Helchin), respectivement 1.000 et 2.000 habitants. Deux communes à facilités linguistiques pour les francophones, ce qui explique sans doute cet attrait plus évident, où un tiers des achats immobiliers sont le fait de résidents wallons. L’étroitesse du marché immobilier y fait évidemment grimper plus rapidement cette moyenne. Idem à Herstappe, plus petite commune du pays avec sa septantaine d’âmes, qui affiche une moyenne élevée mais où un seul achat peut tout faire basculer.

A l’exclusion de ces (très) petites communes, un autre mouvement s’observe, au sud du Limbourg. Notamment dans les Fourons (Voeren), historiquement rattachés à la Flandre depuis 1963, mais très francophones. Des échanges qui se produisent aussi à Gingelom, Heers ou Riemst, le long de la frontière linguistique et qui étonnent peu, puisque cela permet de changer de cadre, tout en étant proche géographiquement de l’autre région.

Ces acheteurs venus d’une autre région du pays peuvent-ils aussi influencer le prix des maisons et appartements? Oui, estime Sophie Maquet, même si l’explication doit être nuancée. «Cela ajoute probablement des acheteurs supplémentaires sur le marché, et les Flamands sont globalement plus aisés, ce qui peut pousser les prix vers le haut. Mais ce qui compte en premier lieu, cela reste la rareté. Un certain type de bien, une situation, un environnement: si tout cela se déniche difficilement dans un coin, ce sera forcément plus cher.»

Un constat qui vaut sans doute autant à Durbuy qu’à Knokke, peu importe la langue de l’acheteur.

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