En Wallonie, la lutte contre l’humidité s’impose comme une priorité dans les rénovations, selon les chiffres d’une récente étude. Cette tendance s’explique par plusieurs facteurs.
Deux régions, deux dynamiques opposées. D’après les derniers chiffres de la plateforme de comparaison de devis Bobex, qui centralise chaque année plusieurs dizaines de milliers de demandes, les ménages flamands investissent massivement dans une climatisation et/ou le renforcement de la performance énergétique des bâtiments, tandis qu’en Wallonie, de nombreux propriétaires privilégient la lutte contre l’humidité. En chiffres, Bobex a observé une progression de 38% des demandes de ce type sur les sept derniers mois. Bruxelles suit la même tendance avec une augmentation de 27%, contre une diminution de 48% au nord du pays.
«Même par le passé, la Wallonie enregistrait déjà plus de demandes qu’en Flandre», affirme Jean-Louis Van Marcke, CEO du comparateur, qui épingle trois facteurs explicatifs. Le premier: le climat. Plus précisément, la pluie et la pénombre, davantage présentes au sud par rapport au nord. «Le relief joue un rôle déterminant dans la répartition des précipitations sur notre territoire, avec des pluies plus abondantes sur les hauteurs, dans les Ardennes, ainsi que sur le plateau de Croix-Scaille près de Namur, notamment», note Pascal Mormal, météorologue à l’IRM. Quant à l’ensoleillement, la différence s’établit à «près de 20% entre la Côte et les hauteurs ardennaises».
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Deuxième élément d’explication: «Le parc immobilier wallon est plus ancien que le flamand», détaille Jean-Louis Van Marcke. En Wallonie, 37% des bâtiments ont plus de 100 ans, contre 11% en Flandre, où près de 34% des bâtiments ont été construits après 1981, contre 23% en Wallonie et seulement 7% en Région de Bruxelles-Capitale, note Statbel.
Or, les constructions anciennes se révèlent beaucoup plus vulnérables à l’humidité. Parmi les formes les plus répandues figure l’humidité ascensionnelle: l’eau s’infiltre dans les parois depuis le sol et remonte progressivement par capillarité. Les bâtiments anciens ne sont généralement pas équipés de membranes d’étanchéité au pied des murs. De plus, les maçonneries d’époque sont rarement étanches: l’eau de pluie ou la neige peut plus facilement s’infiltrer à travers des matériaux souvent plus poreux.
Travaux contre l’humidité: l’effet des primes
«La raison essentielle de cette augmentation de 38% en Wallonie est celle des primes», appuie le CEO de la plateforme comparative. Le climat et l’ancienneté des bâtiments expliquent une tendance de fond, mais ce sont les primes qui en ont provoqué l’accélération récente. Les montants des primes à la rénovation, y compris celles pour le traitement de l’humidité, ont été augmentés en Wallonie en juillet 2023 avant d’être revus à la baisse le 13 février dernier. «Bobex a enregistré une augmentation significative des demandes liées à l’humidité –mais également au démoussage ou à l’isolation– fin 2024 et début 2025, juste avant la réforme», explique le CEO de Bobex. Depuis, le secteur constate globalement un ralentissement net.
En juin dernier, Embuild Wallonie tirait la sonnette d’alarme: «72% des entreprises de rénovation constatent une baisse de la demande depuis la réforme, et 66% parlent même d’une baisse “significative”». D’autres chiffres évocateurs: 24% des clients ont annulé leur projet, 37% l’ont revu à la baisse et 21% l’ont reporté.
La Région wallonne, de son côté, justifie sa réforme par le coût élevé du système –près d’un milliard d’euros à l’horizon 2026– et le fait qu’il ne donnait pas les résultats attendus. Une nouvelle mouture est sur les rails pour octobre 2026.
Des objectifs énergétiques en suspens
Ce coup de frein inquiète le secteur de la construction, qui y voit un ralentissement notamment des objectifs climatiques et énergétiques de la Région pour 2050. Une inquiétude qui fait écho à cet autre constat de l’étude de Bobex: les demandes d’audits énergétiques sont en baisse de 12%, contrairement à la Flandre qui enregistre une hausse spectaculaire de 397% sur ces sept derniers mois. Une dynamique portée en partie par le pacte de rénovation 2050 du gouvernement flamand, qui vise à ce que tous les logements obtiennent un label PEB A, synonyme d’efficacité énergétique, d’ici 2050.
La Wallonie affiche pourtant de son côté la même ambition mais peine à avancer: «Jusqu’ici, moins d’un pour cent du parc était rénové chaque année, alors qu’il faudrait tripler ce rythme», souligne la ministre wallonne de l’Energie Cécile Neven (MR). Et d’ajouter: «Le fait d’auditer fera partie intégrante du futur système de soutien à la rénovation.»
Si la Flandre mise pour le moment sur l’efficacité énergétique, la Wallonie insiste sur la nécessité d’une approche plus globale. «La rénovation ne peut pas se limiter à la performance énergétique, insiste Cécile Neven. Elle doit aussi répondre aux enjeux de salubrité et de santé publique. L’humidité, qui dégrade l’air intérieur et fragilise la santé des occupants, en est un exemple concret. Notre politique vise donc des logements sains, performants et durables, sans opposer lutte contre l’insalubrité et transition énergétique: ce sont deux volets d’une même stratégie.» La réforme prévue en 2026 sera-t-elle à la hauteur de ce double défi?