La TVA chute à 6% pour les particuliers qui souhaitent démolir et reconstruire leur maison. © BELGA/BELPRESS

La TVA sur la démolition et construction d’un bien immo passe à 6%: «On fait plaisir au secteur, mais pas aux gens»

Sylvain Anciaux

L’Arizona a acté l’abattement de la TVA à 6% pour les chantiers de démolition et de construction d’une maison. Le secteur du bâtiment se réjouit, les experts environnementaux beaucoup moins.

Le gouvernement fédéral a entériné, et même élargi, la réduction de la TVA à 6% pour les chantiers de démolition et reconstruction de biens immobiliers. La mesure instaurée début 2024 venait à son terme au 1er juillet 2025, mais cette prolongation comprend une période de tolérance ce qui permet d’éviter quelques semaines de flottement entre le 1er juillet et son inscription prochaine au Moniteur belge. Selon le ministre des Finances, Jan Jambon (N-VA), les foyers économiseront en moyenne 48.000 euros par chantier.

Auparavant réservée aux particuliers, «les promoteurs qui feront des démolitions et reconstructions totales avant de vendre à un particulier pourront calculer un taux de TVA à 6% sur les travaux lors de la vente au client», se réjouit Sven Nouten, porte-parole d’Embuild, l’association belge de la construction. Quel sera l’impact de cet abattement fiscal sur le marché? «Il est encore trop tôt pour le dire, car nous n’avons pas encore pu constater les conséquences de la mesure temporaire en vigueur depuis un an. Mais une baisse de la TVA a toujours un impact positif sur les chantiers de démolition et construction.»

C’est là que la stratégie prend un tournant plus politique et devient une question d’arbitrage. «La démolition de bâtiment engendre un coût environnemental considérable à cause des déchets qu’elle produit, avertit Aurélie Cauchie, chargée de missions « Territoire » pour Canopea, fédération des associations environnementales belges. Pourtant, quand on casse une maison, il est possible de prévoir ce qui est récupérable en vérifiant la qualité des briques ou des poutres, par exemple, que l’on peut remettre sur le marché. D’un déchet, on crée donc de la ressource. Là, la TVA réduite a du sens.» Canopea regrette donc forcément l’occasion manquée de créer une filière de recyclage de matériaux de construction, porteuse d’emplois non-délocalisables, tout cela alors que «la construction neuve est très gourmande en ressources naturelles, là où la rénovation est forcément moins impactante pour le milieu». A l’échelle mondiale, le ciment représente 7% des émissions de CO2.

75.000 logements en plus par an

Federia, la fédération belge des agents immobiliers, voit pour sa part une bonne nouvelle dans la mesure. «Il est difficile de prédire si cela va faire augmenter les ventes de maisons à détruire, mais c’est nécessaire de garder des incitants en vue de permettre à chacun d’accéder plus facilement à la propriété», se réjouit sa directrice générale, Charlotte De Thaye. Introduite il y a près d’un an également, la baisse des droits d’enregistrement (à 3% au lieu de 12%) a pourtant induit une augmentation des prix de vente des maisons. «Il n’y aura pas d’augmentation des prix suite à cette mesure, assure Sven Nouten. Il n’est pas impossible que les prix augmentent cependant, mais c’est une conséquence de la crise géopolitique qui fait grimper les coûts des matériaux.»

Surtout, selon le porte-parole d’Embuild, ce renforcement du secteur de la construction facilitera la tâche à la Belgique qui doit moderniser et densifier son bâti. «On a besoin de 75.000 logements supplémentaires par an sur l’ensemble du territoire. Cette massification ne pourra passer que par les promoteurs immobiliers. (…) Il faudra se concentrer sur les maisons qui datent d’avant les années 1980, et donc avant les normes énergétiques, ce qui représente 75% du bâti. Les promoteurs sont les seuls acteurs qui peuvent démolir ces maisons qui sont souvent sur des grands terrains pour y bâtir deux ou trois autres. En ville, on pourra construire des bâtiment plus élevés.»

«On n’a pas besoin de détruire pour reconstruire. 80% des maisons sont unifamiliales et 60% d’entre-elles sont sous-occupées.»

Là encore, Canopea y voit une analyse plus économique (et opportuniste) qu’autre chose, et plaide pour une gestion plus raisonnée du territoire. «On n’a pas besoin de détruire pour reconstruire, assène Aurélie Cauchie. La Wallonie est une des régions d’Europe où les maisons et les terrains sont les plus grands. 80% des maisons sont unifamiliales et 60% d’entre-elles sont sous-occupées, c’est-à-dire qu’il y a trop peu d’habitants pour sa capacité.» Il est donc l’heure d’exploiter les espaces différemment, soutient elle, avec des réorganisations des terrains et des maisons (via des annexes, par exemple). Des études ont démontré que cette stratégie permettrait de répondre à 100% des demandes en logement d’ici 2070. «Quand on regarde la réforme des primes à la rénovation du gouvernement wallon, on se rend compte que le politique fait surtout plaisir au secteur, mais il ne s’occupe pas des besoins des gens.»

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