Malgré des frais d’entrée onéreux, l’investissement dans l’immobilier peut s’avérer plus rentable à long terme qu’un placement en bourse, pointe une étude d’Immoweb. A condition, notamment, que le ratio entre les revenus locatifs et le prix d’achat initial soit suffisamment avantageux. Ce qui est loin d’être le cas dans toutes les communes belges.
C’est un dilemme de nantis, mais un dilemme quand même. Maxence (1), qui fêtera ses 30 ans en décembre prochain, passe l’essentiel de ses nuits à tergiverser. Doit-il investir son petit bas de laine dans un appartement une chambre ou plutôt le placer en Bourse? Alors que les taux des crédits hypothécaires flirtent actuellement avec les 3,5%, soit leur plus haut niveau depuis fin 2023, l’option «brique» a de quoi rebuter le Bruxellois. Mais dans le même temps, les loyers n’ont jamais été si élevés dans la capitale, entretenant la perspective de revenus locatifs plutôt lucratifs.
Pour aider Maxence (et tous les autres indécis) à trancher, Immoweb publie ce jeudi un comparatif des performances des investissements immobiliers et boursiers à long terme. Concrètement, la plateforme spécialisée a analysé l’évolution de ces deux placements sur les 25 dernières années, en prenant le BEL 20 (2) comme référence pour le marché boursier belge. Les calculs se basent sur un investissement de 60.000 euros, qui correspondent à l’apport initial pour l’acquisition du bien immobilier, le reste étant financé par un crédit hypothécaire de 20 ans au taux d’intérêt moyen de 3,5 %, prenant en compte les conditions d’achat et de financement actuelles. Immoweb considère que le bien est loué dès l’acquisition, de sorte que les loyers perçus contribuent immédiatement au remboursement du crédit. Comme le comparatif couvre une période de 25 ans, les cinq dernières correspondent à la période post-crédit, durant laquelle les revenus locatifs continuent d’être encaissés.
Phase de récupération
Au total, 30 communes ont été étudiées, dans les trois Régions du pays. Les calculs intègrent l’évolution historique des prix de vente et des loyers propres à chacune, mettant ainsi en évidence les différences de performance immobilière selon la localisation. Il en ressort des conclusions plutôt nuancées: au terme des 25 ans, l’investissement immobilier a finalement généré davantage de richesse que le placement boursier équivalent dans un peu plus de la moité des communes analysées (17 sur 30). En moyenne, il a fallu 18 ans et deux mois pour que l’immobilier comble l’écart et rejoigne la richesse générée par le Bel 20 dans ces 17 communes.
Si l’investissement immobilier n’est pas toujours le plus avantageux, c’est avant tout car il exige des frais d’entrée particulièrement élevés en Belgique. A commencer par les droits d’enregistrement. «Dans le cas présent, l’acquéreur achète un bien pour le louer, rappelle Jonathan Frisch, économiste chez Immoweb. Il ne peut donc pas bénéficier des abattements ou réductions (de 2% ou 3%) réservés aux occupations personnelles et uniques.» Les frais d’enregistrement s’élèvent donc à douze ou 12,5% du prix du bien, auxquels il faut encore ajouter des frais de notaire. Au total, les frais d’entrée s’élèvent à près de 15% du prix d’achat. Or, contrairement à la Bourse, où presque chaque euro investi peut générer un rendement dès le premier jour, ces frais n’augmentent pas la valeur du patrimoine. «Du côté de l’immobilier, il y a donc d’abord une phase de récupération de ces frais initiaux, que nous avons estimée à quatre ans et sept mois en moyenne.»
Bruxelles, valeur sûre
Cela étant, l’étude démontre que «l’immobilier reste un placement attractif à long terme, malgré ces frais et des taux d’intérêt aujourd’hui plus élevés qu’avant 2022», insiste Jonathan Frisch. Au terme des 25 ans, la richesse accumulée grâce à l’immobilier atteint en moyenne 395.348 euros dans les communes où il surpasse le BEL 20, soit 15% de plus que l’investissement boursier équivalent. Dans les communes où l’immobilier n’a pas dépassé la performance du BEL 20, le patrimoine reste néanmoins important (331.619 euros en moyenne), mais environ 17% de moins que celui généré par l’indice boursier.
C’est notamment à Bruxelles que l’investissement dans la brique s’avère le plus rentable. Ainsi, sur les 19 communes que compte la capitale, quatorze affichent un rendement immobilier supérieur au placement boursier à long terme. Certaines communes comme Saint-Josse, Schaerbeek, Anderlecht ou Koekelberg se distinguent d’ailleurs par leur rapidité à «rattraper» le BEL 20. Bien que les loyers attendus y soient généralement plus bas, les prix plus accessibles permettent néanmoins d’obtenir une bonne rentabilité. Ainsi, à Schaerbeek, il faut à peine treize ans et huit mois pour que la brique dépasse la Bourse. Saint-Josse fait encore mieux (treize ans et cinq mois). «C’est une commune particulière, qui affiche des biens peu chers à l’achat, mais qui bénéficient de la proximité des institutions européennes, ce qui fait gonfler le prix de ses loyers», explique Jonathan Frisch.
Anvers en tête
Outre le ratio entre le loyer et le prix d’acquisition, facteur primordial dans la rentabilité d’un investissement immobilier, le potentiel d’accroissement de ces deux données joue également fortement sur le rendement potentiel d’un bien. «Pour ce faire, comme on ne peut pas prédire le futur, on s’est basé sur l’évolution historique du prix des biens et des loyers dans chacune des communes, explique Jonathan Frisch. Dans celles où cette croissance a été particulièrement élevée ces dernières années, les propriétaires peuvent s’attendre à une plus-value très intéressante.» Ainsi, la ville d’Anvers, qui se distingue par la plus forte croissance historique des prix parmi les communes étudiées (3,7% par an), détient la palme de la plus grande rentabilité. Il y faut à peine onze ans et six mois pour que les bénéfices de l’investissement immobilier surpassent ceux d’un placement boursier. Par contre, dans les cinq autres villes flamandes étudiées (Hasselt, Gand, Bruges, Ostende et Louvain), l’investissement immobilier ne parvient pas à égaler la bourse au cours des 25 années.
Même constat dans les communes cossues de la capitale (Uccle, Watermael-Boitsfort, Woluwe-Saint-Pierre et Woluwe-Saint-Lambert), où l’investissement dans la brique ne détrône pas la Bourse au terme des 25 ans. «Les prix d’acquisition très élevés affichés dans ces communes pénalisent un peu le rendement, observe l’économiste d’Immoweb. La croissance des prix des biens et des loyers y est également inférieure à la moyenne bruxelloise ces dernières années, car ce sont des communes qui sont prisées depuis bien plus longtemps qu’à Saint-Josse, par exemple. Les prix y atteignent donc un certain plafond, ce qui signifie que le potentiel d’accroissement du patrimoine à long terme y est inférieur à celui observé ailleurs.»
«Effet levier» du crédit hypothécaire
En Wallonie, seule la ville de Liège tire vaille que vaille son épingle du jeu. Dans la Cité ardente, il faut en moyenne 23 ans et cinq mois pour que l’investissement immobilier soit plus rentable qu’un placement boursier. Les villes de Namur, Mons ou Charleroi n’y parviennent pas. «A Charleroi, les prix des biens sont particulièrement accessibles, ce qui est intéressant pour un investisseur aux moyens limités», analyse Jonathan Frisch. Avec un budget initial de 60.000 euros, et après déduction des frais d’enregistrement et de notaire, il pourra financer près de 47% d’un appartement de 60 m². Cela réduira le montant de son prêt, et permettra ainsi de générer un cash-flow positif (revenus locatifs supérieurs aux mensualités de crédit) dès le premier jour. «Mais ça ne veut pas dire que ce sera intéressant à long terme, car la plus-value sur le bien y sera finalement très limitée.»
Or, dans le cas de l’achat d’un bien plus onéreux, l’acquéreur pourra bénéficier de l’«effet levier» du crédit hypothécaire, qui octroira à terme une valeur ajoutée absolue plus importante. «Avec les mêmes 60.000 euros investis initialement, l’acquéreur pourra obtenir un bien à 300.000 ou 400.000 euros, note Jonathan Frisch. Et ainsi bénéficier d’une plus-value sur l’ensemble de la valeur du bien, démultipliant le rendement de l’apport initial.»
Bref, pour un rendement intéressant, il ne suffit pas de regarder le prix d’achat en se disant «je vais faire une bonne affaire», insiste l’économiste d’Immoweb. Le ratio loyer/prix, ainsi que leur potentiel d’accroissement, sont des facteurs-clés à prendre en compte avant tout investissement. Enfin, mieux vaut garder un œil sur les réglementations à venir. L’interdiction d’indexation des loyers pour les biens aux performances énergétiques médiocres, voire l’interdiction totale de leur mise en location dans le futur, pourraient bien rebattre les cartes.
(1) Prénom d’emprunt.
(2) A côté de l’évolution du cours de Bourse, le BEL 20 distribue également des dividendes. Pour refléter plus fidèlement la performance totale d’un investissement, Immoweb a calculé les rendements en utilisant le BEL 20 GR, un indice qui inclut l’impact des dividendes en simulant leur réinvestissement.