Bien moins énergivores par temps froid, les logements bien isolés ont eux aussi tendance à surchauffer quand les températures grimpent. Avant d’envisager une climatisation, d’autres étapes aident à limiter le phénomène.
Largement axée sur la réduction des besoins en chaleur, l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments (PEB) a sous-estimé un problème dont le secteur de la construction parlait peu il y a encore 20 ans: la surchauffe des bâtiments lors des vagues de chaleur. De plus en plus fréquentes, comme l’attestent les données historiques de l’IRM, celles-ci peuvent générer un inconfort nuit et jour dans les habitations, voire s’avérer mortelles pour les personnes à la santé fragile. Les probabilités que la chaleur s’engouffre dans un logement augmentent à mesure que les journées chaudes se succèdent et que les températures nocturnes demeurent elles aussi élevées.
En France, la réglementation énergétique 2020 (RE2020), imposant une série de normes aux logements neufs depuis 2022, a suscité la polémique pour cette raison. Afin de limiter leur «impact carbone», les habitations dotées d’une climatisation mécanique doivent souvent compenser le surplus de consommation d’électricité qui en résulte par des efforts plus onéreux sur d’autres postes: une pompe à chaleur plus performante, un meilleur isolant, des protections solaires… Cela a conduit des promoteurs ou propriétaires à ne pas déclarer la présence bien réelle d’une climatisation, pour rentrer dans les seuils définis dans la RE2020.
«Tout est à repenser dans cette norme qui manque totalement de pragmatisme, critiquait récemment le professeur Damien Ernst (ULiège), dans une interview au média français conservateur Atlantico. Elle conduit à la création de logements trop chers, invivables en été, et je m’inquiète aussi de leur durabilité.» Il pointe par ailleurs l’aberration d’une telle pénalité pour les solutions de climatisation, celles-ci fonctionnant surtout lorsque la production photovoltaïque, largement décarbonée, est abondante.
Les châssis fixes, «une très mauvaise idée»
En Belgique, rien de tel à ce stade, si ce n’est que la priorité accordée à l’isolation des logements a longtemps éclipsé la problématique de la surchauffe estivale. Comment la limiter? «La première chose, c’est de faire en sorte que la température ne monte pas dans l’habitation, expose Xavier Loncour, valorisation manager chez Buildwise, le Centre d’innovation du secteur de la construction. Car une fois que c’est le cas, il sera effectivement plus difficile de rafraîchir un bâtiment bien isolé.» Certains choix de conception n’aident pas à enrayer le phénomène. «Dans les bâtiments modernes, il y a cette mode d’installer de grands châssis fixes, souvent orientés vers le sud et dépourvus de protections solaires extérieures; c’est une très mauvaise idée», souligne l’expert. D’une part, ces châssis exposés en plein soleil accentuent le réchauffement du logement. De l’autre, ils ne peuvent contribuer à la solution la plus simple, à savoir ouvrir grand les fenêtres pendant la nuit. «En Belgique, le nombre de nuits tropicales reste encore limité pour le moment», poursuit Xavier Loncour.
Il serait faux de conclure que l’isolation est une alliée de la surchauffe. Dans les maisons peu ou mal isolées, la chaleur s’engouffre d’autant plus vite à l’intérieur. Principalement par le toit et par les fenêtres, et enfin par les murs. «Une isolation performante de la toiture est certainement un must quand on aménage des chambres dans les combles, à défaut de quoi, en été, vous avez véritablement un radiateur au-dessus de votre tête», relate l’expert de Buildwise. A côté des bons comportements, comme l’aération nocturne, il convient de limiter au maximum l’exposition directe au soleil. Les locaux orientés vers l’ouest sont eux aussi sensibles, du fait des rayons rasants de la fin de journée. Sur les pans concernés, il faut accorder une priorité à l’ombrage sous différentes formes: pergolas, débordements de toiture et bien sûr, les arbres.
Protéger ses fenêtres
Ensuite, il faut agir au niveau des fenêtres, et plutôt par l’extérieur. Dans le secteur de la construction, le facteur solaire (g), exprimé en pourcent, indique la proportion de l’énergie solaire qui rentre à travers une fenêtre. «Sur 100 watts à l’extérieur, un double vitrage classique en laisse rentrer 75 à l’intérieur, résume Xavier Loncour. Avec un store intérieur, vous passez à 50. Mais surtout, avec une protection solaire extérieure, vous réduisez d’un facteur 6 à 7 en passant de 75 à onze watts.» Si l’idéal consiste à installer des stores ou volets extérieurs automatiques, une telle solution coûte assez cher, concède Buildwise. Sur les logements déjà dotés de bon vieux volets, particulièrement efficaces, le centre d’innovation préconise de les garder. Si ce n’est pas le cas, il existe aussi des stores extérieurs à ventouses, moins robustes mais bien plus abordables que les modèles fixes.
Presque standards dans l’Europe du sud, les ventilateurs plafonniers ne refroidissent pas un logement, mais ont le mérite de faire baisser la température ressentie. A la différence des climatiseurs ambulants, «cela ne coûte quasiment rien, ne nécessite quasi aucun travaux et beaucoup de modèles ne font aucun bruit», suggère Xavier Loncour. Dans certains logements, il est toutefois vrai que cet arsenal de solution ne suffira pas à garantir le confort lors des périodes les plus chaudes. «Quand vous avez un plancher en bois, une ou deux fenêtres de toiture, même en isolant bien et en protégeant les fenêtres, il n’est pas facile de maintenir la pièce fraîche. Dans certains cas, il n’y a rien de tabou à placer du refroidissement. Une fois toutes les mesures passives prises, la puissance nécessaire sera limitée et des systèmes performants existent.»
De meilleurs isolants?
Dans la panoplie des isolants que propose le secteur de la construction, les matériaux biosourcés limitent-ils davantage le phénomène de surchauffe? «Dans les faits, c’est peanuts; les gains éventuels ne sont pas perceptibles, avance l’expert de Buildwise, en s’appuyant sur les études qu’effectue le centre d’expertise. Dans un local situé en dessous d’une toiture bien isolée, la chaleur rentrera principalement par les fenêtres et le type d’isolant importe peu. L’important, c’est d’isoler bien et beaucoup, quel que soit le matériau choisi.»
En cours de révision, la réglementation PEB doit évoluer en Wallonie et à Bruxelles d’ici au 29 mai 2026 au plus tard, soit le délai maximal de mise en conformité avec la directive européenne adoptée en mai 2024. Celle-ci devrait mieux prendre en compte la surchauffe dans les méthodes de calcul. A cette occasion, les Etats ou Régions peuvent en effet adapter les données météorologiques de référence, qui ont bien évolué ces dernières années.