photovoltaïque
Les panneaux photovoltaïques plug and play peuvent permettre aux locataires d’avoir accès à l’énergie solaire, et donc se faire une place privilégiée sur les balcons bruxellois. © Getty Images

Photovoltaïque: ces 2 éléments qui devraient doper la production à Bruxelles

Christophe Leroy
Christophe Leroy Journaliste au Vif

Si la puissance photovoltaïque cumulée a grimpé de 528% en dix ans en région bruxelloise, le potentiel restant demeure gigantesque. Voici ce qui pourrait lever les freins actuels.

La Région bruxelloise a dépassé la barre des 24.000 installations photovoltaïques en 2024, portant la puissance cumulée à 307 mégawatts-crête (MWc). C’est, certes, presque dix fois moins que la Wallonie (2.876 MWc) et 28 fois moins que la Flandre (8.503 MWc). Mais une simple comparaison interrégionale n’a que peu de sens, vu les caractéristiques urbaines de Bruxelles. «Au prorata de la population, si on y avait installé autant de photovoltaïque que dans la Ville de Liège, Bruxelles ne totaliserait que 153 MWc, souligne Benjamin Wilkin, directeur général de l’asbl Energie commune. La capitale n’est donc certainement pas à la traîne en la matière.»

En dix ans, la puissance photovoltaïque cumulée y a d’ailleurs progressé de 528%, une cadence largement supérieure à celle de la Flandre (+269%) et de la Wallonie (+238%) sur la même période. Malgré cet essor, le réseau électrique bruxellois ne rencontre pas les mêmes difficultés qu’au nord et au sud du pays, où l’accumulation d’unités photovoltaïques conduit à des problèmes de surtension localisée et nécessite de très coûteuses modernisations. «Seule 3% de la consommation électrique est autoconsommée à Bruxelles, renseigne Serena Galeone, la porte-parole du gestionnaire de réseau de distribution (GRD) de la capitale, Sibelga. Cela peut paraître peu, mais c’est évidemment conditionné par la verticalité et la densité du bâti bruxellois, offrant moins de superficie de toiture.»

Un réseau robuste pour le photovoltaïque, mais…

Dans les quartiers wallons dotés de maisons unifamiliales, les déséquilibres entre production photovoltaïque et consommation peuvent générer une surtension, et donc des décrochages d’onduleur. A Bruxelles comme dans d’autres milieux urbains, en revanche, la densité de population tend à neutraliser ce phénomène. Plus elle est importante, plus il y a de chances que l’électricité injectée dans le réseau soit consommée rapidement par les particuliers ou les organisations desservis aux alentours. Depuis douze ans, Sibelga observe même un lissage de la consommation lors des pics du matin et du soir. «Pour le moment, notre réseau est robuste, confirme Serena Galeone. Mais on sait aussi que l’électrification fait un boom à tous les niveaux. Si nous avons de la marge jusque 2030, nous ne sommes pas à l’abri de phénomènes de congestion locale, par exemple dans un quartier résidentiel lorsque tout le monde est en vacances. Pour y remédier, nous procédons à des investissements ciblés.» Entre 2025 et 2029, Sibelga prévoit d’investir 500 millions d’euros dans le réseau électrique.

La planification des interventions requiert d’anticiper au maximum les besoins futurs. Il est toutefois très compliqué de les chiffrer. La Région bruxelloise parviendra-t-elle à maintenir une augmentation similaire de la puissance photovoltaïque dans les prochaines années? D’un point de vue strictement comptable, il resterait quelque 20 millions de mètres carrés de toiture propice à l’installation de panneaux solaires dans la capitale, estime Energie commune. A une échelle plus fine, un outil cartographique de Bruxelles Environnement permet d’obtenir une estimation du potentiel solaire d’une toiture, en encodant une adresse postale.

Mais, comme le relève Serena Galeone, l’état actuel du bâti bruxellois, particulièrement vieillissant, pourrait constituer un frein important à l’installation de panneaux photovoltaïques. «Avant de les envisager, il faudra sans doute procéder prioritairement à la rénovation de bon nombre de passoires énergétiques», commente-t-elle. «Assez logiquement, le photovoltaïque s’est installé plus rapidement sur les bâtiments qui s’y prêtaient le mieux», acquiesce Benjamin Wilkin. Par rapport à la Wallonie et la Flandre, la région bruxelloise se voit aussi pénalisée par sa proportion plus importante de locataires (65%), qui n’ont pas la main sur les investissements, notamment photovoltaïques, consacrés à l’habitation. Et dans les nombreuses copropriétés de la capitale, il n’est pas toujours simple de trouver un terrain d’entente.

Le succès du partage de l’électricité: 207 projets en deux ans

Le photovoltaïque atteint-il pour autant un plafond dans la capitale? A priori non. Benjamin Wilkin pointe, au contraire, deux éléments susceptibles de lever les freins actuels, et donc de doper la puissance installée. Il y a d’abord les initiatives de partage d’électricité, autorisées et encouragées depuis 2022. «A ce jour, on compte déjà 207 projets actifs dans la capitale, fédérant un peu plus de 1.650 participants.» Cette mutualisation peut s’opérer à trois niveaux: à l’échelle d’un même bâtiment (à l’image d’une copropriété installant des panneaux photovoltaïques communs), entre des adresses différentes (un habitant de Forest peut partager son énergie avec un autre d’Auderghem) et à l’échelle d’un quartier, en suivant le principe des communautés d’énergie renouvelable.

«Le partage d’électricité est bénéfique à tous les niveaux, affirme la porte-parole de Sibelga. Les consommateurs profitent d’une énergie à un prix plus avantageux et les prosumers valorisent davantage leur excédent d’énergie renouvelable. Dans certains cas, les participants ne paient presque plus de frais de réseau.» Par la même occasion, ces mutualisations conscientisent les bénéficiaires de l’intérêt de consommer l’énergie au moment où elle est la plus abondante, dans la mesure du possible.

En deux ans, la puissance photovoltaïque installée à Bruxelles a progressé de 50 MWc, observe Benjamin Wilkin. Sur la même période, les initiatives de partage d’énergie atteignent 12 MWc. Il serait faux d’en déduire qu’elles ont contribué à 24% de l’augmentation de puissance, nuance l’expert: ces 12 MWc comprennent aussi des installations qui existaient déjà avant d’être partagées. Le potentiel à venir est cependant gigantesque. Le partage d’énergie fait, entre autres, sauter le verrou de l’intérêt financier dans les copropriétés, où la production d’une installation photovoltaïque sur la toiture permet non seulement de diminuer les charges communes, mais aussi la facture de chaque ménage qui y souscrit.

«Les panneaux photovoltaïques “plug and play” permettent à un locataire ou à un propriétaire n’ayant pas accès au toit de bénéficier de l’énergie solaire.»

Benjamin Wilkin

Directeur général de l’asbl Energie commune

La récente autorisation des panneaux solaires dits plug and play, que l’on peut brancher sur le réseau électrique, pourrait elle aussi contribuer à l’essor du photovoltaïque dans les milieux urbains. «Ils sont financièrement accessibles et permettent à un locataire ou à un propriétaire n’ayant pas accès au toit de bénéficier de l’énergie solaire, en plaçant un ou deux panneaux sur leur balcon», commente Benjamin Wilkin. A raison de 300 ou 400 Watts crête (Wc) par panneau, la puissance à disposition ne rivalisera pas avec celle d’une installation classique, comptant davantage de panneaux. Mais la contribution du plug and play pourrait devenir significative dans les années à venir. L’Allemagne, note encore le directeur général d’Energie commune, offre un point de repère intéressant: en l’espace de deux ans, sa politique incitative vis-à-vis des panneaux plug and play a abouti à l’installation d’un demi-million de systèmes du genre. Un engouement similaire à Bruxelles équivaudrait à 7.500 installations plug and play supplémentaires d’ici à la fin 2027, soit environ 5 MWc.

Dans les prochaines années, ce n’est pas tant l’essor du photovoltaïque qui inquiète au premier plan Sibelga. C’est bien du côté de la consommation, et en particulier de la transformation du chauffage résidentiel, que se situe la principale préoccupation. «Il faudra trouver un juste équilibre entre l’électron et la molécule verte, c’est-à-dire le gaz décarboné et les réseaux de chaleur, conclut Serena Galeone. Les Pays-Bas ont décidé de tout miser sur l’électrique, et la situation y est compliquée.» A l’instar de la transition vers la mobilité électrique, les Régions doivent sans tarder définir une stratégie volontariste pour ouvrir les vannes du chauffage de demain. De ce côté, Bruxelles est encore loin du compte.

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