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3 raisons qui expliquent les prix du gaz étonnamment bas: «Il est pertinent de considérer cette option»

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le marché du gaz retrouve des couleurs après plusieurs années de turbulences. Grâce à une demande plus faible que prévue, des stocks bien remplis et une arrivée massive de GNL en 2026, les experts prévoient une baisse durable, sauf choc géopolitique majeur. Pour les consommateurs, le moment est propice à envisager un contrat fixe.

Covid, guerre en Ukraine, crise énergétique. En cinq ans, le marché du gaz européen a encaissé trois chocs intenses. Les différents conflits au Moyen-Orient ont laissé craindre un quatrième uppercut. Mais, pour l’instant, il n’en est rien. Etonnamment, la situation apparaît aujourd’hui relativement confortable. Le prix du gaz tourne actuellement autour des 30 euros/mégawattheure, soit un plancher qui n’avait plus été atteint depuis la sortie de Covid.

«Avant la crise énergétique, le prix du gaz oscillait autour des 20 euros/mégawattheure. On se situe donc toujours au-dessus des prix d’avant crise, précise Damien Ernst, professeur à l’ULiège et expert des questions énergétiques. En revanche, au vu de l’inflation cumulée sur les produits énergétiques depuis 2021, les prix actuels ne sont plus très élevés, dans l’absolu.» Pour le professeur, il ne fait pas l’ombre d’un doute que le prix de 30 euros/mégawattheure ressemble à un prix d’équilibre temporaire, qui tend clairement vers la décroissance. «Il va diminuer considérablement avec le temps, j’en suis persuadé», prédit-il.

Prix du gaz: les raisons qui expliquent l’optimisme

Plusieurs raisons expliquent ces perspectives positives sur le marché du gaz, malgré une tension géopolitique mondiale persistante. La principale réside dans l’arrivée massive de gaz naturel liquéfié (GNL) sur le marché en 2026, alors que la demande, elle, n’est pas aussi élevée que prévue.

Pourquoi ne l’est-elle pas? La raison est plutôt simple, et trouve sa source dans le fait que le GNL est fortement utilisé pour produire de l’électricité. «Or, la production électrique est aujourd’hui partiellement comblée par les panneaux photovoltaïques avec batterie domestique», souligne Damien Ernst. Cette dynamique est très claire «dans des pays comme le Pakistan, où le charbon, qui reste très bon marché (110 dollars la tonne), est également très prisé pour la production électrique», explique-t-il. Résultat: le GNL est moins utilisé pour la production électrique mondiale, très disponible sur le marché, et par conséquent moins cher.

Cette tendance pourrait même s’amplifier. Pour Damien Ernst, le prix du gaz n’a toujours pas atteint son point d’équilibre. «Je pense qu’on assistera à une diminution importante des prix dans les années à venir, sauf événement géopolitique majeur, à savoir des attaques militaires sur des infrastructures gazières.»

Pour Florence Carlot, partner chez Arthur D. Little et experte des marchés énergétiques, les prix actuels «sont effectivement redevenus raisonnables au vu de la situation géopolitique et de l’inflation.» Actuellement, «la demande est faible et stable, confirme-t-elle, avec des prix de l’électricité qui, eux aussi, restent sous contrôle.»

Prix du gaz: pas d’effets concrets du Moyen-Orient

Et cela, malgré les craintes que les conflits au Moyen-Orient ne fassent flamber les marchés. Si Israël a effectivement mené des frappes sur quelques infrastructures gazières au Yémen et en Iran, elles n’ont pas été de nature à véritablement bousculer le marché.

En mer Rouge, les rebelles Houthis ont fortement perturbé le trafic maritime à hauteur du détroit stratégique de Bab el-Mandeb, sans pour autant le bloquer entièrement. L’Iran, de son côté, n’a pas mis ses menaces à exécution concernant le détroit d’Ormuz, tout aussi stratégique. «Les bateaux de GNL ont parfois dû faire de longs détours, par le sud de l’Afrique. Mais cela n’a pas provoqué de réels défauts d’approvisionnement», remarque Damien Ernst.

D’autre part, «les stocks de gaz européens restent à un bon niveau -environ 75%- avant d’entamer la saison automnale, où les prix seront plus volatiles», ajoute Florence Carlot. A cet égard, la Belgique fait même bonne figure, «avec un taux de remplissage de ses stocks à plus de 90% en août 2025», soit au-delà de la moyenne européenne. L’éolien, et, surtout, «une gestion intelligente des stocks par Fluxys» ont permis au plat pays de se démarquer, salue la spécialiste. Une demande faible, des stocks élevés, une possible désescalade du conflit russo-ukrainien: voilà donc trois éléments qui rendent la situation actuelle «tout à fait confortable. Cependant, elle est plutôt habituelle au sortir de l’été.»

Lassitude des marchés et diversification

Par ailleurs, l’accumulation des crises géopolitiques a engendré une «lassitude des marchés, qui ne réagissent plus aussi vivement qu’avant, observe encore Damien Ernst. En 2023, le spectre d’une guerre entre Israël et l’Iran pouvait faire prendre 20 dollars au baril de pétrole. Aujourd’hui, il ne prendrait que cinq dollars», illustre-t-il. Le premium risk, une compensation que les traders demandent pour l’incertitude des prix et la volatilité, «a quasiment disparu».

Pour Florence Carlot, l’Europe récolte également les fruits de sa démarche de diversification des sources d’importation (Etats-Unis, Qatar…). «L’Union européenne est beaucoup moins dépendante de la Russie d’une part, mais aussi de ses propres ressources de gaz d’autre part.»

Se couvrir avec un contrat fixe… aux conditions actuelles

Pour le consommateur, le contrat fixe semble représenter la meilleure option du moment, au vu du risque géopolitique toujours persistant avec la Russie. «Une bonne manière de se couvrir», estime Damien Ernst, qui ne voit «pas les prix chuter rapidement sous les 32 euros/mégawattheure, alors qu’un risque géopolitique peut les faire augmenter bien au-delà».

«Au vu des prix actuels, il est effectivement pertinent de considérer le contrat fixe, rejoint Florence Carlot. Le contrat variable bénéficie aussi des prix bas actuels, mais il sera exposé à l’augmentation de la demande en automne et en hiver.»

Les détenteurs d’un contrat fixe peuvent également demander un nouveau contrat aux conditions actuelles. Une récente étude de la Creg chiffre l’avantage annuel à 300 euros entre un contrat fixe conclu aujourd’hui par rapport à un contrat fixe conclu en mars.

Pour rappel, et contrairement à certaines idées reçues, changer de fournisseur n’est pas une démarche contraignante. Plusieurs plateformes offrent une comparaison simple et rapide des contrats, selon le profil de chacun. Précision de taille, enfin: le client ne doit pas prévenir son fournisseur actuel d’un changement, mais uniquement réaliser la demande auprès du nouveau fournisseur, qui se charge du changement. Un jeu d’enfant. «Mais le Belge reste encore très frileux pour ses contrats d’énergie.»

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