De plus en plus d’héritiers renoncent à une succession pour éviter de payer les dettes d’un défunt. Il existe pourtant une alternative: accepter un héritage sous bénéfice d’inventaire.
«Il y a toujours une solution.» Jan Willems est responsable du service de médiation de dettes au CPAS de la Ville de Bruxelles. Régulièrement, il voit des personnes engluées dans des situations financières difficiles, inquiètes à l’idée de léguer leurs dettes. «Tout le monde n’a pas les bonnes informations à ce sujet», éclaire-t-il, conscient qu’il s’agit d’un sujet sensible, voire tabou dans certaines familles: «Quand on parle de dettes, on parle d’argent, on touche à l’intégrité des personnes. C’est encore moins évident d’en parler quand cela implique des proches. Mais si l’on en vient à devoir hériter des dettes, c’est un problème qui peut facilement être résolu.»
Trois choix sont possibles face à un héritage: l’acceptation, la renonciation ou l’acceptation sous bénéfice d’inventaire. En cas de doute, un notaire, interlocuteur obligatoire pour une renonciation ou une acceptation sous bénéfice d’inventaire, un avocat ou un bureau successoral peuvent aider à effectuer un choix. «Il ne faut pas hésiter à solliciter leur aide, car les dettes peuvent prendre plusieurs formes, un prêt restant à rembourser, des frais d’hospitalisation ou d’énergie, etc.», développe Sylvain Bavier, notaire et porte-parole de la Fédération des notaires.
Un notaire peut mener au préalable une «enquête», avec des recherches fiscales, la consultation des comptes bancaires ou du fichier des avis de saisie, par exemple, pour connaître l’état du patrimoine du défunt. «La plupart du temps, cela donne une vue assez fiable de la situation, mais les mauvaises surprises sont possibles.»
En cas de certitude face à la composition d’un héritage «positif», l’acceptation peut être un choix privilégié: «Cela se fait sans condition. Mais en cas de dette du défunt, on se retrouve alors à devoir la payer, quel que soit le montant», ajoute Sylvain Bavier. Méfiance: même sans signer un quelconque document, il est possible de se retrouver à avoir accepté un héritage. «C’est ce qu’on appelle une acceptation tacite. Emporter un meuble ou revendre un objet du défunt, par exemple, suffit pour « accepter » un héritage. Les créanciers peuvent alors vous réclamer de payer des dettes que vous ne connaissiez pas», prévient Me Aurélie Jonkers, avocate dont le rôle dans les dossiers de succession reste surtout de régler les litiges éventuels entre héritiers.
Actif et passif
«Beaucoup de personnes se rendent compte des semaines plus tard de la présence de dettes. C’est pourquoi je conseille toujours d’accepter un héritage sous bénéfice d’inventaire», précise-t-elle. Cette formule permet d’être sûr que les actifs sont supérieurs au passif. Un inventaire complet du patrimoine du défunt est alors effectué (biens immobiliers, comptes, mais aussi dettes, crédits…), puis publié au Moniteur belge par un notaire: les éventuels créanciers disposent alors de trois mois pour se faire connaître et réclamer leur dû, même si dans les faits, ce délai est parfois dépassé tant que la liquidation n’est pas clôturée. «S’il y a plus de dettes que d’actifs, cet argent sera utilisé pour payer ce qu’il est possible aux créanciers, qui ne peuvent rien réclamer aux héritiers en vertu du principe de séparation des patrimoines lié au bénéfice d’inventaire», précise Martin Vanden Eynde, administrateur du bureau Successio, spécialisé en déclarations de succession.
Si les actifs sont supérieurs au passif, alors l’héritier pourra en bénéficier. L’acceptation sous bénéfice d’inventaire revient entre 1.000 et 1.500 euros. Chaque héritier peut choisir individuellement d’accepter ou non la succession, éventuellement sous bénéfice d’inventaire. Si plusieurs héritiers acceptent purement et simplement, les dettes et actifs sont répartis proportionnellement à leur part, et si l’un accepte sous bénéfice d’inventaire, lui seul protègera son propre patrimoine contre les recours des créanciers successoraux.
30 ans de délai
La renonciation est l’ultime option face à un héritage. Sur les six premiers mois de l’année 2025, 26.112 Belges ont ainsi renoncé gratuitement à un héritage chez un notaire, selon les chiffres de la Fédération des notaires. L’an passé, ils furent 58.459, un record. «Il y a un phénomène de paupérisation de la société après les différentes crises économiques, donc de plus en plus de successions avec des dettes dont ne veulent pas les héritiers», expose Sylvain Bavier. La renonciation à une succession est gratuite si l’actif net du défunt (la valeur des biens moins les dettes) ne dépasse pas 6.093,20 euros. Dans le cas contraire, les honoraires du notaire seront compris entre 300 et 500 euros. En cas de renonciation, la part du renonçant revient alors à ses éventuels descendants, qui doivent à leur tour faire un choix concernant l’héritage: un délai de 30 ans est accordé dans tous les cas pour prendre une décision concernant un héritage, sauf si les créanciers poussent les successibles à prendre leur décision. «La succession ne deviendra « vacante » que si tous les héritiers jusqu’au quatrième degré, c’est-à-dire jusqu’aux cousins et leur éventuels descendants, la refusent. Elle n’intéressera probablement pas non plus l’Etat, qui ne demandera donc pas l’envoi en possession à son profit», précise Martin Vanden Eynde.
Si cette renonciation est en principe définitive, une rétractation est possible si deux conditions sont respectées: la demande doit être faite avant l’expiration du délai de 30 ans, et aucun autre héritier ne doit avoir accepté la succession, même sous bénéfice d’inventaire. La personne concernée recevra alors sa part de l’héritage… mais pourrait aussi avoir certaines dettes toujours existantes à régler.