La fin de Squid Game est abondamment critiquée. Logique, dans l’univers des séries télévisées où la conclusion ne fait (presque) jamais l’unanimité.
Un insipide 6,8/10. Une note dont certains se contenteraient volontiers en cette période où les bulletins tombent et les températures s’envolent, mais une sentence pourtant bien inférieure à la moyenne de 8/10 récoltée tout au long des 22 épisodes. S’il semble convaincu d’avoir conclu son histoire dans les règles de l’art, confrontant son héros tragique Gi-hun à un dernier dilemme forcément sanglant, Hwang Dong-hyuk n’atteint donc pas la barre de la distinction pour le dernier épisode de Squid Game. L’homme derrière la série sud-coréenne, qui a chamboulé Netflix en 2021 avant de devoir en écrire une suite pour satisfaire la plateforme, boucle son scénario sur une fausse note. C’est du moins le verdict de celle qu’on retrouve sur le site IMDb, où sont évaluées toutes les productions des petits et grands écrans. Le dernier épisode de la dernière saison de Squid Game serait ainsi le plus mauvais.
Hwang Dong-hyuk pourra se consoler en se disant qu’il n’est pas le seul. Conclue plus tôt dans l’année, la série You, autre succès d’audience de Netflix tiré en longueur jusqu’à produire quelques saisons de trop, n’a récolté qu’un faible 5,3/10 pour son épisode final. C’est un peu moins bien que l’ultime épisode de la neuvième saison de la série humoristique How I Met your Mother (5,5/10), mais tout de même bien mieux que l’épilogue de Game of Thrones, phénomène mondial dont la huitième saison était attendue par des millions de fans à travers le monde. La fin des aventures de la famille Stark et du Royaume de Westeros n’a ainsi récolté qu’un maigre 4/10.
Les notes sont variées, le verdict identique: dans ces quatre séries à grand succès, comme dans beaucoup d’autres, l’épisode final est le moins bien évalué. Pas spécialement parce qu’il est le plus mauvais, mais parce qu’il sanctionne une réalité qui paraît inéluctable: les fins de séries sont toujours décevantes. Squid Game n’échappe donc pas à la règle.
«Par définition, une série ne peut pas bien se finir, explique Sarah Sepulchre, docteure en sciences sociales à l’UCLouvain et autrice de Décoder les séries télévisées. Ou alors, seulement pour une portion congrue de fans. Le plus souvent, la conclusion va générer des frustrations de différents ordres.»
Chez les bingewatchers, on cite souvent l’exemple de Lost comme le symbole de cette théorie. «C’est devenu une référence en télévision en termes de fin ratée, explique Robert J. Sawyer (créateur de la série Flashforward) au Parisien. Personne ne commence la série de nos jours, car tout le monde a entendu dire que la conclusion est décevante.» Le principal problème de cette série où les survivants d’un crash aérien échouent sur une île mystérieuse, c’est qu’elle ouvre trop d’intrigues secondaires en cours de route et oublie souvent de les refermer dans ses derniers épisodes. Un reproche également lu et entendu au sujet de Game of Thrones, où le dénouement ressemblerait à un sprint maladroit au bout d’une série menée à pas prudents pendant ses six premières saisons.
«Dans des genres comme la fantasy ou la science-fiction, on aura des frustrations inévitables au sujet de l’univers, reprend Sarah Sepulchre. C’est typiquement l’exemple de Lost ou de Game of Thrones, où certaines intrigues ne sont pas résolues, où on ne connaît pas le sort réservé à certains peuples ou à des personnages secondaires, forcément nombreux dans ces séries longues et au casting large.»
Attachés à des personnages parfois inattendus, les spectateurs développent des relations proches avec certains. Pas spécialement par identification, mais plutôt par attachement. «Parfois, même quand on revoit une série, on n’a pas l’impression de retrouver tout ce qu’on y avait vu la première fois, ajoute Sarah Sepulchre. On projette beaucoup sur certains personnages, et le caractère répétitif et étalé dans le temps des séries favorise l’émergence d’un lien bien plus intime qu’avec un film. Souvent, on n’a pas envie que ça se termine. A la base, on n’est donc pas bien disposé à accueillir une fin qui nous plaira.»
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Dans l’inévitable période d’attente entre deux saisons, les fans les plus fidèles pourront laisser libre cours à leur imagination et échafauder leurs propres théories, en se basant sur des indices qu’ils croient avoir décelés dans les saisons précédentes ou dans les trailers diffusés pour augmenter leur appétit. Entre les saisons 2 et 3 de Squid Game, les nombreuses questions laissées en suspens ont trouvé un prolongement naturel sur les forums ou les réseaux sociaux. Des projections trop rarement exaucées quand vient le temps de découvrir «la vraie histoire», et des espoirs forcément déçus à la clé, souvent à la hauteur des attentes suscitées par l’annonce d’un dénouement à venir. Et elles étaient énormes pour Squid Game, la série qui a battu tous les records sur Netflix, aimée parfois jusqu’à l’irrationnel par ses plus grands fans.
Les histoires d’amour finissent mal, en général. Les séries aussi, apparemment.