L’écrivain Charles Dantzig sollicite neuf personnalités pour décrire leur expérience de la masculinité. Quasi tous expliquent en avoir souffert.
Dans le souvenir de l’écrivain Charles Dantzig, jusqu’aux années 2010, le mot «masculinité» n’était pas employé. On parlait alors de «virilité». La recherche de la signification de cette déviation lexicale l’a poussé à demander à neuf personnalités, âgées de moins de 40 ans, comment elles avaient vécu sous l’ombre de ce mot. Ainsi est né Masculinité? (1), un recueil de récits intimes qui soulignent quasi à l’unanimité l’influence néfaste de cette injonction.
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La plupart ont lutté contre les stéréotypes conservateurs empreints d’une masculinité toxique véhiculés par des parents, des amis, des collègues… «Un homme doit faire valoir sa force physique pour s’imposer»: Benjamin Prescott La Rue, marin canadien, y a été confronté dans la marine marchande. «Un garçon vaut plus qu’une fille»: Giovanni Delù, jardinier, en a souffert dans ses rapports avec sa fratrie quand une fois son grand-père décédé, sa grand-mère l’a installé à la place qu’occupait le patriarche à table, au détriment de sa sœur aînée. «Il y a des jeux pour les garçons, d’autres réservés aux filles»: Anatole Tomczak, le traducteur, a suscité la méfiance de ses parents pourtant ouverts quand il a demandé des figurines Polly Pocket comme cadeau de Noël. «Un homme est destiné à être père de famille»: Eugène D. a mis des années à assumer son homosexualité dans le monde paysan dont il était issu. «Un homme est garant de traditions patriarcales»: Sumit Kumar, chargé de mission à l’Institut français en Inde, Qiyue Liang, enseignant de chinois à Rennes, et Raphaël Zyss, scénariste et traducteur face à la circoncision qu’exigeait sa religion, ont souffert des normes traditionnelles de la masculinité. Que dire alors de la masculinité criminelle subie par Arthur Habib-Rubinstein, violé à l’âge de 7 ans par un adolescent?
«Je ne me priverai pas non plus de faire preuve d’ascendance physique ou mentale pour avancer.»
Somme toute, un seul des contributeurs ne déclare pas avoir souffert de masculinité. Mathis Chevalier, ancien combattant de MMA et acteur, a refusé de répondre à la demande de Charles Dantzig car le sujet est «clivant». «Je suis pour un changement des mentalités: montrer ce qu’on est vraiment et faire preuve de plus de tolérance envers autrui, explique-t-il pourtant. Mais je ne me priverai pas non plus de faire preuve d’ascendance physique ou mentale pour avancer.»
(1) Masculinité?, par neuf auteurs, préface de Charles Dantzig, Grasset, 160 p.