La mère de Nahel Merzouk, tué par la police en 2023, lors d’une manifestation en son hommage à Nanterre. © GETTY

Violences: Comment les mères isolées subissent une multiple peine

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le journaliste Selim Derkaoui explique comment la culpabilisation des mamans d’adolescents auteurs de violences les enfonce dans les difficultés et ne résout rien.

A l’été 2023, des émeutes embrasent la France après la mort, le 27 juin, de Nahel Merzouk, 17 ans, par un tir à bout portant d’un policer lors d’un contrôle, sans délit de fuite contrairement à la version initiale des forces de l’ordre démentie par une vidéo, à Nanterre, près de Paris. Parmi les 1.180 mineurs jugés pour des violences, 60% vivent dans des «familles monoparentales», dénombre alors le ministère de la Justice. Du reste, la mère de Nahel elle-même, Mounia, élevait seule son ado.

La responsabilité des parents et, souvent, des mères isolées dans la «réparation» de ces violences est devenue depuis quelques années un enjeu de plus en plus présent dans le discours politique en France, du fait de la droitisation de l’échiquier idéologique. Pour les mamans solos, cela signifie une double ou une triple peine. C’est cette tendance qu’étudie le journaliste indépendant Selim Derkaoui dans son intéressant essai Laisse pas traîner ton fils (1).

«Les gouvernants méprisent les mamans seules qui galèrent bien plus que les autres catégories de la population.»

L’auteur souligne la brutalité qu’il y a à stigmatiser une mère isolée pour avoir laissé ses enfants traîner en rue et s’exposer potentiellement à la délinquance. Car elle est déjà victime à plusieurs titres. Dans 82% des cas, la «famille parentale» se décline au féminin. La maman seule voit souvent le père déserter le foyer et ignorer ses obligations en matière de pension alimentaire. Elle est souvent contrainte d’exercer des métiers à horaire décalé, de soir ou de nuit. Elle vit dans l’angoisse des inspections intrusives des organismes d’aide, chargés par exemple de vérifier l’absence d’un nouveau conjoint. Elle subit plus que les familles aux parents unis la discrimination pour l’obtention d’un logement, etc., etc. Bref, on est loin de l’image des mères seules «assistées et incapables de gérer correctement leur budget», dépensant «leur allocation de rentrée scolaire dans des iPad et des survêts Adidas hors de prix» que véhiculent certains responsables politiques.

Alors, si s’ajoute à cela une réduction des allocations familiales comme sanction pour les délits de leur enfant, le moment de rupture n’est pas loin. «Les gouvernants nous enferment avec nos enfants dans des territoires avec peu de services publics et ils méprisent les mamans seules qui galèrent bien plus que les autres catégories de la population», témoigne Sonia.

(1) Laisse pas traîner ton fils. Comment l’Etat criminalise les mères seules, par Selim Derkaoui, Les Liens qui libèrent, 256 p.
© DR

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