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Les concerts et festivals bientôt plus chers «grâce» à l’Arizona: «C’est un immense coup de massue»

Julien Broquet Journaliste musique et télé

Au lendemain de l’accord budgétaire, le secteur culturel n’en revient pas de la volonté du gouvernement fédéral d’augmenter la TVA sur les tickets de concerts et de festivals. Une hausse des prix se profile, comme la menace sur la survie de certains événements, et l’exclusion des moins nantis.

Aux premiers coups de fil, lundi matin, tout le monde tombait des nues. Personne ne voulait trop y croire. L’information allait pourtant être confirmée dans le courant de la journée. Comme pour les places de cinéma, la TVA passera en 2026 de 6% à 12% pour les tickets de concert et de festival. Et ce, normalement dès le 1er janvier.

«A chaud, c’est un immense coup de massue, avoue Fabrice Lamproye (OM, Reflektor, Ronquières). J’ai du mal à réaliser. Vraiment. C’est tellement aberrant. On travaille dans un secteur qui vient de vivre un été compliqué. Cette décision ne va faire qu’amplifier un problème existant. Empirer le phénomène du tout coûte trop cher. Ce n’est pas que le gouvernement ne soutient plus le secteur désormais. C’est qu’il s’y attaque

«Pour vous donner une idée, en France, 93% des festivals, dont certains affichent sold-out, rencontrent des difficultés financières.»

Denis Gerardy, directeur du Cirque royal

Directeur du Cirque royal à Bruxelles et des Solidarités à Namur, Denis Gerardy résume la délicate situation du milieu. «On est déjà tous à peine en équilibre. Pour vous donner une idée, en France, 93% des festivals, dont certains affichent sold-out, rencontrent des difficultés financières. Après les normes de sécurité qui nous ont été imposées à la suite des attentats, après le confinement et l’explosion des prix de tous les fournisseurs, la hausse des cachets artistiques souvent liés aux frais de production (le prix de location d’un tour bus a été multiplié par trois en quelques années) mais aussi la non indexation des subventions, ça fait beaucoup.»

Au-delà du fait que certains événements n’y survivront pas, c’est le spectateur qui va devoir casquer… «Au Botanique, on en est à trois millions d’euros de tickets vendus sur 2025, explique son directeur général Frédéric Maréchal. Une hausse de 6% de la TVA représente donc environ 180.000 euros par an. Le prix d’un ticket, c’est un équilibre entre le coût du plateau tempéré par ce que peuvent et sont prêts à payer les gens. On fera avec, mais ça va clairement rendre l’accès aux concerts plus difficile pour certaines personnes.»

«Le fossé entre ceux qui ont la possibilité de payer des prix très élevés et les autres va encore se creuser, poursuit Denis Gerardy. Tout ça ne fait que confirmer l’orientation politique du gouvernement. Ce seront de plus en plus les nantis qui pourront bénéficier de la culture.»

Des festivals plus chers, un mauvais calcul

Si Live Nation, leader mondial de l’organisation de spectacles et d’événements musicaux, n’avait à l’heure d’écrire ces lignes pas encore donné de la voix, la Fédération des festivals de musique en Fédération Wallonie-Bruxelles tirait mardi matin la sonnette d’alarme quant aux conséquences désastreuses de la mesure, résumait les perspectives peu engageantes et réclamait une consultation de toute urgence. Selon elle, dans le contexte actuel, une hausse du taux de TVA augmentera inévitablement et considérablement le prix des billets de festival. «Cela exercera une pression supplémentaire sur des dizaines de milliers d’amateurs de culture déjà confrontés à la hausse du coût de la vie et exclura de nouveaux publics, développe-t-elle dans son communiqué. Les festivals créent du lien social. Un seuil d’accès plus élevé compromet le soutien public à la culture.»

Elle va aussi remettre en cause l’existence de certains événements. «Une augmentation de la TVA accroît considérablement les risques organisationnels, avec un danger réel d’annulations, de réductions d’effectifs, voire de faillite.» Avec des conséquences diffuses, mais tangibles. «L’ensemble du secteur paramusical (fournisseurs, indépendants, hôtellerie et techniciens) est également menacé. Chaque euro généré par les festivals a un impact économique bien plus important sur l’ensemble de la région.»

Pour la Fédération, la réputation de la Belgique en tant que terre de festivals repose sur son accessibilité, sa diversité et son professionnalisme. «Les festivals sont de véritables pépinières d’innovation, de développement des talents et de projets sociaux. Une hausse de la TVA freinerait ce dynamisme et nuirait à un impact artistique et social inestimable, mais au moins aussi important que les recettes fiscales à court terme.»

Défendant avec force l’idée que les festivals ne sont pas un luxe, mais un levier de connexion, de créativité et de dynamisme économique, la Fédération craint aussi pour la position concurrentielle des festivals belges au niveau international. C’est que ces grands rassemblements attirent chaque année des centaines de milliers de visiteurs étrangers. «Le taux réduit de 6% est essentiel pour rester compétitifs face aux pays voisins. Aux Pays-Bas, une hausse de la TVA prévue a été annulée suite aux protestations. Les pays des alentours appliquent un taux de TVA compris entre 3% et 9%. Une augmentation sans condition en Belgique dissuaderait les acteurs et visiteurs internationaux et compromettrait gravement notre position à l’exportation.»

Pour la Fédération, qui exhorte le gouvernement à collaborer afin de trouver des solutions alternatives, cette mesure témoigne au final «d’une compréhension insuffisante de la vulnérabilité et de l’importance du secteur des festivals et des concerts.»

L’appel sera-t-il entendu? Des questions techniques vont en tout cas inévitablement et rapidement se poser. «Tout est lancé pour les festivals de 2026. Les places sont déjà en vente. Comme pour un paquet de concerts d’ailleurs, termine Fabrice Lamproye. Quand tu as annoncé des prix pour un événement, tu ne peux pas les changer comme ça.» «Nos schémas budgétaires sont déjà établis depuis septembre abonde, Denis Gerardy. Il est trop tard pour changer le prix des billets. Et si on modifie les règles du jeu, c’est une perte de 6% sur les recettes billetteries de tous les festivals.»

Au cabinet du ministre des finances Jan Jambon (N-VA), les infos sont rares («L’accord est récent, il faut laisser le temps de développer les mesures»), mais on garantit que des dispositions transitoires seront prises. A vos portefeuilles…

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