La guerre commerciale chaotique de Donald Trump nuit non seulement aux relations internationales, mais elle cause également des soucis aux CEO et aux producteurs américains dans leur propre pays. Des marques emblématiques comme Coca-Cola, Jack Daniel’s et Cheetos sont victimes de boycotts à travers le monde, ce qui leur fait prendre conscience que leur nationalité est aujourd’hui non seulement un atout, mais aussi un fardeau.
Pendant des décennies, le soft power américain a donné un coup de pouce aux entreprises ayant des ambitions internationales. Lorsque le Mur de Berlin est tombé, Coca-Cola a envoyé des camions arborant son logo à Berlin-Est, où des boissons gratuites étaient distribuées. Les ventes ont rapidement grimpé, et dans cet ancien Etat communiste, les consommateurs se sont empressés de boire ce symbole sucré du capitalisme américain.
Mais promouvoir l’American way of life à l’étranger devient plus difficile. Le mois dernier, Carlsberg, le brasseur danois qui embouteille Coca-Cola dans son pays, a remarqué que les Danois boycottaient la boisson gazeuse et lui préféraient des alternatives locales comme Jolly Cola.
Coca-Cola peut remercier Donald Trump, lui qui a irrité les Danois –et de nombreux autres consommateurs dans le monde– avec ses propos sur l’expansion territoriale et sa guerre commerciale désordonnée. Les CEO américains doivent-ils s’inquiéter du nouveau problème d’image de leurs marques?
Une image plus dégradée que celle de la Chine
Que Trump ait terni la réputation des Etats-Unis à l’étranger est clairement visible. D’après une enquête récente (réalisée par Nira Data pour l’Alliance of Democracies, une organisation à but non lucratif danoise) menée auprès de plus de 100.000 personnes dans 100 pays, la proportion de répondants ayant une vision négative de l’Amérique est supérieure de cinq points à celle des répondants en ayant une image positive. Une nette dégradation par rapport aux années précédentes, suffisante pour que les Etats-Unis se retrouvent derrière la Chine en termes de perception mondiale.
Les actions du président ont déjà des répercussions sur les ventes à l’étranger des entreprises américaines. La réaction est la plus vive au Canada, où les citoyens s’opposent à l’idée que leur pays devienne le 51e Etat américain, et au Danemark, en raison des menaces de Trump de vouloir s’approprier le Groenland.
«Le mois dernier, 61% des Canadiens ont déclaré à l’institut de sondage YouGov qu’ils boycottaient des produits américains.»
Le mois dernier, 61% des Canadiens ont déclaré à l’institut de sondage YouGov qu’ils boycottaient des produits américains. Plus tôt cette année, l’Ontario et le Québec, les deux plus grandes provinces du pays, ont retiré des spiritueux américains des rayons de leurs magasins d’Etat, ce qui a affecté les ventes de produits comme le Jack Daniel’s.
Kraft Heinz, un géant américain de l’alimentaire, rappelle aux Canadiens qu’une grande partie de ce qu’il vend dans le pays est fabriquée localement, à partir d’ingrédients locaux. Au Danemark, le plus grand distributeur, Sailing Group, appose des étiquettes sur les marques européennes en magasin pour aider les clients à éviter plus facilement les produits américains.
La perte de confiance dans les marques américaines est également visible ailleurs en Europe. Tesla, le constructeur automobile d’Elon Musk, en est sans doute l’exemple le plus frappant: le nombre de nouvelles immatriculations de ses véhicules en Europe a chuté de plus de 40% au premier trimestre par rapport à l’année précédente.
«Au Danemark, le plus grand distributeur, Sailing Group, appose des étiquettes sur les marques européennes en magasin pour aider les clients à éviter plus facilement les produits américains.»
Mais ce n’est pas la seule entreprise américaine en difficulté. Dans une enquête menée en mars, la Banque centrale européenne a demandé aux Européens dans quelle mesure ils seraient susceptibles de remplacer des produits américains.
Le scénario hypothétique prévoyait que les Etats-Unis imposeraient un droit de douane général, auquel l’UE répondrait de manière équivalente. Le score était mesuré sur une échelle de 100 points, 100 indiquant une forte propension au changement. En moyenne, les répondants ont donné une note de 80. Il est notable qu’ils invoquaient plus souvent une question de préférence que de prix comme principal facteur de substitution.
Manque d’alternatives
Cela ne manquera pas d’inquiéter les entreprises américaines, qui réalisent chaque année plus de 8.000 milliards de dollars de chiffre d’affaires à l’étranger. Mais toutes ne souffriront pas autant de la détérioration de l’image mondiale de leur pays. Morning Consult a étudié la corrélation entre la perception des Etats-Unis par les consommateurs et leur jugement sur les marques américaines dans différents secteurs.
«Les consommateurs étrangers sont plus enclins à bouder un paquet de Cheetos par protestation qu’à renoncer à un traitement contre le cancer de Pfizer.»
Cette relation est la plus forte dans les domaines de la technologie, de l’automobile et de l’alimentation et des boissons, et la plus faible dans l’hôtellerie, la logistique et les soins de santé. Les consommateurs étrangers sont plus enclins à bouder un paquet de Cheetos par protestation qu’à renoncer à un traitement contre le cancer de Pfizer. Le manque d’alternatives rend également plus difficile le boycott de services comme Google ou Instagram. Il n’en reste pas moins que de nombreuses entreprises américaines devront composer avec le fait que leur nationalité n’est plus seulement un atout, mais aussi un fardeau.