Pierre Havaux

Vlaams Belang: « Quand Verhofstadt tâtait discrètement le terrain »

Pierre Havaux Journaliste au Vif

« La Flandre vote le centre-droit, la droite. Et la Flandre vote le nationalisme flamand. Plus que jamais. » Soir de scrutin 2019, un Bart De Wever beau joueur dans la défaite relative de la N-VA face au Vlaams Belang ressuscité ne boude pas le plaisir de communiquer la bonne nouvelle.

Cette divine surprise est ainsi commentée par Bart Maddens, politologue de la KULeuven, bien connu pour son net penchant séparatiste : avec 44,1 % des voix captées par la N-VA et le VB,  » c’est un record historique pour le nationalisme flamand à la Chambre. Peut-il poursuivre cette croissance spectaculaire dans le futur ? Sûrement.  » Jusqu’à atteindre, qui sait, l’inaccessible étoile nommée Forza Flandria : le grand rassemblement de la droite conservatrice pour en finir avec la politique francophone de gauche qui asphyxie la Belgique, l’alliance capable de fédérer les brebis de la diaspora flamingante et droitière tendue vers l’avènement d’une Flandre autonome et, mieux encore, indépendante.

La mouvance nationaliste flamande retient son souffle. De peur que cela ne porte malheur, elle n’ose plus trop prononcer la formule magique inspirée de Forza Italia, le mouvement conservateur lancé par Silvio Berlusconi en 1993 qui devait chambouler le paysage politique de la Botte.

C’est qu’en Flandre, la quête du Graal en a épuisé plus d’un. Dont un certain Guy Verhofstadt à la charnière des années 1980 et 1990. C’était au temps où  » baby Thatcher  » se désespérait dans l’opposition et cherchait une planche de salut, pour lui et le parti qu’il présidait alors, le PVV, ancêtre de l’Open VLD. C’était l’époque où le Grand Bleu imaginait pouvoir rebondir par un programme économique résolument néolibéral et radicalement communautaire, et prônait au passage  » un retour sélectif pour les immigrés qui refusent de s’adapter « , taxé de  » mesure de déportation  » par sa coreligionnaire Annemie Neyts ; c’était au temps où il plaidait par voie de  » burgermanifest  » pour la défense du citoyen et de sa communauté  » face à l’Etat et ses parasites « .

Le leader libéral se serait bien vu en  » gangmaker  » d’une Forza Flandria et, à cette fin, tâtait discrètement le terrain auprès de l’aile conservatrice du CVP, des éléments à droite de la Volksunie et, tant qu’à faire, de la frange moins raciste du Vlaams Blok portée par Gerolf Annemans. L’affaire tourna court un dimanche noir de novembre 1991, jour de premier triomphe électoral du Vlaams Blok. L’actuel champion de l’antinationalisme sur la scène européenne réorientait alors le parti libéral vers une trajectoire plus centriste qui le mènera au pouvoir.

C’est dire si l’avènement d’une Forza Flandria passe par une normalisation de l’incontournable Vlaams Belang. Pour peu que Bart De Wever et ses légions franchissent le Rubicon. Se jeter à l’eau ne devrait pas être insurmontable. Voici ce qu’en disait au Morgen, en septembre 2003, celui qui vice-présidait une N-VA toute neuve et encore toute menue :  » J’ai lu et relu le programme du Vlaams Blok. Il est mauvais mais je n’y vois rien qui puisse faire trembler les fondements de la démocratie. Il n’y a même rien qui ne soit pas politiquement défendu par l’un ou l’autre parti dans d’autres pays. On leur facilite donc la tâche en clamant qu’ils sont racistes et fascistoïdes (NDLR : en avril 2004, le VB sera condamné en justice pour racisme) « . Les jalons ainsi posés, avec un peu de bonne volonté, il y a peut-être moyen de s’entendre avec  » ces gens-là « …

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