Des membres de la CSC ont sonné aux portes d’Yvan Verougstraete, jeudi soir, et de David Clarinval, mardi à l’aube, pour dénoncer la réforme du travail de nuit. Un mode d’action plutôt rare en Belgique, qui se veut une «réponse à la hauteur de la violence incarnée par l’Arizona», justifie le syndicat chrétien.
Il est 5 heures, Bièvre s’éveille. Les volets s’ouvrent, les premiers cafés s’écoulent, c’est le moment que choisit une délégation de la CSC Alimentation et Services pour rendre visite au bourgmestre empêché, David Clarinval (MR). La vingtaine de membres présents, casseroles à la main et foulards verts autour du cou, trouvera finalement porte close: le ministre de l’Emploi est retenu en kern, à Bruxelles.
Jeudi dernier, c’était le président des Engagés, Yvan Verougstraete, qui avait été la cible d’une visite impromptue à son domicile sur le coup de 23 heures. Les membres de la CNE rassemblés à Woluwe-Saint-Pierre visaient le même objectif que leurs confrères: dénoncer la réforme du travail de nuit de l’Arizona, qui ambitionne de redéfinir les horaires considérés comme «nocturnes» (entre minuit et cinq heures, contre entre 22 heures et six heures actuellement). Par ces deux actions coup de poing, le syndicat chrétien souhaitait ainsi s’opposer à ce recalibrage et rappeler qu’à cinq heures (ou à 23 heures), l’accent doit être mis sur le repos et la quiétude familiale, et non sur le travail sans primes compensatoires.
Un discours hostile à la grève
Une forme de mobilisation plutôt rare dans le paysage syndical belge, que le syndicat chrétien justifie par l’absence totale de dialogue avec le fédéral. «Avant, on avait un modèle de concertation sociale qui nous permettait de négocier sans passer par ce type d’actions, souligne Felipe Van Keirsbilck, secrétaire général de la CNE. Mais aujourd’hui, on a affaire à un gouvernement qui refuse le débat, donc on est obligés de diversifier nos méthodes.»
D’autant que les organisations syndicales sont «régulièrement» critiquées sur leurs modes d’action traditionnels, rappelle Jean Faniel, directeur du Centre de recherche et d’information socio-politique (Crisp). «Ces derniers mois ont été marqués par un discours très hostile à la grève, note l’expert. Les syndicats sont donc sommés de se réinventer et faire preuve de créativité.»
Sans pour autant faire une croix définitive sur les manifestations et grèves classiques, la CSC souhaite passer à la vitesse supérieure. «Les visites impromptues aux domiciles sont sans doute peu agréables, et nous préférerions d’ailleurs les éviter, reconnaît Felipe Van Keirsbilck. Mais face à un gouvernement qui a fait de la violence politique son standard, nous sommes obligés de répondre de manière proportionnée.»
Pas de violence
Le secrétaire général de la CNE promet d’ailleurs de ne pas en rester là. «On va continuer à déranger les politiques chez eux et à perturber leur vie familiale, ou du moins personnelle, jusqu’au jour où ils accepteront de discuter avec nous.» Le syndicaliste promet toutefois de ne jamais avoir recours à la violence physique. «Nous ne blesserons personne et respecterons toujours l’intégrité de chacun, comme nous l’avons fait lors de ces deux premières actions, contrairement à ce qu’a pu affirmer M. Verougstraete. Nous n’avons terrorisé –et nous ne terroriserons– personne.»
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Sur le plan légal, ces visites nocturnes improvisées ne sont a priori pas interdites, pour autant qu’elles restent pacifiques et qu’il n’y ait pas de violation de domicile. «Même si, en principe, le droit de manifester est soumis à autorisation, rappelle Jean Faniel. Mais peut-on réellement considérer un rassemblement d’une vingtaine de personnes comme une manifestation?» Pour le directeur du Crisp, la seule infraction qui peut justifier le démantèlement de l’action (voire des interpellations) serait le tapage nocturne.
Une intervention qui n’effraie pas Felipe Van Keirsbilck. «On est tout à fait prêts à être arrêtés par la police», assure le secrétaire général de la CNE, qui y voit une occasion de se pencher sur la définition du tapage «nocturne». «Si le tapage se fait à des heures où des employés et des ouvriers sont amenés à travailler, sans que leurs conditions de travail et de rémunération n’aient fait l’objet d’une négociation collective, où se situe le problème?», ironise le syndicaliste.