CSC services publics
La CSC Services Publics en action à Liège pour défendre les CPAS, le 24 avril dernier. © BELGA

Management toxique à la CSC Services publics? « De tels faits, s’ils sont avérés, sont inacceptables» (info Le Vif)

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

La grogne monte au sein de la CSC Services publics, où les plaintes informelles à l’encontre du secrétaire général et à propos des conditions de travail se multiplient. Un plan d’actions pour améliorer le bien-être du personnel est sur les rails.

Le courrier est pour le moins direct: le 4 avril dernier, les quatre secrétaires permanents fédéraux de la CSC Services publics s’adressent au vice-président (francophone) de cette centrale syndicale, Stéphane Deldicque, pour lui demander de «mettre un terme au management toxique du secrétaire général et de lui rappeler les valeurs de base de la centrale, la solidarité envers les collègues, l’empathie, la loyauté et le respect d’autrui». Ce courrier fait état de propos malveillants et insultants tenus par ledit secrétaire général, Ludovic Luciani, envers certains collègues. Mais aussi du non-respect, par lui, de la confidentialité des échanges au sein du bureau journalier ou encore de menaces de licenciements. «Des comportements similaires avaient [déjà] créé des problèmes relationnels», insistent les signataires de la lettre.

Le vice-président Stéphane Deldicque avait alors répondu, selon les informations obtenues par Le Vif, que «le bureau resterait vigilant sur les interactions, attitudes et comportements de Ludovic». Ce dernier, détaché du SPF Finances, est entré dans la vie syndicale en 2018. Secrétaire général de la CSC Services publics depuis novembre 2024, il a aujourd’hui terminé son stage et attend sa nomination définitive. Son évaluation lui a été communiquée la semaine dernière. «Elle reprend tout ce qui s’est passé depuis six mois, assure Stéphane Deldicque. Et comporte des points d’attention.» Il revient désormais aux autorités de la centrale fédérale, néerlandophones comprises, de se prononcer. «Tant que cette évaluation n’a pas été discutée, une nomination n’est pas à l’ordre du jour», précise Ilse Heylen, la présidente de la centrale.

D’aucuns reprochent également à Ludovic Luciani d’avoir, par le passé, occupé des fonctions politiques. Il figurait à la troisième place sur la liste DéFI à Liège, pour le scrutin communal de 2018. Lors du rapprochement de cette section avec celle des Engagés, en février 2023, il a pris la présidence liégeoise du parti turquoise. Depuis lors, il a, affirme-t-il, remis tous ses mandats politiques. Une motion interne à la centrale, votée en 2015, impose en effet une séparation stricte entre le syndicat et le monde politique. Ce qui n’empêche pas des voix de s’élever en interne pour pointer du doigt la proximité du secrétaire général avec le parti de la ministre de la Fonction publique, Vanessa Matz, avec laquelle le syndicat doit notamment négocier le statut des fonctionnaires.

«Un tel management, fait de menaces, de rumeurs, de passe-droit, selon qu’on soit proche ou pas de la direction francophone, n’a pas sa place au sein de la CSC Services publics».

Le vice-président aussi épinglé

Le 3 juillet, la délégation syndicale de la CSC Services publics adressait à son tour une lettre ouverte à toute la direction de la centrale, comité national compris. Y était pointé «un climat toxique au sein de l’organisation, qui impacte sérieusement la santé mentale et l’engagement du personnel» ainsi qu’«un management qui n’a pas sa place au sein de la CSC Services publics, fait de menaces, de rumeurs, d’intimidations, de passe-droits selon qu’on soit proche ou pas de la direction francophone. […] Le sentiment d’insécurité, le manque de respect et la désillusion face à un vice-président (NDLR: Stéphane Deldicque) que le personnel considère absent créent un climat psychosocial délétère, que vos équipes vivent douloureusement», pouvait-on y lire. Plusieurs membres du personnel ont en effet entrepris des démarches auprès de la médecine du travail et du service externe pour la prévention et la protection au travail Idewe, selon les informations recueillies. Aucune plainte formelle n’a toutefois été déposée.

Interrogé par Le Vif, Ludovic Luciani ne nie pas les problèmes auxquels sa centrale est confrontée: «Il y a des choses à améliorer et j’y travaille» – mais il conteste les reproches personnels dont il se dit la cible. Il rappelle d’ailleurs qu’il n’a pas fait l’objet de sanctions de la part du Bureau journalier. «Aucune des accusations portées ne repose sur des faits objectivement établis ou corroborés par des preuves tangibles, écrit son avocat dans un courrier de défense adressé au vice-président de la centrale. Plusieurs des affirmations relèvent d’allégations unilatérales, de rumeurs ou d’interprétations personnelles.»

Stéphane Deldicque, de son côté, confirme que «des incidents, des altercations ou des malentendus sont inhérents à la vie d’une organisation. Tout n’est pas simple… Mais s’il y avait un niveau de toxicité tel chez nous, avec un niveau de danger élevé, qui justifierait de nous séparer d’un membre de notre personnel, nous l’aurions déjà fait. Ça a d’ailleurs déjà été le cas par le passé. On ne peut toutefois s’empêcher de penser à ce qu’on a loupé ou à ce qu’on devrait faire pour rabibocher des gens qui doivent tout de même travailler ensemble.»

«Aucune des accusations portées ne repose sur des faits objectivement établis ou corroborés par des preuves tangibles.»

Une enquête accablante

En octobre 2024, les résultats d’une enquête, entamée avant la nomination de Ludovic Luciani au poste de secrétaire général et portant sur le bien-être psychosocial du personnel de la centrale, avaient révélé un taux de stress (33%), d’épuisement (56%), de risque de burnout (36%) supérieur à la moyenne. Du harcèlement (13%), du harcèlement sexuel (15%) et une pression au travail (44%) en ressortaient également.

La présidente et le vice-président de la CSC Services publics avaient assuré par courrier qu’un plan d’actions serait mis en place pour résoudre les problèmes soulevés et présenté à la délégation syndicale en septembre. «Ce plan a été discuté la semaine dernière avec les délégués, assure Ilse Heylen. Il porte notamment sur les questions de charge de travail, de communication dans l’organisation et des rôles de chacun. Je rappelle que ma porte est toujours ouverte.»

Contactée, Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, qui a reçu les secrétaires permanents fédéraux de la centrale le 11 avril, leur avait assuré par e-mail que «les éléments de dysfonctionnement que vous avez mis en avant sont importants et doivent être traités comme tels». Elle avait ajouté que «des initiatives seraient prises pour permettre à chacun.e de travailler de manière sereine». C’était il y a cinq mois. «Même si les centrales jouissent d’une forte autonomie, nous serons intransigeants en cas de non-respect de nos valeurs de base, a-t-elle répété au Vif. De tels faits, s’ils sont avérés, sont inacceptables.»

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