Une récente polémique révèle l’étonnement autour des travailleurs concernés par la réforme du chômage. Selon la FGTB, ils seraient au moins 8.000.
Quand elle a dégainé son téléphone, le week-end dernier, Carol Zanin ne se doutait probablement pas qu’elle exposerait l’ignorance de beaucoup de monde. La sienne, d’abord, (mais c’est un détail, car la réforme du chômage est complexe). Celle de l’Onem (Office national de l’emploi), ensuite, qui lui aurait dit qu’elle n’était pas concernée par celle-ci. Et même celle du ministre de l’Emploi, David Clarinval (MR), qui accuse les syndicats d’utiliser les listings syndicaux à des fins «d’enrôlement pour une « révolution populaire »».
Retour sur les faits. Carol Zanin est pigiste dans le secteur de l’audiovisuel (TV5MONDE, LCI et LN24, à en lire sa description sur les réseaux sociaux). Récemment, elle a reçu une communication de son syndicat lui indiquant qu’en juin 2026 n’aurait bientôt plus droit aux allocations de chômage, qu’elle touche en complément de ses revenus. La travailleuse a contacté l’Onem pour en savoir plus, et l’organisme lui a répondu qu’elle ne risquait rien, avant d’accuser les syndicats d’alerter la population à des fins de mobilisation populaire en vue des mouvements syndicaux à venir. «Est-ce que vous vous imaginez? Les syndicats font cela pour inciter les gens à manifester? Alors que certains, comme moi, ne seront pas exclus du chômage», a-t-elle tonné dans une vidéo devenue virale sur Facebook.
8.100 travailleurs pénalisés par la réforme du chômage, selon la FGTB
Après vérifications, il s’est avéré que Carol Zanin sera bel et bien concernée par l’exclusion du chômage en 2026. «Moi, je bosse, souffle l’animatrice TV, ceux qui me connaissent le savent bien.» Et elle n’est pas la seule dans le cas, au regard de la flexibilisation du marché du travail. La CSC a même fondé United Freelancers, en 2019, une branche dédiée aux travailleurs indépendants riche de 10.000 membres (et 100.000 des affiliés de la confédération des syndicats chrétiens ont une activité d’indépendant complémentaire). «On accompagne des travailleurs précaires, atypiques, des pigistes, des indépendants complémentaires, explique son porte-parole, Martin Willems. Ce sont des personnes qui, comme madame Zanin, facturent régulièrement, généralement via une entreprise comme la Smart, mais qui restent des personnes au chômage. Pour les jours où elles ne travaillent pas, elles touchent un chômage qui se situe entre 40 et 70 euros.»
Les cas similaires à celui de Carol Zanin sont donc probablement (très) nombreux. Contacté, l’Onem dit ne pas disposer de données sur les salariés passant par une entreprise exerçant des activités similaires à celles de la Smart, ni de données sur les activités annexes des chômeurs. «Ce sera un pourcentage important de nos affiliés, redoute Martin Willems. On a vu passer le chiffre de 30%, mais ce sera peut-être plus. Pourtant, ce sont des gens qui bossent jusqu’à 15 jours par mois.» Des chiffres qui se vérifient au niveau de la FGTB, où 3.656 des 11.187 (soit 32%) des travailleurs à temps partiel touchant une allocation de garantie de revenus seront exclus en 2026. La FGTB ayant environ 45% des travailleurs du pays dans cette situation à sa charge, on imagine un chiffre supérieur à 8.000 personnes.
«Le travailleur à temps partiel avec allocation de garantie de revenus ne sera pas exclu s’il preste plus d’un mi-temps», précise la porte-parole du syndicat rouge. Dans un régime différent de celui de Carol Zanin, le travailleur à temps partiel qui preste plus d’un mi-temps ne sera pas exclu du chômage lorsque celui-ci prendra fin. En revanche, son chômage sera également partiel avant d’être, comme les autres, réduit à néant après deux ans.
«Des gens de 50 ans»
United Freelancers recense trois situations où il est possible de travailler tout en étant au chômage. D’abord, si un indépendant complémentaire perd son emploi principal, il peut conserver ses allocations de chômage à condition d’avoir été occupé pendant au moins trois mois avant la demande d’allocations. Ces allocations seront naturellement réduites au prorata du gain créé par l’activité d’indépendant complémentaire. Ensuite, une personne au chômage et qui se lance comme indépendant peut cumuler aussi bien l’allocation de chômage que ses revenus liés à son activité d’indépendant pendant douze mois, en guise de tremplin. Enfin, un indépendant qui l’a été à titre principal pendant au minimum six mois, ou au maximum quinze ans, peut cesser son activité et retrouver le chômage (au lieu d’exercer son droit passerelle).
Dans les profils d’artistes, de pigistes et d’indépendants menacés par la réforme du chômage, c’est l’image des jeunes qui se lancent qui prédomine. «On a beaucoup de jeunes pigistes à temps plein suite à l’évolution du marché du travail, mais ce n’est pas que ça, assure Martin Willems. On a des gens de 50 ans qui bossent depuis des années pour des grandes boites comme la RTBF ou RTL également.»