Le 15 septembre, le ministre de l’Egalité des chances, Rob Beenders (Vooruit) lance une nouvelle campagne de sensibilisation destinée aux employeurs. Le but: promouvoir l’égalité de genre sur le marché du travail.
Coordonnée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH) et financée par l’Union européenne, la campagne cible les employeurs. «Ceux qui s’engagent en faveur de l’égalité de genre et de l’inclusion sont plus attrayants, plus innovants et plus performants, souligne Rob Beenders. Notre campagne montre que soutenir toutes les femmes, et en particulier celles en situation de vulnérabilité, n’est pas seulement une question d’équité sociale, mais aussi une stratégie judicieuse pour une entreprise.» Ça vaut nettement le coup! Ainsi, les entreprises qui misent sur des mesures favorables à l’égalité de genre enregistrent des performances supérieures, avec une productivité accrue et une croissance financière pouvant aller jusqu’à 9%.
En plus d’une campagne publicitaire, l’opération est soutenue par des témoignages d’entrepreneurs, de responsables des ressources humaines et de femmes en situation de vulnérabilité. Parallèlement, le site genderatwork.be est mis en ligne: les employeurs y trouvent une série d’outils pratiques et des exemples concrets de réussite.
Son contenu s’inspire du travail mené par l’IEFH. Ce dernier vient en effet de publier une étude intitulée «Femmes en situation de vulnérabilité sur le marché du travail. Bonnes pratiques en vue d’une meilleure inclusion.» Elle livre de nombreuses statistiques éloquentes, révélant crûment les inégalités persistantes entre les femmes et les hommes sur le marché du travail.
Des inégalités salariales persistantes
En 2024, les femmes gagnent un salaire annuel inférieur de 19,9% à celui des hommes. Cet écart s’amplifie sensiblement avec l’âge et augmente encore avec le niveau de qualification. Autrement dit, les hommes tirent toujours plus d’avantages de leur niveau de diplôme. Les inégalités salariales s’expliquent en premier lieu par l’importance du temps partiel féminin. En Belgique, 40,2% des salariées travaillent à temps partiel contre 12,1% des hommes. Moins rémunéré, plus incertain quant à sa stabilité et bénéficiant d’un degré moindre de protection sociale et de contrôle des conditions de travail, ce régime expose davantage les femmes à la précarité.
Par ailleurs, elles sont surreprésentées dans des secteurs où les rémunérations sont plus faibles alors que les hommes évoluent plutôt dans des secteurs plus lucratifs (la finance, les technologies ou l’ingénierie). Ainsi, 25,1% des femmes travaillent dans le secteur de la santé humaine et de l’action sociale.
Emploi temporaire, chômage, inactivité…: la précarité se conjugue au féminin
L’emploi temporaire concerne légèrement plus de femmes que d’hommes (11,3% pour les premières, 10,5% pour les seconds). Un emploi dont le caractère temporaire est subi, puisqu’il est rarement un choix: seuls 25,1% de ces contrats sont déclarés volontaires.
Les femmes restent également exposées à des risques «largement sous-estimés». Elles sont davantage confrontées à des conditions de travail «médiocres», à des environnements peu sécurisés et à des salaires plus faibles. Les secteurs féminins bénéficient souvent moins de politiques de prévention. Ces facteurs influencent directement leur santé: le nombre de femmes en incapacité de travail de longue durée a explosé et l’écart entre les sexes ne cesse de croître (15% chez les femmes, 6% chez les hommes).
Sur le front du chômage, en 2021, 31% des chômeuses détiennent un diplôme de l’enseignement contre seulement 22% des chômeurs. Cet écart illustre «la difficulté des femmes à valoriser leurs qualifications, pointe le rapport. Les hommes jouissent d’une reconnaissance plus rapide ou d’opportunités plus accessibles pour des postes équivalents.»
Si le taux de chômage est quasi identique entre femmes et hommes, le taux d’activité, lui, se différencie. Il s’élève à 76,1% chez les hommes et 68,3% chez les femmes. La plupart des travailleuses expliquent cet éloignement du travail principalement par les soins consacrés aux enfants ou aux adultes dépendants (26,1%), une raison qui est seulement partagée par un homme sur dix. Un statut dont il est difficile de sortir: 92% des inactifs en 2022 le sont encore un an plus tard.
Les femmes d’origine étrangère rencontrent encore davantage d’obstacles dans leur insertion professionnelle. Si le taux de chômage est plus élevé parmi les personnes hors Union européenne, l’inactivité suit la même tendance. Leur taux d’emploi n’est que de 47%. «Les femmes issues de l’immigration subissent donc une double pénalité dans leur recherche d’emploi par rapport aux hommes d’origine belge.» Ces données font de la Belgique l’un des pays les moins performants à cet égard.
La pénalité liée à la maternité est la grande coupable des écarts salariaux entre les femmes et les hommes.
Difficultés à combiner maternité et vie professionnelle
Le rapport continue d’égrener les chiffres… Or, les femmes ne sont pas, par définition, un groupe vulnérable. Leur vulnérabilité découle, en réalité, de structures sociales, économiques et culturelles profondément ancrées. Car, malgré les progrès réalisés au cours des dernières décennies, les véritables inégalités ne disparaissent pas, parce qu’elles continuent d’échapper à la loi, se logeant dans ce continent abrité des regards qu’est l’espace domestique, ce lieu figé où trop peu de choses ont changé.
Plusieurs facteurs expliquent encore, aujourd’hui, les taux d’activité plus faibles des femmes. Celles-ci assument majoritairement le travail ménager et parental. En heures hebdomadaires, celles exerçant une activité à temps plein consacrent, en moyenne, 24h52 aux tâches ménagères, aux soins et à l’éducation des enfants, contre 15h18 pour leurs compagnons. Les femmes occupées à temps partiel ou ne travaillant pas y passent 28 heures par semaine. Bien sûr, l’écart est moins élevé qu’il y a 20 ans, mais cette réduction ne doit pas grand-chose aux efforts des hommes. Si l’écart a baissé, c’est essentiellement parce que les femmes vouent moins de temps aux activités domestiques.
Dans les secteurs où se concentrent les femmes peu qualifiées (par exemple, le nettoyage), la flexibilité et les horaires coupés, combinés à un manque de places dans les crèches à un coût abordable, rendent cette conciliation encore plus difficile. L’écart salarial pousse souvent les couples à privilégier l’emploi masculin en cas de nécessité. Enfin, certaines politiques renforcent l’inégale répartition du travail domestique, comme la durée encore trop courte du congé de naissance.
Ces inégalités dans le travail domestique influent fortement sur les écarts salariaux.
«Pénalité de l’enfant»
Les conséquences de la parentalité sur le taux d’emploi sont également très frappantes. En Belgique, un écart élevé entre les taux d’emploi des femmes et des hommes émerge dès la tranche d’âge 25-34 ans et persiste ensuite durant toute la vie. Cette tranche d’âge correspond à celle où les femmes deviennent mères. Un écart que les chercheurs qualifient de «pénalité de l’enfant». Ainsi, à niveau de qualification équivalent, une mère a 3,2% de chances en moins d’être à l’emploi qu’une femme sans enfant. En revanche, pour le père, l’enfant représente un «bonus»: avec le même profil, il est à 5,3% plus susceptible d’être employé. La pénalité pour la mère augmente avec le nombre d’enfants. En moyenne, elle s’élève à 12% pour les femmes ayant un ou deux enfants, jusqu’à 20% au troisième et au-delà. A l’inverse, plus un homme a d’enfants, plus il endosse de responsabilités: on peut à cet égard parler d’«escalator de verre». Alors que, pour une mère, cette corrélation est plutôt négative.
Etre mère, c’est surtout voir son salaire s’effondrer: pour le premier enfant, le revenu des femmes subit une chute relative de 40% l’année de la naissance (en incluant le congé maternité) et une pénalité durable de l’ordre de 30%, jusqu’à huit ans après la naissance du premier enfant. En cause, trois composantes: interruption de carrière, réduction durable des heures rémunérées et pénalisation en salaire horaire. Et, plus le salaire des femmes est bas au départ, plus la pénalisation est sévère…