Task masking
La moitié des travailleurs et travailleuses belges admettent faire parfois semblant d’être occupés. © Getty Images/Tetra images RF

Manque de motivation, mécontentement: le task masking, où quand le travailleur fait semblant d’être débordé

Au bureau, certains travailleurs semblent toujours occupés, pourtant, leurs tâches n’avancent pas. Inconsciemment ou non, ils pratiquent le task masking. Manque de motivation ou encore réponse à un mécontentement face à la culture du travail, les raisons sont multiples.

La pandémie a complètement bouleversé la vie des Belges, notamment celle des travailleurs, qui en gardent encore quelques stigmates, mais aussi certaines habitudes dont ils ne consentent pas tout à fait à se défaire. Alors qu’il y a cinq ans, le télétravail s’est presque généralisé, aujourd’hui, il a été souvent réduit, ou a parfois complètement disparu. Si certains se font une joie de retrouver leurs collègues jour après jour, d’autres voient ce retour sur le chemin du bureau comme une contrainte dont ils ne comprennent pas tout à fait l’utilité.

Ce mécontentement a donné naissance à des parades pour contester une culture du travail qui valorise toujours plus le présentéisme, comme s’il s’agissait d’une preuve de productivité. Elles se nomment quiet quitting, office ghosting, conscious unbossing, revenge quitting… La plus récente, popularisée sur TikTok, s’appelle le task masking, ou la «simulation de tâches», dans la langue de Molière. Le travailleur ou la travailleuse fait croire à ses collègues ou à ses patrons qu’il est débordé, exagérant parfois ostensiblement le trait, alors qu’il n’en est rien. Selon une enquête menée par le service RH Liantis, la moitié des quelque 500 travailleurs belges interrogés admettent faire parfois semblant d’être occupés. Un art de dissimuler qui est surtout populaire chez les moins de 35 ans: 63,1% d’entre eux ont, en effet, indiqué être partisan du task masking.

S’il existe un écart entre les plus jeunes générations et leurs aînés, l’âge n’aurait pas grand-chose à voir avec l’émergence de ce phénomène, selon Evy Sadicaris, psychologue du travail. Il s’agit selon elle avant tout d’un manque de motivation chez les travailleurs. «Souvent, c’est parce que les gens ne trouvent pas leurs tâches suffisamment utiles ou porteuses de sens, parce que les collaborateurs ne sont pas en phase avec les normes et les valeurs de l’entreprise, ou parce qu’ils ont l’impression d’avoir trop peu d’autonomie, indique-t-elle. Peut-être aussi ne se sentent-ils pas suffisamment compétents pour mener certaines tâches à bien.» En étant virtuellement trop occupés, les task maskers évitent ainsi un potentiel échec et n’écornent pas l’image que leurs collègues ont d’eux.

Une stratégie du task masking limitée

Les stratégies et conseils distillés sur TikTok pour prétendre être débordé sont nombreuses: paraître très concentré sur son écran, taper bruyamment sur son clavier, passer un appel privé en prétendant qu’il s’agit d’un coup de téléphone professionnel… Mais la palme de la fausse excuse revient sans nul doute à la réunion. Selon Liantis, 10% des sondés admettent prévoir des réunions plus longues que nécessaire, voire prétendre participer à une réunion qui n’existe pas.

Malgré la pléthore de moyens employés par les travailleurs pour en faire le moins possible tout en faisant croire qu’ils sont (très) actifs, le task masking n’est pas tenable. Premièrement, parce qu’à force de prétendre, certaines tâches risquent de s’accumuler, le travailleur finissant par prendre du retard. Deuxièmement, car il arrivera peut-être un moment où l’entourage professionnel découvrira le pot aux roses, avec, à la clé, des sanctions, voire un licenciement. Enfin, parce qu’à force de prétendre qu’il travaille assidûment, l’employé risque de souffrir de bore-out, un épuisement professionnel par l’ennui.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire