
«En vacances, mon patron me dérange»: pourquoi vous n’êtes plus obligé de lui répondre
Voilà deux ans que le droit à la déconnexion est devenu un droit légal. Si les travailleurs belges ne sont plus tenus de répondre aux sollicitations de leurs employeurs, plus de la moitié se sent encore aujourd’hui obligée de le faire. Cela signifie dès lors que certains patrons ne prennent toujours pas en compte ce droit de scinder vie privée et vie professionnelle.
Le 10 novembre 2022 était publiée une loi portant sur «les dispositions diverses relatives au travail» –aussi appelée deal pour l’emploi–, parmi lesquelles le droit à la déconnexion. Grâce à cette mesure, le personnel d’entreprises comptant plus de 20 employés n’est plus tenu de répondre ni aux appels téléphoniques, ni aux SMS, ni aux mails reçus en dehors des heures de travail. Sauf en cas de circonstances exceptionnelles. Ce deal vise à améliorer le bien-être des travailleurs en leur offrant un meilleur équilibre entre travail et vie privée.
La loi devait concrètement entrer en vigueur le 1er janvier 2023, mais les entreprises ont bénéficié d’un délai supplémentaire de trois mois pour fixer les modalités en la matière. Désormais, patrons comme travailleurs sont tenus de respecter le droit de déconnexion de leurs collègues ou employés. Dans les faits, pourtant, la mesure n’est pas strictement respectée. Parfois par choix, parfois pas.
Un droit à la déconnexion hétérogène
Selon une enquête du spécialiste de la gestion du temps et du personnel Protime, 52% des employés belges francophones souhaitent rester injoignables en dehors des heures de bureau. Cependant, 28% d’entre eux reçoivent encore occasionnellement ou souvent des appels téléphoniques, messages et autres courriels professionnels en soirée, les week-ends et/ou durant leurs congés.
Avoir instauré une loi sur le droit à la déconnexion est une chose. Que les employeurs et collaborateurs la respectent en ne sollicitant pas leurs collègues, c’en est une autre. Sauf que seuls 38% des sondés indiquent recevoir moins d’appels, de messages ou de mails depuis que le deal pour l’emploi est entré en vigueur.
Il suffirait bien entendu de ne pas décrocher, car c’est là toute l’idée de la mesure: ne pas être tenu de répondre aux sollicitations professionnelles sur son «temps libre». Sauf que sept travailleurs sur dix (69%) se sentent dans l’obligation de le faire promptement. «Le fait d’être contacté d’une façon ou d’une autre en dehors de nos heures de travail ne signifie pas forcément qu’une réaction immédiate est attendue. Pourtant, la plupart des employés l’interprètent ainsi», indique Lode Godderis, professeur de médecine du travail à la KU Leuven.
Etes-vous plutôt séparateur ou intégrateur?
Etre sollicité par un patron, un collègue ou un client en dehors des heures de bureau n’est pas accueilli de la même façon par tous les travailleurs. Les experts des relations humaines distinguent deux profils: les séparateurs et les intégrateurs. Les premiers (44%) tiennent à scinder vie privée et vie professionnelle. Les seconds (38%) ne voient pas d’inconvénients à ce que leur travail empiète sur leur vie privée.
Ces statuts ne sont toutefois pas stricts. 19% des sondés se disent totalement séparateurs et 14%, totalement intégrateurs. Mais 48% des travailleurs sont un peu des deux, parfois avec un profil davantage séparateur (24%) ou davantage intégrateur (24%), ou carrément «50/50» (9%). Enfin, 9% ne se sentent appartenir à aucun de ces deux types d’employés.
Ces statuts ne sont pas non plus définitifs. Le séparateur peut devenir un intégrateur, et vice-versa. «La perception peut évoluer en fonction de la situation. Notre approche du travail peut aussi changer avec le temps», affirme Katelijn Nijsmans, neuroscientifique et fondatrice de How’s Work, cabinet de conseil hollandais. Cela peut être le cas après des changements familiaux, une promotion ou un changement d’emploi, par exemple.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici