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Réforme (difficile) des titres-services: un meilleur salaire, sans supplément pour les utilisateurs

Laurence Van Ruymbeke
Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Les 134.000 personnes actives dans les titres-services seront mieux payées à partir de ce mois de juillet. Les gouvernements avaient mis la pression sur les employeurs pour aboutir à un accord.

Ouf! Après des mois de négociations à couteaux tirés, fédérations patronales, syndicats et gouvernements régionaux sont tombés d’accord pour augmenter de 0,77 euro brut le salaire horaire des aides ménagères et de leurs (peu nombreux – voir encadré ci-dessous) collègues masculins. Cette revalorisation salariale concernera quelque 134.000 personnes. Elle équivaut à quelque 552 euros net de plus par an pour un horaire hebdomadaire de 24 heures de travail, soit une augmentation de quelque 6%. La mesure entrera en vigueur en ce mois de juillet en Flandre et en Wallonie, mais pas à Bruxelles, faute de gouvernement de plein exercice. L’accord tout frais prévoit toutefois que les entreprises auront la possibilité d’accorder la même augmentation salariale à leur personnel avant la fin de l’année 2025. Une prime unique de 208 euros sera aussi versée aux salariés, couvrant le premier semestre de 2025.

Cette revalorisation salariale, évidemment bienvenue, viendra enjoliver les salaires horaires brut minimum en vigueur depuis le 1er mars dernier dans ce secteur: ils restent faibles par rapport à d’autres secteurs d’activités, de l’ordre de 13,90 euros pour un an d’ancienneté et de 14,76 euros pour au moins trois ans d’ancienneté.

Les discussions sur cette augmentation de salaire ont été d’autant moins évidentes que le secteur impose de négocier en tripartite: d’une part les organisations syndicales qui représentent le personnel, d’autre part les fédérations patronales mandatées par les employeurs, et enfin les représentants des trois régions du pays. Bien que la négociation doive en effet se conclure au niveau fédéral, ce sont les régions flamande, wallonne et bruxelloise qui sont compétentes pour le secteur. Elles interviennent d’ailleurs à coups de centaines de millions d’euros pour le soutenir financièrement.

«Un dialogue structurel entre les différents gouvernements et les partenaires sociaux devient indispensable dans un secteur où trois gouvernements fixent chacun leur propre financement et leurs propres règles du jeu», estime Ann Cattelain, administratrice déléguée de Federgon, la fédération des prestataires de services RH. Depuis la sixième réforme de l’Etat, en 2014, ce n’est plus l’Etat fédéral mais les régions qui sont compétentes en la matière.

Un peu moins d’un euro

Depuis que les négociations avaient commencé, il y a plusieurs mois, les syndicats réclamaient une augmentation d’un euro de l’heure, une proposition rejetée par le banc des employeurs, soit Federgon, la plateforme flamande DCO et InitiativES, la fédération wallonne des entreprises d’insertion. En bout de course, ils n’auront obtenu qu’en partie ce qu’ils réclamaient, grâce, entre autres, à la pression mise sur les négociateurs par les différents gouvernements. Le ministre wallon de l’Emploi et de l’Économie, Pierre-Yves Jeholet (MR), avait ainsi menacé de réduire d’un euro la subvention régionale octroyée par titre-service aux entreprises du secteur pour le transmettre directement aux membres du personnel.

Du côté de Federgon, qui représente le secteur de l’intérim mais aussi celui des titres-services, on insiste sur l’effort consenti: «Les employeurs ont puisé profondément dans leurs réserves pour parvenir à un accord. Nous sommes soulagés que le budget supplémentaire payé par l’utilisateur –depuis la hausse de prix intervenue en janvier dernier– parvienne enfin à nos aide-ménagères, mais nous restons préoccupés par l’avenir de notre secteur», affirme Ann Cattelin. Le nombre d’employeurs dans ce segment d’activités est en effet en recul. Selon les données de l’ONSS pour le troisième trimestre 2024, on en décomptait alors 1.269 employeurs, soit 5,1% qu’un an plus tôt.

Combattre le travail au noir

Créé en 2004, le système des titres services poursuivait plusieurs objectifs: réduire le travail au noir dans le secteur des tâches ménagères, couvrir les employés concernés en termes de protection sociale et d’assurance contre les accidents du travail, et faciliter l’accès à l’emploi pour des personnes peu qualifiées. Des objectifs atteints. Le succès est toujours au rendez-vous: ainsi, en 2024, 16,8 millions de titres-services ont été achetés à Bruxelles, soit 7% de plus qu’en 2023. En Wallonie, quelque 293.000 utilisateurs ont recouru à 28,6 millions de ces chèques.

La viabilité du système repose sur la participation financière de ces utilisateurs, à hauteur de 10,20 à 12,40 euros/l’heure à Bruxelles, selon les quantités demandées, et 10,40 à 12,40 euros/l’heure en Wallonie. Les pouvoirs publics, quant à eux, interviennent pour environ 70% dans le subventionnement de ces emplois: la Région wallonne rembourse ainsi quelque 29 euros par heure prestée aux entreprises employeuses et la Région de Bruxelles-Capitale, 28 euros. Les pouvoirs publics compensent de la sorte le prix volontairement faible réclamé aux utilisateurs. Une formule dans laquelle tout le monde semble gagnant.

En chiffres

4,1%: c’est le pourcentage d’hommes travaillant dans le secteur des titres-services, selon les données de l’ONSS pour le troisième trimestre 2024 (dernières données disponibles). C’est peu mais c’est plus qu’à la même période de 2023, lorsqu’on ne recensait que 3,6% d’aides-ménagers.

36,2%: le secteur des titres-services compte plus d’un tiers de son personnel affichant plus de 50 ans. A l’autre bout de la pyramide des âges, seuls 3,7% des travailleurs de cette branche ont moins de 25 ans.

5,8%: c’est à Bruxelles que l’on trouve la part la plus importante de la population active dans les titres-services. En Flandre, ce chiffre s’établit à 3,5% et en Wallonie, à 2,9%.

12,7%: le secteur occupe très majoritairement du personnel travaillant à temps partiel. Seuls 12,7% des travailleurs sont actifs à temps plein ou quasiment.

75.885: au troisième trimestre de 2024, 148.168 personnes travaillaient dans le système des titres-services, occupant l’équivalent de 75.885 emplois à temps plein.

1.269: c’est le nombre d’employeurs dans le secteur, recensés à la fin de 2024. C’est 68 de moins qu’un an auparavant. On observe depuis plusieurs années une concentration des activités, via des fusions et acquisitions, au détriment des plus petites structures.

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