Le débat sur la reconnaissance de la Palestine animera le gouvernement Arizona, ce mercredi. Avant lui, la Suédoise et la Vivaldi ont toutes les deux joué la montre sur le sujet.
La reconnaissance de la Palestine comme un État est au cœur des débats politiques depuis plusieurs semaines. À quelques jours de l’assemblée générale des Nations Unies, la pression est forte au parlement et dans la rue pour convaincre le gouvernement de franchir ce pas, à l’instar d’autres pays européens.
Le débat n’est pas neuf. Depuis près de 20 ans, des résolutions sont déposées au fil des législatures à la Chambre pour obtenir cette reconnaissance qui ferait de la Palestine un sujet de droit international à part entière aux yeux de la Belgique. Jusqu’à présent, le royaume s’y refuse, même s’il accorde une représentation diplomatique à la Palestine en la personne d’un délégué qui présente non ses lettres de créance mais ses « lettres de mission » au Roi lors de son entrée en fonction.
La Suédoise édulcore la demande du PS et d’Ecolo
Le premier débat d’ampleur qui a eu lieu sur cette question remonte à 2015. A l’époque, les socialistes et les écologistes poussent un texte qui aurait consacré cette reconnaissance sans plus attendre. Mais la majorité « suédoise » s’y oppose, au premier chef le MR, parti du Premier ministre, Charles Michel, et du ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders. La majorité dépose un texte qui postpose cette reconnaissance « au moment opportun » et la soumet à des conditions traduisant l’esprit d' »équidistance » inspirant la diplomatie belge, mais jugées irréalisables par l’opposition, notamment « l’existence d’un gouvernement palestinien de plein exercice ayant autorité sur l’ensemble du territoire palestinien ». Appliquée à la lettre, une telle disposition empêcherait par exemple de reconnaître des pays comme Chypre, la Moldavie ou l’Ukraine.
En 2015, les libéraux francophones font déjà de la reconnaissance de la Palestine l’aboutissement d’un processus de paix. « Je pense sincèrement que cette résolution permettra de planter le cadre pour que l’État palestinien soit reconnu plus rapidement », affirme le 5 février la députée Kattrin Jadin… Dix ans plus tard, cette reconnaissance reste lettre morte.
Le MR n’est pas le seul parti mis sous pression dans la majorité suédoise. Plusieurs partis flamands rappellent à la N-VA le soutien historique du Mouvement flamand et de l’ex-Volksunie à la cause palestinienne. Quelques députés héritiers de cette tradition sont mal à l’aise, mais la N-VA imprime une nouvelle doctrine, réticente à la reconnaissance.
La Vivaldi décroche la Belgique du groupe de tête européen sur la reconnaissance de la Palestine
Le débat reprendra après l’attaque terroriste meurtrière menée par le Hamas en Israël le 7 octobre 2023 et la terrible répression qui s’abat sur Gaza. Le climat est alors électrique. Il n’est plus question d’unité comme dans le soutien à l’Ukraine, particulièrement du côté francophone. Au sein de la coalition Vivaldi, le MR d’un côté et le PS et Ecolo de l’autre mènent un âpre débat où entrent en jeu tout à la fois la fidélité des libéraux francophones à une grande partie de la communauté juive meurtrie par le 7 octobre et qui dénonce le regain de l’antisémitisme, et des partis de gauche interpellés par une partie de la population horrifiée par ce qu’un nombre croissant d’organisations et de pays qualifient de « génocide » dans la Bande de Gaza.
Devant le déchaînement de violence qui menace la survie de la population dans l’enclave palestinienne, plusieurs partis au sein de la coalition Vivaldi déposent de nouveaux textes visant la reconnaissance de la Palestine et des sanctions contre Israël. Seul le MR y fait clairement obstacle. Socialistes et écologistes ne sont pas seuls. Le CD&V et l’Open Vld veulent aussi aller plus loin qu’une approche strictement humanitaire. Les tensions sont vives au sein de la majorité, mais les libéraux francophones ne dévient pas de leur ligne de conduite: une reconnaissance de la Palestine serait contreproductive, couperait les canaux de discussion avec Israël et s’apparenterait à une récompense du Hamas. Les auditions, les séances de commission et les réunions de majorité sur fond de campagne électorale n’y changeront rien. La Belgique, un temps à la pointe dans le concert européen aux côtés de l’Espagne et de l’Irlande, quitte le groupe de tête. Elle ne reconnaîtra pas la Palestine.
Le MR et la N-VA toujours isolés au sein de l’Arizona
C’est désormais à l’Arizona d’être aux prises avec le sujet. La situation dans la Bande de Gaza n’a cessé d’empirer, les cris d’alarme des institutions onusiennes se sont succédé et un mandat d’arrêt vise plusieurs protagonistes du conflit, dont le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Prudents sous la législature précédente, les Engagés se montrent aujourd’hui assertifs aux côtés du CD&V et de Vooruit. L’annonce par le président français Emmanuel Macron d’une reconnaissance prochaine de l’État palestinien dans le cadre d’une initiative menée avec l’Arabie saoudite a plongé le gouvernement dans l’embarras. Elle lui impose de prendre position clairement d’ici à l’assemblée générale des Nations Unies le mois prochain.
Le MR et la N-VA paraissent toujours sur la même longueur d’onde et bloquent un ralliement belge, même si, tant chez les nationalistes que les libéraux, des voix importantes comme celles de Zuhal Demir ou Louis Michel font entendre un autre écho. En attendant, les dissonances sont évidentes entre les partenaires de majorité. Le 16 juillet, dans un rare aveu à la Chambre, le ministre des Affaires étrangères, Maxime Prévot, a confié qu’il était bloqué au gouvernement sur cette question.
Le Premier ministre, Bart De Wever, a convoqué un comité ministériel restreint pour discuter du sujet mercredi. M. Prévot y présentera des propositions. « Si la Belgique ne progresse pas vers la reconnaissance de la Palestine en septembre, il n’y aura bientôt plus rien à reconnaître », a-t-il fait remarquer en commission le 14 août, avant de mettre en garde contre le risque d’une crise gouvernementale quelques jours plus tard.
La Chambre pourrait-elle prendre le relais du gouvernement en cas de blocage persistant? À gauche, l’opposition a appelé à la formation d’une majorité de rechange. Un scénario écarté par Maxime Prévot.