Plusieurs dizaines de livraisons d’armes ou de matériel militaire nécessaire à Israël ont transité par la Wallonie, a-t-on appris en mai 2024. © Belga / Didier De Hoe

Pourquoi la Wallonie a tant de mal à empêcher le transit d’armes vers Israël à Liège Airport

Sylvain Anciaux

Le parlement de Wallonie s’est réuni en urgence mardi afin de clarifier sa politique à propos du transit d’armes vers Israël. L’opposition souhaite renforcer les contrôles de matériel à destination de l’Etat hébreu, tandis que le MR et Les Engagés assurent que d’autres autorités s’en chargent.

«Cette passivité, c’est de la complicité.» L’accusation du député wallon Julien Liradelfo (PTB) à l’encontre de la majorité wallonne MR-Engagés était lourde, ce mardi en commission des Relations Internationales du parlement de Wallonie. L’assemblée s’est réunie en urgence, cinq jours après la Commission des Affaires Extérieures du Parlement fédéral, afin de débattre des mesures à prendre en Région wallonne quant à la situation en cours à Gaza.

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L’enjeu est assez concret. En mai 2024, plusieurs associations et médias ont révélé que des dizaines de cargaisons d’armes américaines ou de matériel utilisé par l’armée israélienne ont transité vers Israël via l’aéroport de Liège. Alors ministre-président et donc en charge des licences d’exportation d’armes, Elio Di Rupo (PS) avait pris un arrêté interdisant aux avions transportant du matériel vers Israël de se poser à Bierset ou ailleurs en Wallonie. Le texte avait été cassé par le Conseil d’Etat un an plus tard.

Transit d’armes vers Israël à Liège Airport: plusieurs cadres légaux contournés

Pour autant, affirmer que Liège Airport, et donc la Wallonie, est un point d’attache logistique pour l’armée israélienne est précipité. Un décret daté de 2012 soumet chaque arme ou composant militaire transitant par la Wallonie à une licence octroyant son départ vers l’étranger. «Sauf que ce décret ne prévoit pas de licence pour les transits sans débordement (NDLR: la maintenance et le renflouement en kérosène de l’avion transportant le matériel, par exemple), souligne Manuel Lambert, juriste à la Ligue des Droits Humains (LDH). Il y a des trous dans la raquette, et les entreprises les cherchent. Quand les Pays-Bas ont comblé les leurs, ces entreprises se sont installées à Liège.»

La Wallonie n’est pourtant pas la seule à être responsable du contenu du matériel passant sur son territoire. Au niveau international, le Traité des Nations Unies sur le commerce des armes (TCA) institue des normes communes les plus strictes possibles. Une position commune des Etats membres de l’Union Européenne réglemente également le contrôle des transferts d’armement. Sauf que, dans un éclairage publié par le Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité, ces textes sont rédigés de manière à n’être pas contraignants pour les Etats chargés de contrôler leur application. En Belgique, cette compétence revient aux régions, mais celles-ci ont décidé d’adopter une position commune, précise le ministre-président wallon, Adrien Dolimont (MR). «Le décret (NDLR: adopté en mai 2024 par Elio Di Rupo) ne donne aucune habilitation à l’exécutif, ni au ministre-président, ni au gouvernement pour prendre des mesures d’interdiction générales de ce type. Cela reste du cas par cas. Il est donc nécessaire de modifier le décret pour intégrer une telle habilitation à l’exécutif. Cette réflexion est bien entendu en cours dans notre travail de révision du décret. Quant au timing, j’ai l’intention de le faire passer en première lecture avant la fin de l’année.»

Les choses avancent, mais trop timidement aux yeux de la Ligue des Droits Humains. «La circulaire de Di Rupo est insuffisante, mais le Conseil d’Etat l’a cassée pour une question de procédure, non de fond. Les politiques régionales travaillent sur des actes juridiques avec ces licences d’exportation, mais un décret même remanié ne permet pas le respect du droit humain international, assure Manuel Lambert. Il faut aussi des garanties politiques.» Cela passe par la reconnaissance d’un génocide ou de l’Etat palestinien, ce qui embarrasse le tandem MR-Engagés pour le moment. «On ne cherche pas à faire de la politique de symboles, répond le cabinet Dolimont. On s’alignera sur la position du gouvernement fédéral.»

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