La convention de l’Aviq sera amputée de son indexation, a décidé le gouvernement wallon pour son budget 2026. C’est une première historique qui porte des stigmates d’un contexte sociétal et institutionnel.
C’est une première dans son histoire: l’Aviq, l’Agence pour une vie de qualité, voit ses moyens diminuer. Le gouvernement wallon MR–Les Engagés compte économiser 5,6 millions sur son fonctionnement et opérer un recentrage de ses missions pour 28,3 millions. Soit près de 33,9 millions au total sur un budget de sept milliards d’euros, l’un des postes de dépenses les plus importants du gouvernement régional. «Moins d’1% du budget de la Santé», précise le cabinet Coppieters.
L’Aviq, c’est quoi ?
L’Aviq est une agence régionale créée en 2016 suite à la sixième réforme de l’Etat. A l’époque, la Wallonie met en place une unité d’administration publique (UAP) décentralisée gérant les compétences de la santé, du bien-être, de l’accompagnement des personnes âgées, du handicap et des allocations familiales.
L’Aviq s’avère la troisième plus importante ligne d’économies de ce budget 2026. Seules les réductions de l’enveloppe de l’Aide à la promotion de l’emploi (APE) sont plus conséquentes (83,7 millions), ainsi que la compensation aux communes du plan Marshall (45 millions).
«Le but n’est pas de rompre la sécurité sociale, mais on doit faire plus avec moins.»
Menaces sur les mesures récentes
Des mesures concrètes sont en partie déjà connues pour atteindre les 5,6 millions d’économie sur le budget de l’Aviq: non-remplacement des fonctionnaires qui partent (sauf pour les postes critiques), fin de l’indexation de la dotation, réaffectation de moyens en interne… En revanche, pour les mesures externes et le fameux recentrage des missions de l’Aviq, le flou demeure. «On attend un débriefing du cabinet, précise la porte-parole de l’agence. On attend encore de connaître nos recettes pour l’année 2026. Sur cette base, les instances internes élaboreront un budget affiné.»
Christie Morreale (PS), prédécesseure du ministre Coppieters à la Santé, a sa petite idée. Généralement, une dépense liée au social ou à la santé est d’abord mise sur pied grâce à des subventions ponctuelles, le temps de faire sa maladie de jeunesse, avant de s’intégrer durablement au budget par un décret après quelques années sans accroc. Pour la socialiste, ces subventions sont aujourd’hui en position vulnérable, car légalement moins protégées. «On parle par exemple de 180 psys répartis en équipes mobiles pour faire face aux problèmes de santé mentale, de maisons médicales, d’accueil pour des personnes vulnérables en centres de jour, de financements pour des territoires « zéro sans-abri ». C’est assez contradictoire avec les slogans de campagne des Engagés qui se revendiquaient comme le parti de la santé.» Dans son discours, lundi, le ministre Coppieters a laissé entrevoir une confirmation de cette hypothèse. «La rationalisation de crédits non consommés ou faiblement mobilisés au sein de certaines enveloppes sectorielles» figure en effet dans le premier volet d’économies.
La réduction du budget de l’Aviq: une conséquence de la régionalisation de la Belgique ?
L’Aviq, de son côté, se dit prête à ouvrir ce chantier et préfère parler «d’optimisation» plutôt que de rationalisation. «Le but n’est pas de rompre la sécurité sociale, mais on doit faire plus avec moins, pointe sa porte-parole. Pour ça, nous devons réfléchir aux besoins actuels.» Ceux-ci ont bien changé ces dernières années. Du fait de la crise sanitaire, dans un premier temps, mais surtout de l’évolution du contexte politique qui n’a pas épargné l’Aviq. «Depuis sa création, l’Agence a connu une évolution exceptionnelle de ses missions et de son périmètre d’action, conséquence directe des réformes institutionnelles successives et des crises sanitaires et sociales traversées. Elle est passée d’environ 480 équivalents temps plein (ETP) en 2016 à 910 aujourd’hui, pour gérer un portefeuille de compétences qui touche à des politiques fondamentales: santé, handicap, vieillissement, santé mentale, allocations familiales, bien-être des personnes vulnérables, énumèrent Yves Coppieters et son cabinet. Cette croissance n’est pas le fruit d’une expansion interne, mais la traduction d’un mouvement structurel d’intégration de missions transférées du fédéral, de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou d’autres services régionaux.»
D’ici à 2050, un Wallon sur quatre aura plus de 65 ans (contre un sur cinq aujourd’hui). L’Aviq, chargée d’assurer la qualité de vie des personnes âgées, verra sa charge de travail augmenter. «Ce sont des enjeux que l’on voit venir depuis longtemps, défend l’agence. Nous sommes une administration résiliente; cela nous pousse à revoir les choses, à être plus créatifs.» Selon Christie Morreale, c’est notamment parce que l’Aviq a joui, jusqu’ici, d’une santé financière lui permettant d’estimer précisément ses besoins, de réaliser un audit de son fonctionnement, d’être aidée par l’informatisation et même de se constituer des réserves financières. Pour ces raisons, toujours selon la socialiste, l’Aviq ne tombera pas en décrépitude de sitôt, mais elle risque de devoir laisser certaines personnes fragiles sur le bas-côté, comme l’illustre l’abandon de l’indexation de l’allocation sociale pour les plus âgés, par exemple.