Le contrôle de la cargaison en provenance de Zurich par la douane belge a révélé que le matériel en partance pour Israël était caractérisé comme militaire. © JOHN THYS / AFP

Livraison d’armes à Israël: la Région wallonne se déclare de nouveau personne lésée pour une cargaison militaire passée par Liège

Clément Boileau
Clément Boileau Journaliste

Des composants militaires à destination d’Israël ont bien transité par l’aéroport de Liège début octobre selon un rapport de l’administration douanière. La cargaison est toujours bloquée. Une information judiciaire a été ouverte. Swissto12, l’entreprise qui a produit les pièces, nie le caractère militaire du matériel, et plus généralement, toute entorse à la réglementation en la matière, renvoyant la responsabilité vers le client à qui était destinée la cargaison.

C’était donc bien du matériel militaire à destination d’Israël. Le 7 octobre dernier, le site Heidi.news révélait que du matériel produit par la société suisse Swissto12 avait été acheminé, via Liège, avant, théoriquement, de partir pour Tel-Aviv. En l’occurence il s’agit de «caisses contenant des antennes et du matériel radiofréquence» au bénéfice d’Elbit Systems, le «premier fournisseur de drones de l’armée israélienne», selon le média suisse. La cargaison devait repartir le 13 octobre mais, sur base de cette information, le gouvernement wallon avait demandé aux douanes de bloquer la cargaison, le temps d’éclaircir l’affaire puisque les caisses ne comportaient aucun marquage spécifique.

Matériel militaire

Selon nos informations, il apparaît qu’un «faisceau d’indices» mentionné dans un rapport de l’administration douanière rendu fin octobre tend à démontrer que ce matériel «serait bien à caractériser comme militaire»: ce dernier aurait dû «faire l’objet d’une licence d’export depuis la Suisse, et donc d’une demande de licence de transit en Wallonie», ce qui n’était manifestement pas le cas. Une information judiciaire a été ouverte.

Lors du contrôle de la cargaison, d’autres caisses en transit pour Israël ont également été inspectées, mais celles-ci n’étaient pas problématiques, nous est-il revenu.

Swissto12 fait valoir que «le produit en question était censé être en transit temporaire par Israël où Elbit Systems (NLDR: qui aurait pris la responsabilité de cette cargaison avant son transport), les intègre dans un système plus vaste qui est ensuite réexporté vers le client final en Asie du Sud-Est», ajoutant au passage qu’«aucun produit de Swissto12 n’est destiné à une utilisation par Israël ou par des entités liées aux conflits associés à Israël».

L’entreprise ne s’explique pas comment la cargaison a pu être qualifiée de militaire, assurant que «les produits concernés sont classifiés comme étant à double usage, confirmé par la licence d’exportation des autorités suisses (SECO) les couvrant.»

Enquêtes judiciaires

Alors que les stigmates des bombardements israéliens sur Gaza sont encore bien visibles, ce nouveau transit militaire présumément illégal met le gouvernement wallon dans l’embarras, d’autant qu’une précédente affaire similaire avait impliqué, cet été, le transporteur américain Fedex: ce dernier était accusé d’être passé par Liège pour transborder des pièces de F-35 vers Tel-Aviv, là aussi sans licence de transit.  

«La Wallonie n’accorde aucune licence d’exportation d’armes qui renforcerait la capacité militaire des forces en présence et fait preuve de la plus haute vigilance dans l’octroi de licences ayant pour destination Israël et les territoires occupés.»

«La Wallonie n’accorde aucune licence d’exportation d’armes qui renforcerait la capacité militaire des forces en présence et fait preuve de la plus haute vigilance dans l’octroi de licences ayant pour destination Israël et les territoires occupés», avait plaidé le ministre-président Adrien Dolimont (MR), demandant à ce que la Région se déclare personne lésée. Depuis lors, ce dossier, qui avait démarré par une plainte déposée à Liège par l’association flamande Vredesactie, est passé à l’instruction et la Région wallonne est désormais partie civile, nous revient-il également.

Suivi «particulier»

Dans le dossier concernant Swissto12 et Elbit Systems, il n’est pas exclu que la Région wallonne se porte de nouveau partie civile, si d’ordinaire l’information judiciaire devait passer au stade de l’instruction. En attendant, l’administration douanière a été sommée de bloquer la marchandise incriminée, tout en «s’assurant que les mouvements de ce type vers Israël fassent l’objet d’un suivi particulier».

Ce «suivi particulier» est évidemment une tâche ardue, alors que  l’arrêté ministériel adopté l’an dernier pour interdire tout transit d’armes à destination d’Israël par les aéroports de Liège et Charleroi a été annulé par le Conseil d’Etat. Depuis, le gouvernement wallon est invité par diverses associations, dont Amnesty International, à légiférer sans tarder, afin d’éviter que la Wallonie «serve de plaque tournante aux transferts d’armes risquant de servir à commettre des violations des droits humains et du droit international humanitaire».

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