Au lendemain d’un rapport de la Stib explorant les pistes alternatives à la finalisation du métro 3, le gouvernement bruxellois devait décider de classer ou non le Palais du Midi dont la destruction est nécessaire à la construction du chantier. La crise politique bruxelloise bloque un peu plus le projet.
L’hypothèse d’un métro reliant le sud de Bruxelles (Forest) à son extrême nord (Evere) s’effrite un peu plus. D’abord, parce que la Stib ouvre pour la première fois la discussion à des alternatives au projet, a-t-on appris ce mercredi via la fuite d’une note qui explore sept scénarios alternatifs à la finalisation du chantier. Et puis politiquement, puisque la concrétisation du métro passe par la démolition de l’imposant Palais du Midi, en plein cœur de Bruxelles, prévue pour le mois de septembre. Réunie ce mercredi, la coalition PS-Ecolo-DéFI-Groen-Vooruit-VLD en affaires courantes depuis plus d’un an n’a pas voulu prendre de décision qui pèserait (plus que) lourd sur les finances du prochain exécutif.
Les différents scénarios explorés par la Stib (à la demande du gouvernement bruxellois) dans sa note que Le Vif s’est procurée sont larges. Tantôt pragmatiques, tantôt radicaux, ils observent la possibilité de la poursuite du chantier dans sa forme initiale aussi bien que sa suppression définitive et totale. Dans la rédaction de la note, on sent une préférence de la part de la société de transports publics pour une poursuite des travaux, et un certain scepticisme pour un arrêt définitif. «Le gouvernement bruxellois nous a demandé différents scénarios que nous avons mis sur la table, se défend la société publique. On laisse l’interprétation à chacun des termes employés, mais la Stib a toujorus respecté le contrat de gestion du gouvernement.»
Quoiqu’il en soit, si c’est un des scénarios allant du A au C* qui est finalement choisi, il faudra donc démolir le Palais du Midi. Pour ce faire, il faut un permis qui doit être délivré par urban.brussels, une procédure actuellement suspendue par une demande de classement du bâtiment introduite par l’Arau (Atelier de Recherche et d’action Urbaines). Cette procédure suspend actuellement la possibilité de délivrer le fameux permis destructeur jusqu’au 20 août prochain, après quoi elle deviendra caduque. Mais l’Arau vient de relancer une demande de classement qui devrait prolonger la période de suspension du permis. «Aujourd’hui, le projet du métro 3 n’est que bloqué à plusieurs niveaux, mais cette demande de classement devrait le stopper se elle venait à être acceptée», assure la directrice de l’Arau, Marion Alecian. La poursuite du chantier est donc suspendue principalement en raison de cette demande de classement introduite à répétition par l’Arau. Si le gouvernement en affaires courantes avait tranché ce jeudi midi, ça aurait été une autre affaire. Il ne l’a pas fait, et la Stib dit «prendre acte».
Le métro 3 comme élément de déblocage politique ?
Politiquement, le débat est essentiel dans la formation du gouvernement bruxellois qui semble enlisée. Les partisans d’un abandon sont d’ailleurs marginaux à la formation d’un gouvernement. La volonté de poursuivre le chantier dans son entièreté, y compris pour le tronçon Nord-Bordet, est l’un des (rares) points de convergence entre le MR et le PS, dont les présidents de fédérations bruxellois, David Leisterh et Ahmed Laaouej, se rencontreraient en sous-marin. Les deux partis entrevoient cependant des solutions différentes pour mener le métro jusqu’à Bordet, et l’option d’un partenariat public-privé n’est pas totalement écartée malgré qu’elle soit la plus chère des scénarios étudiés. Il n’est par ailleurs pas inutile de rappeler que le rééquilibrage des finances régionales est l’élément central du MR dans les négociations gouvernementales. A l’heure actuelle, 545 millions d’euros ont déjà été investis dans le projet.
Les Engagés, également défenseurs de l’extension sur le tronçon nord, envisagent éventuellement de postposer de cinq à dix ans le chantier. Ils insinuent par ailleurs dans La Libre qu’un report de cinq à dix ans pourrait être bénéfique, étant donné qu’ils estiment le projet comme non-finançable actuellement. En coulisses, il se dit également que la Stib préfèrerait la solution C*, soit un phasage des travaux reportant l’exploitation de la portion sud à 2039, et celle du nord à 2046. En novembre 2019, on prévoyait pourtant l’inauguration de la section Albert – Nord pour fin 2024.
Il se murmure cependant que la solution favorite des Engagés serait également celle de la Stib, ce qui lui permettrait d’éteindre la polémique Métro 3 et Palais du Midi le temps que la situation politique se tasse et devienne plus favorable à la poursuite du projet. A moins que cela soit un contrefeu en prévision d’un rapport de la Cour des comptes sur le métro 3, de ses origines à son futur, dont certains redoutent une sévérité annoncée.