Lundi, Fouad Ahidar mettait un gros coup de pression et coupait court à un scénario étudié dans les coulisses politiques, insinuant qu’il soutiendrait le gouvernement bruxellois de l’extérieur.
Ce 25 décembre, les négociateurs bruxellois ont déballé une note rédigée par le nouveau formateur, Yvan Verougstraete (Les Engagés), qui devrait aboutir au début du travail concret pour instaurer un gouvernement de centre-gauche. Tous les négociateurs? Non. Côté néerlandophone, Frédéric De Gucht (Open VLD) et Fouad Ahidar devront se contenter d’un triste charbon laissé dans les souliers par le président centriste. Les deux hommes sont pourtant susceptibles d’être appelés à monter dans un gouvernement régional si celui-ci voit le jour.
Fouad Ahidar un peu moins, peut-être, et c’est sans doute pour cela qu’il a barré d’un trait, début de semaine, l’hypothèse d’un soutien extérieur à un gouvernement bruxellois qui circulait depuis quelque temps. «Soit nous sommes pleinement autour de la table, soit nous ne le sommes pas. Il n’y a pas de place pour les demi-mesures.»
Pour rappel, si la région bruxelloise est bloquée depuis plus de 560 jours, c’est notamment parce que plusieurs vétos sont posés, dans plusieurs trajectoires, et que ceux-ci posent des problèmes arithmétiques. Côté francophone, l’arrivée récente de l’ancien communiste, Soulaiman El Mokkadem, dans les rangs du PS permet une majorité de 37 sièges sur 72, courte, inconfortable, mais suffisante pour l’alliage Engagés/PS/DéFI/Ecolo. Côté néerlandophone, en revanche, Groen (4), Vooruit (2) et CD&V (1) ne rassemblent que 7 sièges sur 17. La double majorité linguistique nécessaire à l’instauration d’un gouvernement bruxellois n’est pour l’instant pas atteinte.
Fouad Ahidar, visé par des vétos d’exclusion de DéFI et de Vooruit, représente trois siège et aimerait s’asseoir à la table des négociations programmée dans les premiers jours de 2026. Pour l’instant, il est plutôt le plan B. Sauf que le plan A, Frederic De Gucht (deux sièges), n’a montré que peu d’assentiments envers les négociateurs rassemblés par Yvan Verougstraete, et il faudra en faire beaucoup pour le convaincre, lui qui a toujours voulu «monter» avec la N-VA (deux sièges).
La Team Fouad Ahidar en proie aux doutes
Dans un article acide, le média néerlandophone bruxellois Bruzz fait état de dissensions internes au mouvement. Depuis le triomphe de la «Team» aux deux scrutins de 2024, une série d’élus communaux ont rendu leur carte de parti et six des huit assistants des députés bruxellois ont démissionné suite à une charge de travail trop importante et des conflits d’intérêt, écrit le média, qui rajoute que l’évolution du parti vers une structure plus professionnelle, promise après les élections, n’est plus à l’ordre du jour.
«Du bullshit de A à Z, jure Fouad Ahidar. Il y aura toujours du turnover en politique. Et pour certains cas, c’est même nous qui avons dû faire le tri parce que nos élus communaux ne remplissaient pas le job correctement.» D’ailleurs, l’un des proches de Ahidar, Mourad Maimouni, assure que le parti a reçu 200 candidatures pour travailler dans un éventuel cabinet ministériel. «Mais c’est vrai que durant les 20 derniers mois, on a parlé trois fois d’un potentiel retour aux urnes. Il est impossible de restructurer un parti et de faire un rebranding efficace dans ce contexte, il faut au moins deux ans.»
«Je ne me tracasse pas de qui signera ce projet ou non au parlement car je ne peux pas imaginer qu’un député ne signe pas un projet qui sauvera et rendra un peu de fierté à la capitale après un blocage historique.»
Pour certains, très bien placés dans les négociations actuelles, le coup de pression de Fouad Ahidar est plus un appel au ralliement interne qu’une communication au monde politique. «Quand Fouad a créé ses listes, elles n’étaient composées que de gens ambitieux pour eux-mêmes, qui espéraient des mandats rémunérateurs. Certains s’en vont chercher ces mandats dans d’autres partis désormais.»
Yvan Verougstraete, qui a rencontré Fouad Ahidar dans son tour préliminaire, ne prête pas attention à cette friture sur la ligne. «Notre objectif, c’est de bosser avec ceux qui sont là. Nous allons travailler sur une déclaration de politique générale ambitieuse et réaliste pour 1,2 million de Bruxellois. Je ne me tracasse pas de qui signera ce projet ou non au parlement car je ne peux pas imaginer qu’un député ne signe pas un projet qui sauvera et rendra un peu de fierté à la capitale après un blocage historique.» Le président des Engagés s’adresse surtout à Frédéric De Gucht, qui comme lui porte également une fière casquette d’entrepreneur, et donc capable de «soutenir un business plan crédible», sans brusquer Fouad Ahidar pour autant.
Le double discours qui a éloigné Fouad Ahidar du pouvoir
«A chaque fois, on nous donne le rôle de la cinquième roue du carrosse, fulmine Fouad Ahidar. Les partis actuels nous utilisent en disant à Frédéric De Gucht que si le VLD ne monte pas au gouvernement, la Team Fouad Ahidar soutiendra celui-ci depuis le parlement.»
Ce que le tribun jettois reproche à la classe politique bruxelloise, c’est le double discours de ses interlocuteurs, en réunion ou face aux médias. «Après m’avoir rencontré, Yvan Verougstraete a dit qu’il me rappellerait mais aujourd’hui, il fait comme si l’on existait pas. Laaouej est favorable au fait de nous avoir, mais son président de parti dit « jamais avec la TFA » dans la presse. Vooruit a une rancœur indescriptible à mon égard parce que j’ai quitté le parti. Les seuls qui ont toujours été réglos avec moi, c’est Elke Van den Brandt et Stijn Bex (Groen), mais ils n’osent pas dire publiquement que l’on pourrait travailler ensemble.»
Petit paradoxe de ce conte (de Noël ou de 1001 nuits, c’est selon) autour de la formation bruxelloise, où il se dit que chaque semaine pourrait être décisive alors qu’aucune ne l’a vraiment été. Lundi, Fouad Ahidar voulait mettre un grand coup de pression tout en se montrant volontaire et constructif. Dimanche, lorsque les premiers retours sur sa note reviendront à Verougstraete, et si ceux-ci ouvrent une nouvelle phase, plus concrète, de négociations, Fouad Ahidar et sa team seront définitivement hors des négociations. Ne restera que l’Open VLD pour prendre part à une majorité bruxelloise. En décembre 2024, déjà scotchés à la N-VA, les libéraux flamands avaient déjà dit «oui», mais à un certain prix. Nul doute que l’enchère est encore montée depuis.