La Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale réclame 66 millions au gouvernement qui la finance. Pour éviter de sortir le chéquier, Sven Gatz émet l’idée d’effacer la dette autrement. Sans faire consensus.
La semaine dernière, nos confrères de L’Echo révélaient que la SLRB (Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale) attaquait la Région bruxelloise en justice, lui réclamant la somme de 66,5 millions d’euros. L’affaire sera introduite devant le tribunal ce mardi, mais ce conflit trouve son origine dans des tensions politiques bien plus profondes, qui déchirent le gouvernement bruxellois (en affaires courantes, faut-il le rappeler) entre sa gauche et sa droite.
Un peu de mise en contexte. La SLRB est l’organisme chargé de recevoir et redistribuer les projets de logements sociaux en région bruxelloise. Elle est ainsi directement liée à la politique du gouvernement régional en termes de logements. Un gouvernement qui, dans sa déclaration de politique régionale signée en 2019, avait fait du logement sa priorité et ambitionnait d’offrir une solution concrète à 15.000 des 43.000 ménages bruxellois inscrits sur liste d’attente pour un logement social.
A l’élaboration des différents budgets, et particulièrement celui de 2023, la Secrétaire d’Etat au Logement Nawal Ben Hamou (PS) a mis les bouchées doubles –avec l’approbation parfois difficile de ses partenaires de coalition– afin d’atteindre l’objectif fixé en 2019. La situation budgétaire bruxelloise étant ce qu’elle est, le ministre des Finances bruxellois Sven Gatz (Open VLD) aurait décidé de dire stop pour l’année 2025, alors que 446 logements devraient être livrés. Sans consensus politique, le versement n’a pu être livré, d’où la procédure en justice menée par la SLRB qui, si elle n’est pas payée, ne pourra plus honorer ses factures à partir du mois de décembre prochain.
Du logement social détenu par ses bénéficiaires?
Le libéral néerlandophone a alors fait une proposition, ajoutant une nouvelle dimension au problème. Afin de réduire la voilure des dépenses de la SLRB, pourquoi ne pas mettre en vente certains bâtiments inoccupés de son parc? Le Palais 48 (Schaerbeek), qui avait fait l’objet d’une occupation compliquée par des demandeurs d’asile à l’hiver 2022-2023, ainsi que le centre Ariane (Woluwe-Saint-Lambert) qui avait également accueilli des réfugiés d’Ukraine et d’ailleurs, auraient été mentionnés lors des échanges. Echanges infructueux, et donc toujours bloqués.
Contacté, le cabinet de Sven Gatz ne souhaite pas communiquer pour le moment. «Tous les départements ministériels présentaient une ambition au début de la législature, mais on est confronté à la réalité du budget, commente son collègue Bernard Clerfayt (DéFI), en charge de l’emploi. Si l’on avait voulu atteindre tous les objectifs de la DPR (NDLR: déclaration de politique régionale), il aurait peut-être fallu un budget de 15 milliards. (…) Je ne peux pas accepter de dépenser l’argent du prochain gouvernement bruxellois, qui n’en aura déjà pas beaucoup.»
Contacté, le cabinet de la Secrétaire d’Etat au Logement ne commentera pas le dossier avant la décision de justice. Pour sa part, la SLRB estime que la gestion de son parc immobilier relève de la compétence du gouvernement. Si le gouvernement dit qu’il faut vendre, elle vendra, mais ce n’est pas l’accord prévu dans le contrat de gestion entre la région et la SLRB, et il serait utile de se demander s’il ne s’agit pas d’une nouvelle politique régionale de logement, ce qui ne relève pas d’un gouvernement en affaires courantes.
La porte n’est, en réalité, pas si fermée que cela. Dans un mémorandum publié sur son site en 2024 (afin de faciliter l’élaboration d’une politique de logement pour le prochain gouvernement, c’est cocasse), la SLRB se dit ouverte à l’idée de vendre certains de ses biens, soit à ses locataires, soit à des finalités sociales. Dans une note gouvernementale datant de cet été, que Le Vif s’est procurée, il est notamment stipulé qu’un projet pilote de logement social acquisitif est analysé. La note sollicite tout de même le renouvellement du billet de trésorerie de 150 millions d’euros à l’égard de la SLRB. Une vente au privé serait, par ailleurs, moins avantageuse pour la SLRB car les acquéreurs sont en connaissance de la situation politique et de l’instabilité qu’elle provoque dans les comptes des organismes publics.