pension anticipée
Jan Jambon souhaiterait changer le modèle d’octroi des pénalités pour la pension anticipée.

Pension anticipée: Jan Jambon souhaiterait «un changement sournois» des règles, une «très mauvaise surprise pour beaucoup» (info Le Vif)

Noé Spies
Noé Spies Journaliste au Vif

Le ministre des pensions Jan Jambon (N-VA) souhaiterait faire évoluer les pénalités relatives à la pension anticipée, par rapport à celles prévues dans l’Accord de gouvernement. Un «changement complet de paradigme» qui pourrait pénaliser doublement. «Ils n’ont pas eu honte de nous dire qu’ils ne voulaient plus laisser passer personne entre les mailles du filet».

Ce n’est pas grand un secret, l’Arizona et son ministre des pensions Jan Jambon (N-VA) souhaitent durcir les règles pour l’accès au départ à la retraite anticipée, jugé trop aisé. En dissuadant (beaucoup) de partir avant l’âge légal avec l’application d’un malus, et en encourageant (un peu) à continuer au-delà de l’âge légal avec un bonus (modifié).

C’est un petit secret, en revanche: le ministre souhaiterait changer les règles du jeu par rapport à celles inscrites dans l’accord de gouvernement.

Pension anticipée: les pénalités évoquées dans l’accord de gouvernement

Celles-ci stipulent qu’à partir de 2026, si un travailleur souhaite prendre sa retraite avant l’âge légal (66 ou 67 ans), une pénalité sera appliquée par année d’anticipation sur le montant de sa pension.

Cette pénalité s’élève à:

  • 2% par an de 2026 à 2030;
  • 4% par an après 2030;
  • 5% par an à partir de 2040.

Cette sanction sera appliquée «si le retraité remplit la condition de carrière pour la retraite anticipée mais pas celle liée aux 35 années de carrière de 156 jours et 7020 jours de travail effectifs», dit l’accord. Ce qui équivaut, plus concrètement, à 22,5 ans de carrière à temps plein, ou 45 ans à mi-temps.

Il a été démontré qu’un tel système désavantage déjà fortement les personnes ayant travaillé à temps partiel, surtout les femmes, car beaucoup ne remplissent pas ces conditions. Le Comité d’Etude sur le Vieillissement, dans son nouveau rapport, affirme que 49% des femmes risquent de payer un malus en cas de pension anticipée. «Le malus n’est pas quelque chose d’hypothétique, surtout pour les femmes qui ont travaillé à mi-temps», fait-on remarquer.

Pension anticipée: Jan Jambon voudrait changer le modèle de calcul

Voilà pour la théorie de départ… qui pourrait donc bien être piétinée.

Jan Jambon souhaiterait changer de modèle. «L’intention a été annoncée lors du Comité de gestion du Service fédéral des Pensions du 23 juin dernier», assure Selena Carbonero Fernandez, secrétaire fédérale FGTB. Ils n’ont pas eu honte de nous dire: « Notre volonté est que personne ne passe entre les mailles du filet. »»

De quoi parle-t-on, concrètement? Au lieu de fixer la pénalité du départ anticipé selon les conditions précitées, le ministre souhaiterait la lier à l’année de naissance du futur retraité. Un changement de méthode de calcul complet, donc.

Le nouveau plan évoqué par le cabinet Jambon serait le suivant:

  • 2% de pénalité par année de départ anticipé pour les personnes nées entre 1961 et 1963;
  • 4% pour les personnes nées entre 1964 et 1972;
  • 5% pour les personnes nées après 1973.

De cette manière, le système devancerait l’application des pénalités plus élevées par rapport à ce qui était prévu dans l’accord initial. «Il s’agit d’un changement de logique, alerte Selena Carbonero Fernandez. Au lieu de tenir compte de la date de pension théorique, on instaure un nouveau critère, celui de l’année de naissance, qui durcit encore la règle. C’est une forme de rétroactivité injuste, car elle punit les gens en fin de carrière, qui ne peuvent plus l’adapter.»

Un exemple concret: Martine

Comment s’appliquerait la nouvelle logique supposément voulue par Jan Jambon?

Un exemple concret: Martine. Née en 1964, elle a travaillé à mi-temps depuis ses 20 ans, sans interruption. En 2026, elle aura 62 ans, 43 années de carrière, et décide de prendra sa retraite anticipée.

Selon les règles indiquées dans l’Accord de gouvernement, comme elle n’atteint pas 45 années de carrière à mi-temps, elle devrait alors subir une pénalité de 2% par an pour 5 ans d’anticipation, soit une perte totale de 10% du montant de sa pension (164 euros par mois).

Avec la potentielle nouvelle logique Jambon, sa pénalité passerait à 4% par an, puisque Martine est née en 1964. Elle subirait une perte totale de 20%, soit une sanction doublée. Pour, qui plus est, une pension déjà faible. Martine ne peut rien y changer, car sa carrière est déjà derrière elle.

«Il s’agirait purement et simplement d’un durcissement sournois des conditions de retraite anticipée, via un changement de critère», s’indigne Selena Carbonero Fernandez.

Un malus de 4% pour les personnes nées en 1964

Un autre membre effectif du Comité de gestion SFPD présent ce 23 juin confirme la volonté du ministre de lier le malus à l’année de naissance: «Le chef cab’ de Jan Jambon l’a effectivement évoqué oralement. Il a été dit que le but recherché, en se basant sur l’année de naissance, est d’éviter que trop de travailleurs soient tentés de prendre leur pension anticipée le plus vite possible, dans le but d’échapper à un malus plus élevé.»

Le cabinet Jambon a dès lors mis sur la table «un malus de 4% par année de départ anticipé pour les personnes nées en 1964», assure le membre effectif, rejoignant la description faite par la FGTB, «ce qui concerne au plus haut point les personnes qui ont actuellement 61 ans.» «Ce serait une très mauvaise surprise pour beaucoup de monde, dès l’année prochaine», ajoute-t-il.  

Dans tous les cas, la mesure doit encore être négociée. «Mais la volonté est là. Sans future concession, cette idée serait une bombe. La mener à terme créerait un choc énorme dans la population. Politiquement, donc, il est fort à parier que Jambon se voie contraint de remodeler sa volonté initiale», dit-on.

«L’entrée en vigueur d’un tel malus en janvier 2026 ne passera pas, prédit encore une autre source, car il pose plusieurs problèmes juridiques.»

«Vol des droits acquis»

Toujours est-il que les conditions du malus sont en train d’être discutées en coulisses, à fond, avant les vacances. «Et ce qui est en train d’être préparé ressemble à un vol des droits acquis, glisse un député fédéral PTB. Cela ne passera pas le contrôle constitutionnel. Si on enlève 20 ou 25% à une pension moyenne de 1.523 euros, on bascule dans la pauvreté totale.»

«Il semble effectivement que Jambon souhaiterait introduire le notion de date de naissance, confie encore un député fédéral PS. Il n’y pas eu de décision, mais bel et bien une volonté de durcir encore plus les conditions de l’accord de gouvernement.»

Au vu des règles en vigueur dans ce dernier, certaines personnes pourraient être tentées de partir le plus tôt possible avec un malus de 2%, et ainsi éviter un malus de 4% l’année suivante. Se baser sur l’année de naissance «permettrait d’imposer un malus maximal dès maintenant, et éviter cette «fuite» anticipée.» «Une manière de forcer les gens à travailler jusqu’à 66 ou 67 ans, ajoute le député PS. Ce ne serait pas la première fois que la N-VA arrive à piétiner totalement l’accord de gouvernement.»

Contacté, le cabinet de Jan Jambon n’a pas souhaité faire de commentaire.

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