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"La droite creuse les déficits": voici les secrets du plan com du PS sur le budget © BELGA

«La droite creuse les déficits»: voici les secrets du plan com’ du PS sur le budget

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Au bureau du PS, Paul Magnette a exposé le plan com’ des socialistes sur les budgets que les «gouvernements des droites» vont bientôt adopter. Le Vif s’est procuré sa présentation et les secrets qu’elle contient.

Lundi 22 septembre, le bureau du Parti socialiste s’est attardé, comme presque à chaque fois, sur un hommage rendu à Georges-Louis Bouchez, puisque Paul Magnette conclut les discussions par un point sur l’actualité politique, et que celle-ci, comme chaque lundi, est dictée par le président réformateur. Cet échange convenu sur le MR est une grâce offerte à l’adversaire, qui se régale des articles de presse évoquant des «réunions de crise anti-Bouchez au PS», mais aussi une énième défaite culturelle pour les socialistes. Ils ne parviennent plus à dicter l’actualité politique, même lorsque tous les gouvernements auxquels ils s’opposent alternent mesures impopulaires sur le plan économique et initiatives compensatoires sur les sujets culturels. Même lorsqu’une étape présentée comme importante de leur refondation sans tabou promeut des priorités aussi révolutionnaires que le travail et le pouvoir d’achat, les oscillations du Parti socialiste dans le débat public ne durent pas plus d’une journée.

Alors il faut faire du contexte sur lequel les adversaires ont prise, un élément de rebond. C’était tout le sens de ce Bureau du 22 septembre, une fois passées les lancinantes et inutiles complaintes à propos de cette même prise sur le contexte dont profitent les adversaires. Ceux-ci, à tous les niveaux de pouvoir, y compris celui où ils seront des partenaires pour le PS, se préparent à confectionner leurs budgets 2026. Or, ces budgets sont une occasion parfaite pour les socialistes de s’opposer à ce à quoi ils s’opposent le plus rentablement: des mesures socioéconomiques qui imposeront des sacrifices aux uns et soulageront les autres. Tout l’enjeu budgétaire du PS et de Paul Magnette, cet automne, consiste à rassembler dans son camp les uns et à se donner l’air de pouvoir prendre la citadelle des autres. Les uns étant les gentils qui trinquent, les autres les méchants qui profitent.

Une trame rouge

Le Vif a reçu une copie des éléments de langage du plan com du PS sur ce brûlant sujet des budgets, présentés au bureau du parti par Paul Magnette, le 22 septembre. Ces éléments de langage, Paul Magnette les a présentés seul face aux siens. Mais parce que sa position, fragile depuis la défaite de 2024, l’oblige à donner de la place aux autres dans l’ordre interne et dans le débat public, même si son intérêt personnel devrait lui faire vouloir concentrer la parole socialiste vers le monde extérieur. C’est pourquoi, à Nivelles, fin août, au bureau de la rentrée, ce sont les chefs de groupe qui avaient expliqué, devant les membres du bureau et la presse invitée pour l’occasion, ce que contiendraient les budgets auxquels ils s’opposent. Et c’est pourquoi, le 22 septembre, avant sa propre présentation, Paul Magnette a laissé les chefs de groupe concernés présenter aux médias nationaux les grandes lignes des budgets de chaque gouvernement auquel les socialistes s’opposent. Et c’est aussi pourquoi il a laissé un chef de groupe concerné ne pas présenter au média régional bruxellois les principes du budget auxquels les socialistes participent.

Le PowerPoint de Paul Magnette commence par poser une trame rouge, que dessinent des chiffres douloureux pour les gouvernements. «MR/Les Engagés creuseront le déficit», assure le président socialiste, et avec lui ses camarades, puisque «le déficit devrait fortement se creuser d’ici à 2030 et s’élever à 48 milliards pour l’ensemble de la Belgique».

Le résultat, selon la bonne parole socialiste, «des choix politiques des gouvernements des droites», à savoir «une politique fiscale déséquilibrée, des mesures antiemploi et antiéconomie, et du maquillage budgétaire». Les socialistes à l’avenir appuieront leur propos d’une infographie publiée par De Tijd (voir ci-dessous), «pas vraiment la revue de l’Institut Emile Vandervelde», ajoutera-t-on pour une performativité accrue. Le tableau, augmenté de flatteuses flèches vertes et de stigmatisantes flèches rouges, démontre que «les gouvernements de droite creusent le déficit». C’est en effet sous les exécutifs Martens-Gol, puis sous celui de Charles Michel, et, à en croire les projections du Bureau fédéral du Plan et du comité de monitoring, sous celui de Bart De Wever, que les déficits ont le plus augmenté, et sous les gouvernements à participation socialiste qu’ils se sont le plus réduits.

Budgets sous tension à tous les niveaux

Avec l’assentiment de Christie Morreale, cheffe de groupe au parlement de Wallonie, qui sortait du studio de LN24, Paul Magnette a d’abord décrit la situation budgétaire en Région wallonne, qui connaîtra une «aggravation du déficit en 2026 de 70 millions d’euros malgré les 268 millions d’euros d’économies sur le dos des associations, des pouvoirs locaux et des missions de services publics». Les réformes des droits de succession et des droits d’enregistrement, disent les socialistes wallons, couplées aux conséquences de la prochaine réforme fiscale fédérale, privent la trésorerie régionale d’un milliard de marges. En Wallonie, le PS, alors, devra dire et répéter que «les coupes supplémentaires sur le dos des familles et des travailleurs viennent de leurs choix fiscaux idéologiques coûteux, pas d’une fatalité budgétaire».

Sous le regard de Pierre-Yves Dermagne, chef de groupe à la Chambre, qui sortait du studio de La Première (RTBF), Paul Magnette a ensuite exposé les contraintes budgétaires fédérales, assurément les plus spectaculairement pesantes du royaume, puisque, au fédéral, «MR/Les Engagés vont doubler le déficit». «La situation internationale n’explique pas tout, a précisé Paul Magnette. C’est surtout le résultat de leurs choix politiques: du maquillage budgétaire et le mirage du taux d’emploi à 80%, une réforme fiscale qui ne fait pas contribuer les plus fortunés, des dépenses en défense qui explosent mais sans sources de financement identifiées», ainsi que «des recettes en baisse pour douze milliards». Et donc, «malgré les attaques terribles sur le pouvoir d’achat, des économies supplémentaires sont nécessaires pour atteindre les objectifs budgétaires», postule le président du PS, qui est aussi député fédéral, et qui ne fait là que retranscrire la volonté affichée par les principaux partis de l’Arizona, MR en tête. Or, argueront les socialistes, les 20 milliards supplémentaires que devra trouver le gouvernement De Wever, c’est «la moitié du budget de remboursement des soins de santé» et «cinq fois le budget des allocations pour personnes handicapées».

Avec le soutien de Martin Casier, chef de groupe au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, qui sortait de chez lui, Paul Magnette a également abordé les difficultés budgétaires en Communauté française (comme dit Bart De Wever, qui refuse de l’appeler Fédération Wallonie-Bruxelles). Le gouvernement d’Elisabeth Degryse doit dénicher «800 millions d’économies pour atteindre ses objectifs budgétaires d’ici à 2029 et financer ses politiques nouvelles, dont 300 millions dès 2026», explique Paul Magnette. «Avec peu de recettes et un budget dominé par les salaires, cela veut dire: coupes dans l’emploi, les salaires ou des secteurs entiers», et les socialistes illustreront ce propos en évoquant des «économies à la hache dans l’associatif et l’enseignement officiel, bientôt l’éducation permanente».

En présence d’Ahmed Laaouej, qui sortait du studio de BX1, Paul Magnette, enfin, n’a pas évoqué le budget bruxellois, que le Koekelbergeois doit commencer à discuter avec le MR et Les Engagés. Le président de la fédération bruxelloise du PS avait, il faut dire, été fort limpide sur le sujet, vulgarisateur jusqu’à la caricature en affirmant au micro de Fabrice Grosfiley qu’il souhaitait que les négociateurs bruxellois «s’enferment pendant cinq ou dix jours si nécessaire» en conclave, et en plaçant une petite phrase destinée à faire le buzz dont il a le secret, «le vote du budget serait un momentum qui aurait des ondulations dont on ne sait pas encore comment elles pourraient se formaliser».

«MR/Les Engagés creuseront le déficit.»

Le pire est à craindre

Bref, «le pire est à craindre», a annoncé Paul Magnette, chargeant les membres du bureau d’en informer la population. Car, assène-t-il, «les travailleurs, les pensionnés, les malades, les familles sont très clairement exposés… et vont payer!». Les socialistes, là, seraient, selon leur président, inspirés de placer les deux mots choisis par le parti pour caractériser les choix socioéconomiques des gouvernements. Ceux-ci seraient inefficaces, parce que «malgré des économies drastiques, ils aggravent la situation budgétaire». Et ils seraient injustes, parce que «95% de la facture est payée par les travailleurs, les classes moyennes et populaires ainsi que les pensionnés».

En conclusion, et puisqu’il ne faut pas que l’on accuse son parti de s’opposer pour s’opposer, sans «proposer des alternatives justes», Paul Magnette a conseillé, le 22 septembre, aux cadres socialistes d’avancer cet automne cinq pistes pour sortir la Belgique de son ornière budgétaire:

«1. des réformes fiscales justes et une contribution des plus fortunés, des banques, des multinationales et du secteur énergétique;

2. du pouvoir d’achat pour soutenir la croissance;

3. limiter l’impact de la Défense à 2% du PIB et garantir des retours à notre industrie;

4. une vraie politique économique et une politique d’emploi efficace;

5. éviter les vases communicants au sein de la sécurité sociale», a martelé le Carolorégien, pour qui tous les prochains conclaves, et surtout le fédéral, doivent remettre le socioéconomique au cœur du débat public.

«95% de la facture est payée par les travailleurs, les classes moyennes et populaires ainsi que les pensionnés.»

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