En 2025, le salarié belge a dû travailler 197 jours pour payer les impôts et les charges qui lui incombent, soit 35 jours de plus que la moyenne européenne. © Getty Images/500px

«Un constat navrant»: pourquoi le «jour de la libération fiscale» tombe bien plus tard en Belgique qu’ailleurs en Europe

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Le 16 juillet marquait le «jour de la libération fiscale et sociale» en Belgique. A partir de cette date symbolique, un salarié cesse théoriquement de travailler pour payer des charges sociales et des taxes et peut jouir entièrement de ses revenus. A l’échelle européenne, seule la France fait pire en matière d’imposition.

A cinq jours de la Fête nationale, c’est un tout autre événément que le salarié belge célébrait mercredi. Le 16 juillet marquait en effet le «jour de la libération fiscale et sociale», un concept théorique développé par l’Institut économique Molinari pour évaluer la pression fiscale qui pèse sur le travail au sein de l’Union européenne.

A partir de cette date symbolique, tout salarié peut théoriquement disposer à sa guise des revenus engrangés par son travail, sans devoir reverser de taxes. Pour calculer ce jour précis, les auteurs de l’étude, relayée par SudInfo, se basent sur le salaire moyen brut en Belgique et prennent en compte les cotisations patronales et salariales, l’impôt sur le revenu ainsi que la TVA.

Ainsi, en 2025, le salarié belge a dû travailler 197 jours pour payer les impôts et les charges qui lui incombent, soit 35 jours de plus que la moyenne européenne. Ailleurs en Europe, le jour de la libération fiscale et sociale tombe généralement aux alentours de début juin. Les mieux lotis sont les Maltais (15 avril), les Chypriotes (24 avril) ou encore les Britanniques (8 mai). Seule la France fait pire, avec un jour de la libération (encore à déterminer) qui devrait tomber d’ici au 20 juillet.

Des tranches trop élevées?

D’après les calculs de l’Institut, le «taux d’imposition réel» d’un salarié moyen belge est en légère augmentation. Il se chiffre cette année à 54,5%, contre 53,5% l’an dernier. A titre de comparaison, la moyenne européenne dépasse à peine les 44%. Une différence que l’avocat fiscaliste Thierry Litannie attribue à deux éléments: les niveaux de taxation multiples (fédéral, régional, communal) «en raison de la lasagne institutionnelle belge» et, surtout, à l’importante progressivité de l’impôt des personnes physiques. «L’IPP est progressif selon le revenu, or on tombe très rapidement dans une tranche extrêmement taxée, regrette Thierry Litannie. Même en gagnant à peine 30.000 euros par an, le taux d’imposition s’élève déjà à 45%, auxquels il faut ajouter tous les autres impôts, comme les centimes additionnels communaux. C’est ça qui nous différencie des autres pays, qui ont des seuils bien plus bas

Pourtant, cette échelle barémique ne fait jamais l’objet d’une «réflexion politique globale», déplore l’avocat fiscaliste. «Historiquement, les gouvernements ont toujours mis des rustines sur le problème, en forçant des rémunérations alternatives, avec des avantages de toute nature comme les voitures de société, illustre Thierry Litannie. Mais jamais les politiques n’ont examiné les effets bénéfiques, sur le plan macroéconomique, d’une baisse de la fiscalité. Or, si les travailleurs payaient moins d’impôts, leurs dépenses augmenteraient, qui sont elles-mêmes des faits générateurs d’impôts (par exemple, la TVA dans les commerce), ce qui serait in fine intéressant pour l’économie du pays.»

Un hiatus important

Une baisse de la fiscalité qui parait toutefois difficilement envisageable dans un contexte d’austérité. «Certes, la situation est assez épouvantable au niveau des finances publiques, reconnaît Thierry Litannie. Ca requiert des efforts de chacun, mais doit-on pour autant toujours majorer l’impôt des citoyens?». Et l’avocat fiscaliste d’insister: «C’est un constat navrant de voir qu’il faut arriver au 16 juillet pour se nourrir uniquement soi-même et non plus l’Etat.»

Les constats dressés par l’Institut Molinari (NLDR: de tendance ultralibérale) sont toutefois à nuancer. Une pression fiscale importante sur le travail ne signifie pas que le Belge gagne moins bien sa vie que ses voisins européens. Les barèmes salariaux sont en effet adaptés à ces fortes charges, et l’indexation automatique permet partiellement de compenser cette taxation élevée. «On n’est pas si mal lotis en Belgique au niveau des salaires, reconnaît Thierry Litannie. Mais il existe un hiatus énorme entre ce que coûte le travail à l’employeur et ce qui arrive in fine dans la poche de l’employé. C’est à ce différentiel qu’il faut impérativement s’attaquer.»



Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire